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DOMICILE


péremploircs que dans les cas ordinaires, sans doute à cause de la gravité particulière de la matière et de la facilité avec laquelle pourraient surgir les conflits entre évêques. Mais en même temps on constate que la bulle Speculatores ne suppose pas une autre notion du domicile que celle que nous avons indiquée. L’inlentio perpeluo manendi est requise. L’installation aussi, mais cette preuve extérieure de Yanimus doit être fournie dans des conditions particulières de sérieux et doit être accompagnée d’un serment. Le locus n’est pas autrement spécifié, alors qu’il était si facile au pape de remplacer la formule usuelle par in diœcesi, s’il avait voulu s’écarter sur ce point du droit commun. Comme parailleurs la matière n’est pas paroissiale, il faut en revenir à la théorie générale. Toute localité se trouvant de fait dans un territoire soumis à la juridiction épiscopale (ou quasi-épiscopale), le but sera atteint.

Mais venons à ce qui est spécial et fait du domicile d’ordination un domicilium qualification, comme disent les canonistes.

La loi romaine ne s’en remettait jamais à la déclaralion pour établir la réalité de Yinlenlio perpétua manendi et jamais cet élément n’était entré en ligne de compte pour faire la preuve. La bulle Speculatores lui attribue une certaine importance, à condition que le serment vienne renforcer la valeur de la déclaration que l’intéressé a bien, kic et nunc, vere et realiter, Yanimus perpeluo manendi.

L’installation ou corpus doit présenter des caractères particulièrement nets de stabilité. De droit commun, nous l’avons vu, aucun slage n’est nécessaire pour la constitution du domicile. L’intention et l’installation concomitantes établissent le domicile dès le premier moment où elles se trouvent réalisées. Quand il s’agit de l’ordination, un domicile, acquis de cette façon et suffisant pour tous les autres actes, ne pourra donner à l’évêque la compétence nécessaire. Le serment établira péremptoirement Yanimus, mais le corpus ne sera acquis que par une résidence assez prolongée, et antérieure à toute ordination.

De deux choses l’une. Le domicilié aura transporté dans la localité majorent bonorum suorum partem, instructis sedibus, ou il ne l’aura pas fait. Dans ce dernier cas, il faudra qu’il soit établi de fait depuis dix ans et nous voyons ici reparaître la présomption décennale du domicile des étudiants établie par le droit romain, étendue par les juristes de Bologne à tous les changements de domicile. Mais cette présomption décennale est devenue une preuve péremptoire dans la bulle Speculatores. La preuve péremptoire existerait cependant après une résidence effective moins prolongée dans le cas où l’ordinand aurait transféré majorent partent bonorum ac rerum et se serait transporté lui-même, non pas n’importe où, à l’hôtel par exemple, mais dans une installation personnelle, que la maison ait été d’ailleurs achetée ou simplement louée. Ce concept du corpus semble coïncider assez bien pour que nous puissions en emprunter la formule avec celui de notre Code civil à l’article 102 ainsi conçu : « Le domicile de tout Français est au lieu où il a son principal établissement. » En sorte que nous pourrions résumer en français les prescriptions de la bulle Speculatores dans les termes suivants : Le domicile d’ordination s’établit par le fait d’une résidence continue pendant dix ans dans une localité du diocèse, le délai. serait réduit au cas où l’ordinand aurait dans une localité du diocèse son principal établissement. En tout état de cause, il doit affirmer sous serment son intention de rester.

La bulle Speculatores ne détermine pas le délai requis dans lr tas où l’intéressé a transporté son principal établissement dans une localité du diocèse.

Communément les canonistes estiment que trois ans suffisent par assimilation de cette espèce au cas voisin prévu par le concile de Trente, c. ix, sess. XXIII, De refoim., où il est traité de l’évêque compétent ralione fantiiiaritatis.

Mais on se trouvera fréquemment en présence d’un ordinand mineur. C’est, en effet, dès la première tonsure que le futur clerc doit choisir son ordonnateur parmi les évêques auxquels le droit l’autorise à s’adresser. Souvent donc il n’aura pas d’autre domicile que celui de son père ou de son tuteur. C’est alors ce domicile dont la stabilité devra être établie avec le luxe de preuves qu’exige la bulle Speculatores ; celui qui communique son domicile à l’ordinand devra faire le serinent et établir sa stabilité antécédente par le séjour de trois ans ou de dix ans suivant qu’il aura ou qu’il n’aura pas son principal établissement dans une localité du diocèse.

Notons, en terminant, que le droit canonique acceptant, après le droit romain, la pluralité des domiciles, rien n’empêche de l’admettre en matière d’ordination, pourvu que les conditions exigées se trouvent réalisées dans plusieurs localités appartenant à des diocèses différents. Or ceci est possible. Un ordinand peut très bien avoir, par exemple, un domicile à Paris où il réside l’hiver, et une maison de campagne où il passe l’été dans le diocèse de Versailles. Cette situation peut fort bien durer depuis dix ans et il peut être dans la disposition de la faire durer perpetuo, si nihil avocet. Il pourra donc faire la preuve de sa stabilité dans les deux diocèses et y prêter le serment exigé. Bien plus, il pourra se faire que, dans un des deux diocèses, il ait son principal établissement, et alors dans ce diocèse il pourra établir sa stabilité par une simple habitation de trois ans. La seule prétention inadmissible serait celle de l’ordinand qui entendrait n’établir de part et d’autre sa stabilité que par un séjour de trois ans. On ne peut, en effet, avoir deux principaux établissements où on aurait transporté majorent parlent rerum suarum.

Disons tout de suite que cette matière est peu pratique en France où l’usage est de ne recourir pour l’ordination qu’à l’évêque compétent ratione originis, à qui l’on demande des lettres d’excorporation quand on veut se rattacher à un diocèse où l’on a transporté son domicile. Mais rien n’oblige les évêques à suivre cet usage.

VI. L’origine. — La notion de l’origine elle-même, telle que la définit la bulle Speculatores, est trop apparentée à la matière domiciliaire pour que nous n’en disions pas un mot.

Uorigo romaine était devenue sous la plume des glossateurs une espèce dans le genre domicile. On a petit à petit abandonné en droit canonique cette hérésie juridique. Il est cependant resté quelque chose de la théorie abandonnée, dans la bulle Speculatores. Dans notre pays, la compétence épiscopale en matière d’ordination se trouve régie de fait par la notion d’origine que nous allons établir.

Dans le chapitre Cum nullus, 3, I, ix, in 6°, Boniface VIII s’était servi du mot oriundus pour désigner une catégorie d’ordinands et les canonistes appliquaient à ces orittndi la bizarre théorie que les glossateurs avaient imaginée et dont nous avons dit un mot plus haut. On était originaire du lieu de sa naissance et si on était né per accidens, le lieu de la naissance du père, même accidentelle, déterminait le domicile d’origine. Au temps d’Innocent XII, la notion s’était transformée et Voët définissait Yorigo tout autrement : Est autem originis locus, ubi guis natus est aut nasci debuit, liect forte reipsa alibi natus esset, maire in peregrinatione parturiente.

Le droit civil faisait ainsi intervenir le domicile du père pour fixer l’origine de celui qui était né per accidens. C’est l.ï, en effet, qu’il aurait dû naitre. Inno