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DOMINICI

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propre mère, la pieuse Paula, vint prendre l’habit et dont il garda jusqu’à sa mort la direction spirituelle : la plupart des lettres que nous avons conservées de lui sont adressées aux religieuses de ce monastère (écrites en latin, elles prouvent que celles-ci étaient très familières avec la langue de l’Eglise). Ces lettres comptent parmi les pièces les plus importantes dont il y ait lieu de tenir compte pour juger de sa doctrine ascétique, que pénètre d’un bouta l’autre cette pensée dominante, l’effort vers la perfection par l’imitation la plus étroite de Jésus-Christ : détachement absolu du monde et de soi-même jusqu’à la plus profonde humilité, accomplissement exact des prescriptions de la règle, amour actif et elfectif de Dieu et du prochain soutenu parla continuelle contemplation du modèle qui est Jésus, ardent désir de l’union avec le Christ, tels sont à ses yeux les fondements de toute vie parfaite. Notons aussi le zèle que mettait Dominici à faire transcrire des manuscrits par ses religieuses, miniatures comprises. — La carrière de Dominici à Venise prit fin en 1399 dans les conditions suivantes. L’état lamentable où le grand schisme avait jeté la chrétienté, des pestes et des famines renouvelées ainsi que la crainte des Turcs, avaient déterminé, en Provence d’abord, puis de là dans toute la péninsule, cet extraordinaire mouvement religieux qui prit corps dans des processions dites de « pénitents blancs », auxquelles prenaient part, plusieurs jours durant, des villes entières avec les contrées avoisinantes (par exemple, 40000 personnes à Florence, sur la fin d’avril 1399) ; le gouvernement vénitien y voulut voir un danger public et les interdit sur son territoire : Dominici, ayant pris quand même l’initiative d’une de ces manifestations, fut, le 27 novembre, banni de la République pour une durée de cinq ans.

Après un court séjour à Città di Castello, il revint à Florence, au couvent de Santa-Maria Novella, et se fit entendre comme prédicateur, avec un succès de plus en plus éclatant, que lui valait son éloquence toute apostolique, servie d’ailleurs par un organe puissant et rehaussée encore par le témoignage d’une vie exemplaire. On a pu le comparer, au point de vue de son action oratoire, à J. Savonarole, qui, à la fin du même siècle, allait lui aussi remuer de sa parole ardente la ville toute entière, mais, ajoute Rœsler, avec les défauts en moins, c’est-à-dire sans cette confiance aveugle dans ses visions et ces incursions maladroites dans le domaine politique qui perdirent le célèbre prieur de Saint-Marc. Au milieu de ces travaux absorbants, Dominici n’oubliait pas la réforme qui lui tenait tant à cœur : il profita même de l’influence qu’ils lui avaient acquise pour fonder à Fiesole (1406), avec le concours de riches marchands de Florence, un couvent dédié à saint Dominique et où les fils de celui-ci pratiquèrent sa règle avec la ferveur première. C’est ce couvent qu’allait bientôt illustrer Fra Angelico. — A la même époque, Dominici fut amené à prendre nettement position dans un débat qui passionnait alors la brillante société llorentine : nous voulons parler du réveil de la culture et de l’antiquité classique auquel Pétrarque avait donné le branle et qui battait son plein depuis la restauration aristocratique inarquée par l’avènement des Albiz/i (1382). Voir la description qu’en donne II paradiso degli Alberli, sorte de roman historique contemporain, retrouvé et publié en 1807 par Aless. Wesselofsky. Le fameux juriste et humaniste Coluccio Salutati en était l’âme. Déjà deux de ses amis, Julien Zennarini, chancelier de Bologne, et surtout le camaldule Jean de San Miniato, à Florence même, étaient entrés en polémique avec lui à ce sujet. Hœsler, p. 88 sq., qui le premier a eu la bonne fortune de dépouiller les documents, établit que c’est à cette occasion, et non pour réfuter le De fato et fortuna de

Coluccio, que Dominici, en ce moment à l’apogée de son crédit, rédigea le curieux traité Lucula noclis (1406), édité par le P. Coulon, 0. P., en 1907. Voici quel était le point vif du débat, tel qu’il s’était peu à peu précisé entre les contradicteurs : la lecture des poètes païens peut-elle être permise à la jeunesse ? En dépit de quelques exagérations qui tiennent plutôt à la forme qu’au fond de la pensée, la réponse de Dominici est en somme, et quant à ce point même, des plus raisonnables : il ne s’agit pas de proscrire absolument les classiques païens de l’enseignement, mais d’y procéder à un choix judicieux, inspiré par les règles de la prudence surnaturelle, et surtout de ne mettre ces œuvres entre les mains des enfants, fussent-elles ainsi triées et expurgées, qu’après qu’ils auront reçu une solide instruction religieuse et une forte éducation chrétienne, qui les prémunissent contre tout péril de confusion dans les idées et d’amollissement du cœur ; la science la plus nécessaire de toutes, la science du salut, d’abord, les belles-lettres et raffinement de l’esprit ensuite. Dominici avait bien vu l’erreur de principe des humanistes, celle qui consiste à mettre au-dessus de tout l’élégance de la forme avec la jouissance, même exquise, qui s’y attache, bref leur hédonisme raffiné et supérieur, ce qu’on pourrait appeler leur dilettantisme. Selon la juste remarque de Rœsler, p. 109, ce qu’il condamne, c’est l’esprit qui se trahissait dans la remise en honneur de l’antiquité classique, ce n’est pas l’usage des classiques eux-mêmes. Il convient d’ajouter que Salutati se rendit somme toute et pour son compte, encore qu’avec une pointe évidente d’ironie de-ci de-là, aux raisons de son adversaire occasionnel.

Sur ces entrefaites, le pape Innocent VII mourut (6 novembre 1406). Ce fut, dans la vie de Dominici, le point de départ d’une période nouvelle, la plus brillante assurément, mais aussi celle qui a donné le plus de prise à la malignité de ses détracteurs. Le gouvernement de Florence le mit, en effet, à la tête d’une mission auprès du conclave, pour prier celui-ci de surseoir à l’élection d’un nouveau pape, aussi longtemps que Benoit XIII, auquel une mission était pareillement envoyée, n’aurait pas résigné le souverain pontificat, ce qui pouvait paraître alors le meilleur moyen de rétablir l’unité : les Florentins offraient, en outre, tous les concours, financiers ou autres, nécessaires à cette fin, et proposaient qu’on choisit l’une des villes de leur territoire pour y mener les négociations entre les deux partis. En réalité, et comme il appert des instructions confidentielles adressées aux membres de la mission, Dominici excepté, les intentions de la République n’étaient pas tout à fait aussi pures. Si elle avait à cœur l’extirpation du schisme, elle tenait encore plus à se concilier la faveur du futur pape, afin de s’assurer la possession de la ville de Pise, dont elle venait de s’emparer à la faveur d’une trahison (9 octobre 1406). Ouoi qu’il en soit, les cardinaux de Rome, convaincus de l’illégitimité de Benoit, ne crurent pas devoir se rendre à la requête des Florentins : chacun d’eux s’engagea seulement, par un serinent solennel, à mettre en œuvre, au cas où il serait élu, tous les moyens, y compris au besoin l’abdication, pour faire cesser le schisme. Leurs suffrages se portèrent alors, comme on sait, sur Ange Corrario (Grégoire XII). Le nouveau pape n’entra pas davantage dans les vues du gouvernement io Florence. D’où la mauvaise humeur de celui-ci à l’égard de Dominici, que les intérêts de sa ville natale touchaient beaucoup moins que la cause de l’union, et qui fut relevé de ses fonctions d’ambassadeur. Grégoire XII d’ailleurs, qui l’avait connu et apprécié’à Venise, se l’était déjà attaché : il ne devait guère trouver de conseiller plus dévoué ni plus fidèle. Plusieurs historiens ont voulu de ce chef lui faire por-