Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/201

Cette page n’a pas encore été corrigée
1669
1670
DOMINIS


l’Histoire du concile de Trente de Paolo Sarpi, qu’il s’était procurée subrepticement, et qu’il imprimera à Londres sans l’aveu de l’auteur (1619). Il fut fort bien accueilli par le roi Jacques, et par Abbot, arcbevêque de Canterbury. Le premier dimancbe de l’Avent 1617, il prêcbait à Londres, dans la cbapelle des Merciers, un violent sermon contre les abus de la cour de Rome^ répétant les accusations portées dans son précédent pampblet, et affirmant que « pour le seur, telle vie et coustumes, trop fréquentes en la cour de Rome, sans toucher aux gens de bien, monstrent qu’ils n’ont point la cognoissance de Dieu, ny l’espérance de la vie éternelle. » Sermon de M. Marc-Anthoine de Dominis archevesque de Spalalro, Charenton, 1619, p. 19. Il avait déjà raconté à sa façon, dans un violent pamphlet, les causes de sa rupture avec Rome. Causai profectionis, p. 4 sq. En 1617, Jacques lui conféra le riche doyenné de Windsor et plusieurs autres bénéfices. Dominis publia à Londres, en 1617, la première partie de son De republica ecclesiastica ; les deux autres parties parurent postérieurement à Londres et à Hanovre ; l’ouvrage fut plusieurs fois réédité en Allemagne ; je reviendrai plus bas sur ce livre capital. En 1619, il donna, également à Londres, YHisloiredu concile de Trente de Paolo Sarpi. On l’accusa d’en avoir aggravé le texte, et Sarpi désavoua cette publication. Il semble qu’il fut aussi l’auteur de la violente allaque contre la papauté parue à Londres en 1617 et intitulée : Papatus romanus, seu de origine, progressu alque extinctione ejus. Percy, art. cit. ; Benrath, art. cit. Dominis se fatigua vite de son séjour en Angleterre ; ses projets pour l’union des Églises étaient peu goûtés ; sa santé souffrait du climat ; sa vanité puérile, " son avidité de nouveaux bénéfices, son avarice, son tempérament irascible lui avaient vite fait nombre d’ennemis. Godfrey Goodman, The Court of King James, t. i, p. 310 sq.’ : S. R. Gardiner, History, t. iv, p. 284. En 1620, Paul V mourait, et avait pour successeur Grégoire XV, compatriote et ami de Dominis. L’archevêque révolté se résolut à rentrer dans l’Église romaine. Avant fait sonder le pape par les ambassadeurs catholiques présents a Londres, il reçut la promesse de son pardon et d’une pension convenable s’il venait à résipiscence. Le 16 janvier 1622, il écrivit au roi Jacques, lui demandant la permission d’aller à Rome travailler à l’union des Eglises. Le roi très mécontent lui envoya les évêques de Londres et de Durham, et le doyen de Winchester ; Dominis eut avec eux plusieurs colloques fort aigres, au cours desquels il affirma à nouveau tout ce qu’il avait écrit pendant son séjour en Angleterre, mais déclara ne pouvoir plus supporter le climat de ce pays. Neile, Aller Ecebolius, p. 7 sq. Cf. Dominis, De pace, p. 27 sq. Il reçut du roi Jacques l’ordre de quitter l’Angleterre dans les vingt jours. Il se réfugia à Druxelles, attendant un pardon formel du pape ; il emportait dans ses malles 1600 ou 1700 livres sterling (environ 40 000 francs) économisées par lui pendant son séjour : Jacques I" fit mettre l’embargo sur les ! malles à Gravesend, et n’en permit le départ qu’après’une lettre piteuse de l’archevêque. Godfrey Goodman, The Court, t. i, p. 352. A Druxelles, pour préparer son retour à Rome, il écrivit les Causes de son retour d’Angleterre. C’était la palinodie la plus complète’Non seulement il « abominait et détestait les livres écrits par lui en Angleterre comme contenant des hérésies évidentes contre la vérité catholique, et con— ] trairesà la saine doctrine, » mais il déclarait calomnie pure ce qu’il avait dit des abus de la cour romaine. Il faisait la profession de foi la plus solennelle « que le pontife romain est, en vertu de l’institution du Christ son vicaire en terre, la tête visible de toute l’Église catholique, qui fut elle-même toujours visible ; le pape a plein pouvoir, reçu d’en haut, de la régir et diriger

il a pouvoir même sur les choses temporelles en vue du spirituel. » Il louait même l’Inquisition « dont la bénigne et paternelle vigilance sur le troupeau du Seigneur est le seul remède aux maladies des brebis, et seule peut empêcher la contagion de grandir. » Il attaquait violemment la liberté laissée en Angleterre aux luthériens et calvinistes, et terminait en se comparant modestement à saint Cyprien, lui aussi révolté contre un pape, et expiant sa révolte par le martyre ; il souhaitait, à son exemple, le martyre comme réparation de ses fautes. Consilium reditus, p. 3, 6, 16, 21, 22 sq., 63. Cette édifiante rétractation est datée de Rome^ 24 novembre 1622. Les mêmes idées se retrouvent dans son mémoire justificatif à Hall. De pace, p. Il sq. Grégoire XV avait rappelé, et reçu avec honneur l’archevêque révolté, mais repentant, qui se soumit à l’amende honorable exigée de lui. Malheureusement pour Dominis, son protecteur ne tarda pas à mourir, et fut remplacé par Urbain VIII, beaucoup moins favorable (1623). D’ailleurs, l’archevêque ne pouvait retenir sa langue intempérante ; il eut vite fait démettre de nouveau quelques thèses hétérodoxes, et l’Inquisition le fit emprisonner. Le régime de la prison acheva de briser ses forces, et il succomba en 1624, après une profession de foi suffisamment orthodoxe pour qu’on lui ait accordé les sacrements. Après sa mort, on trouva dans ses papiers un traité sur la Trinité, où figuraient maintes propositions hérétiques. Une congrégation de cardinaux examina le cas, et conclut que l’archevêque était mort dans l’hérésie ; son cadavre fut déterré et brûlé avec ses livres. Processe, p. 1 sq. Cf. Percy, art. cit. ; S. R. Gardiner, History, t. îv p. 287 sq. J’Quoi qu’il en soit des convictions intimes de ce peri sonnage fort peu recommandable, et qu’un écrivain I anglican appelait justement « l’homme habile à servitplusieurs maîtres », son œuvre est un mélange fort intéressant des thèses anglicanes et gallicanes. Elle mérite à ce titre une analyse détaillée.

La première partie du’De republica ecclesiastica, parut à Londres en 1617, avec une dédicace au roi

; Jacques I «. Elle se compose de quatre livres. L’auteur

veut y montrer « le vrai et propre régime de l’Église, tel qu’il fut institué par le Christ, pratiqué par les apôtres et les hommes apostoliques, transmis par les saints Pères, inculqué par les conciles catholiques, conservé sans corruption pendant plusieurs siècles par l’usage de l’Eglise universelle. » Le 1. I « est consacré à la forme de la république ecclésiastique. Le Christ est le vrai chef de l’Église ; son influence s’exerce encore sur elle par la grâce. Quoi qu’en aient dit les théologiens romains, Rellarmin et Saunders en particulier, point n’est besoin de représentants visibles du Christ en terre, c. i, p. 1 sq. Les apôtres ne furent, après la mort du Christ comme de son vivant, « que des ouvriers et ministres du Christ, » car leur grande fonction fut la prédication ; « ils ne reçurent rien autre que le ministère de propager la foi du Christ par la prédication de l’Evangile et par l’usage salutaire du baptême, » c. ii p. 13 sq. Tous furent égaux, et tous, au même titre que Pierre, eurent droit au titre de vicaires du Christ dans le sens indiqué plus haut, c. iii, iv, p. 21 sq. Diverses prééminences doivent être cependant reconnues en saint Pierre ; appelé le premier, le premier par la charité, le premier prédicateur de l’Évangile après la Pentecôte, on peut lui concéder la primauté d’honneur « d’un doyen parmi les cardinaux, d’un aine parmi ses frères ; » mais cette primauté ne constitue « aucun pouvoir monarchique et est parfaitement compatible avec l’autorité égale des apôtres dans le gouvernement de l’Eglise, » c. v, p. 36 sq. Tous les textes sur lesquels les théologiens romains fondent la primauté de Pierre sont interprétés d’après ces principes,