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DOGME — DOMANINI
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DOMICILE


qui l’avait créé, ce qui se manifestait par l’abandon matériel de l’installation, preuve normale de l’intention de rester. Celui qui perdait ainsi son domicile était sans domicile jusqu’à ce qu’il en eût constitué un autre.

Ces subtilités ne pouvaient entrer dans l’esprit des envahisseurs du monde romain et les leges romans barbarorum témoignent d’un oubli complet de ces principes. La race et l’habitation de fait, voilà tout ce qui gouverne la législation, même romaine de nom, jusqu’à la renaissance du droit romain au commencement du xiie siècle.

Alors se construit une théorie nouvelle que ses auteurs estiment être purement conforme aux textes qu’ils commentent. Les glossateurs ne se doutent pas de ce qu’était Vorigo romaine. Pour Accurse, les mots incola et civis sont à peu près synonymes. L’origo est une espèce dans le genre domicile. Le domicile d’origine est celui qu’on a acquis par sa naissance, parce que le père y était domicilié. Si on est né per accidens hors du lieu où le père était domicilié, c’est le lieu où le père est né qui fixe le domicile d’origine et cela quand bien même le père y serait né lui aussi per accidens, car on ne peut procéder in infinitum et rechercher son domicile d’origine jusqu’au paradis terrestre. Conclusion : comme il faut bien être né quelque part d’un père qui lui-même a fait son entrée dans le monde en un lieu donné et que Vorigo est un domicile, on ne peut pas être sans domicile.

A cette déformation de la notion romaine, les glossateurs en ajoutent une autre. Ils rapprochent la théorie du domicile de celle de la possession. Cette dernière, pour eux. prend naissance par la détention matérielle de l’objet et Vanimus dominii. Dans le domicile, ils voient une espèce du genre possession. L’intention perpetuo manendi constitue Vanimus et l’installation le corpus. La preuve normale de l’intention est élevée, dans leur théorie du domicile, au rang d’élément constitutif. Le pseudo-domicile d’origine est présumé persister jusqu’à ce qu’on ait fait la preuve de la constitution d’un nouveau. — Enfin le texte du droit romain qui refusait le caractère définitif à l’installation de l’étudiant au lieu de ses études, avant que dix ans se soient écoulés, est appliqué par les glossateurs à tout le monde. On peut bien faire un stage de dix ans comme simple résident avant de devenir domicilié, puisqu’on n’est pas vagus pour cela. Le domicile d’origine ne persistet-il pas, prêt toujours à accueillir celui qui n’a pas de domicile personnel’.'

III. Le domicile canonique.

Il faut dire à l’éloge des canonistes de la même époque, très intimement apparentés cependant avec les juristes, qu’ils ne les suivirent pas dans toutes leurs erreurs, au moins en théorie.

Ils admettent cependant la généralisation de la présomption décennale dans la glose du Décret. Cependant il n’en est pas question dans la glose des Décrétâtes, pas plus que du pseudo-domicile d’origine, ni de la théorie de Vanimus et du corpus. Mais le domicile d’origine reparait dans le Sexte et sa glose, ainsi que la présomption décennale.

A partir de ce moment, les canonistes suivent les juristes, évoluant avec eux. Le domicile d’origine deviendra, pour les uns comme pour les autres, le domicile d’habitation du père au moment de la naissance de son enfant. Fagnan, au xviie siècle, essaie bien de réagir contre l’importance exagérée qu’on donne au corpus, mais il n’arrêtera pas une évolution qui devait aboutir à la prédominance de cet élément qui, naguère, dans la constitution Ne teniere, est devenu l’unique élément constitutif du domicile matrimonial.

Ce qu’il est important de noter, c’est que le domicile général du droit canonique n’a jamais été défini exprofesso par les canons. Les décrétalistes et leurs succes seurs ont adopté la notion du droit civil sans prendre la peine de la formuler. Tout au plus, trouve-t-on dans les documents législatifs de l’Église quelques traits épars, jusqu’au moment où le concile de Trente oblige à des précisions.

Mais ce qui reste dans les décrétâtes a toujours force de loi sauf abrogation législative postérieure, et la doctrine des décrétales concorde trop avec la théorie des juristes de Bologne pour qu’on puisse définir le domicile général tel que l’admet l’Église en d’autres termes que ceux-ci : Domicilium est habilalio in loco cum aninio ibi perpetuo manendi si nihil avocet.

Voici les traits essentiels du domicile canonique : il se constitue par la réalisation simultanée des deux éléments et ne se perd ensuite que si le corpus et Vanimus cessent tous deux d’exister à un moment quelconque. Je me transporte et m’installe en un lieu ; soit au moment de mon installation soit à un autre moment de mon séjour j’ai l’intention perpetuo manendi si 711/iil avocet, je deviens domicilié. A partir de ce moment, je resterai domicilié tant qu’un des deux éléments restera réalisé. Je pourrai quitter momentanément mon domicile sans le perdre du moment que je ne l’aurai pas abandonné sans esprit de retour. Les circonstances pourront me faire perdre l’intention de rester, je ne perdrai mon domicile qu’au moment de mon départ effectif. D’après la règle de droit : Omnis )-es per quaseumque causas nascitur per easdem dissolvitur, il faudra que je perde à la fois l’aninius et le corpus pour que mon domicile cesse, comme il m’avait fallu réunir les deux éléments à un moment donné pour que le domicile prenne naissance, et préci » sèment à ce moment-là.

Nous avons déjà noté que le corpus, celui des deux éléments qui se manifeste le plus clairement, tend à devenir prépondérant au for externe.

Le lecteur a compris qu’aucune résidence de fait sans intention de rester n’est directement génératrice du domicile. Une installation occasionnelle est sans efficacité, parce que Vanimus ne l’accompagne pas. De même, l’absence non définitive qui laisse subsister Vanimus n’atteint en rien le domicile.

On peut acquérir domicile sans séjour préalable, sans stage, pourvu que l’intention existe au moment où on s’installe. L’habitation décennale qu’exigeaient les juristes au moment de la formation de leur théorie n’a plus place comme élément nécessaire dans la théorie canonique du domicile général. Réalisée, elle constitue sans aucun doute une forte présomption de l’existence de Vintentio perpetuo manendi, mais elle ne s’impose plus.

L’intentio perpetuo manendi est celle de demeurer là indéfiniment, si nihil avocet, c’est-à-dire jusqu’à nouvel ordre. Elle n’implique pas un vœu de stabilité, une volonté très arrêtée de ne jamais partir quoi qu’il arrive. Elle n’est pas incompatible avec la pensée qu’un départ est possible, mais elle ne pourrait pas se concilier avec la certitude d’effectuer un jour un changement, que l’époque du changement soit prévue ou non.

Le droit canonique admet comme conséquence la possibilité de plusieurs domiciles dans le cas où plusieurs installations définitives existent, occupées par la même personne, avec l’intention de ne jamais quitter définitivement celle où elle ne réside pas de fait. L’exemple du domicile de ville et du domicile de campagne est classique.

Le droit canonique admet aussi qu’on soit sans domicile. On peut, en effet, concevoir que quelqu’un quitte son domicile sans esprit de retour et ne se soit pas encore constitué un domicile ailleurs. Il est en chemin pour aller s’installer, ou bien son installation dans la nouvelle résidence n’a qu’un caractère occasionnel. Mais cette situation anormale ne seErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.