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DOMANINI — DOMICILE


de vicaire général de la congrégation carmélitaine de Mantoue.

Cosme de VIHiers, Bibliolheca carmelitana, Orléans, 1752, t. ii, col. 214 ; Daniel de la Vierge-Marie, Spéculum cavmelitanum, Anvers, 1089, t. ii, p. 1009 ; I.e Myre, Bibliotheca ecclesiastica, Anvers, 1639, p. 170.

P. Servais.

    1. DOMICILE##


DOMICILE. — I. Définition. II. Développement historique de la notion. III. Le domicile canonique. IV. Le domicile matrimonial. V. Le domicile d’ordination. VI. L’origine.

I. Définition.

C’est le siège légal d’une personne au point de vue de la manifestation de son activité juridique. La loi présume que le domicilié se trouve à cet endroit pour lui permettre d’exercer ses droits et exiger de lui l’accomplissement de ses obligations.

Chaque législation a sa théorie du domicile, car, dans le lien légal qui rattache un individu à un lieu dont il peut être absent, il y a une large part de fiction exigée par les nécessités sociales.

C’est de la conception canonique du domicile que nous allons entretenir le lecteur. Il nous sera d’ailleurs impossible de le faire sans toucher en passant à la question du domicile civil.

IL DEVELOPPEMENT HISTORIQUE DE LA. NOTION. — A

l’origine de la théorie nous trouvons l’institution romaine que les canonistes ont cru reproduire fidèlement quand ils ont conslitué leur système primitif du domicile et dont les traits principaux ont en effet passé légèrement déformés dans la législation de l’Église. Ce que les canonistes ont surtout perdu de vue, c’est l’étroite parenté du ilomicilium romain qu’ils se sont efforcés d’adopter, avec une autre institution dont ils ont emprunté le nom sans l’appliquer le moins du monde à la chose que le mot exprimait. Les canonistes ont d’ailleurs reçu cette erreur des glossateurs du droit civil romain qu’ils ont suivis pendant très longtemps, pour ainsi dire pas à pas, dans la matière qui nous occupe.

Cette institution romaine, c’est Vorigo qu’il est tout à fait inexact de faire représenter dans notre langue par le mot « origine ».

Vorigo romaine est un lien de droit qui rattache un individu à une cité déterminée par tout un système de prérogatives auxquelles il ne peut renoncer et d’obligations auxquelles il ne peut se soustraire. Cf. pour les détails notre ouvrage : Le domicile matrimonial, Paris, 1906, p. Il sq. Ce qui résulte de la lecture des textes du droit romain, c’est que le jus originis n’est pas autre chose que le droit de cité dans une ville autre que Rome. Dans cette dernière, le jus originis donne la qualité de civis par excellence comme Rome elle-même est YUrbs. Le nom d’origo a été conservé à un lien de droit qui ne rattachait pas originairement à un territoire, mais à la famille qui est la véritable palria au sens étymologique du mot. Mais la patria s’étant lixée dans un lieu, une cité, cette dernière est devenue la petite patrie que constitue chaque cité romaine.

Si le droit de cité n’avait apporté que des prérogatives, il est probable que les cités antiques n’auraient jamais communiqué aux non-citoyens qui venaient s’y fixer aucun des avantages du citoyen. Mais ce dernier avait à supporter de lourdes charges et comme les étrangers établis d’une façon stable dans la patria jouissaient, sinon en droit, du moins en fait, de certains avantages, il parut équitable de les astreindre à certaines obligations. On les rattacha donc à la cité par un lien de droit analogue à Vorigo. Ce lien est le domicilium.

Le domicile est donc originairement un succédané’, un doublet, du droit de cité. L’incola ou domicilié est chez lui dans la cité, mais pas tellement cependant qu’il ne soit en même temps chez l’originaire. Quant

à celui qui n’a dans une cité ni origo ni domicilium, c’est un advena.

Distinguer l’incola de V advena est pour la cité et pour le non-cjtoyen lui-même d’une souveraine importance au point de vue des charges publiques, de la compétence des tribunaux, de la législation qui sera appliquée en matière de commerce, de mariage, etc.

Sera-ce par un acte public de l’autorité civile ou familiale que s’acquerra le domicile ? Non. Cela a lieu pour Vorigo seulement qui est accordée à la suite d’une modification dans l’être juridique du nouveau citoyen, par l’adoption ou l’adlection. Mais pour le domicilié, c’est une situation de fait qui crée l’état de droit. Et le fait qui domine tous les autres, c’est l’intention de se fixer à demeure dans une cité. L’acte extérieur qui manifestera le plus clairement cette disposition intime sera l’installation stable. In codem loco sinnidos liabere domicilium non ambigitur, ubi guis larem rerumque ac forlunarum suarum summam constiluit, underursus non discessurus, si nihilavocet, unde cum profectus est, peregrinari videtur, quod si rediit, peregrinari jam destitit. L. 7, X, XL.

Nous retrouvons pour le fond cette conception et en droit canonique et en droit français, bien qu’avec des nuances.

L’installation stable n’est d’ailleurs que la preuve normale prévue par le droit romain qui a grand soin d’exclure comme insuffisants d’autres faits qu’on aurait pu prendre pour des manifestations incontestables de l’intention de se fixer, génératrice du domicile. La loi déclare inefficace comme preuve de l’intention : la déclaration, l’acquisition d’un bien foncier sur le sol de la cité, l’acquisition même d’un bien de décurion, la résidence de fait enfin ne donne que des présomptions, et le Code Justinien exige de l’étudiant la résidence de dix ans au lieu de ses études pour qu’il puisse espérer s’y faire reconnaître un domicile. La raison pour laquelle il réside là est, en effet, temporaire de sa nature et la présomption d’intention perpetuo manendi ne peut résulter de ce fait. Les apparences sont plutôt en sens contraire. Or, encore une fois, c’est l’intention qui est tout en cette matière.

La preuve, c’est que dans certains cas où l’intention se manifeste autrement que par l’installation définitive, la loi n’exige pas la preuve normale de l’installation. Sans doute, ce sont des situations exceptionnelles et comme toute exception est strictissimie 171terpretationis, on ne peut étendre celle-ci aux cas non prévus limitativement par le droit. L’intention d’accepter quelqu’un comme époux suppose celled’habiter avec lui et la femme qui se marie par les juslse nuptise prend la domicile du mari avant de s’être installée effectivement à son foyer. Les textes excluent avec soin la fiancée de l’exception. Le soldat domicilié au lieu où il sert garde domicile dans son pays, s’il y a conservé des biens. Il en est de même pour le rélégué’, au moins en certains cas. Le liis de famille semble bien avoir domicile de droit chez son père jusqu’au momentoù il use de la faculté que la loi lui reconnaît de se choisir un domicile personnel, mais la loi romaine est muette à ce sujet. La limitation des fonctions du tuteur à l’administration du patrimoine, ce qui exclut la garde et l° éducation du pupille, ne permet pas, en l’absence de texte, de supposer que ce dernier avait de droit domicile chez le tuteur.

Ajoutez à cela que l’oriflfo ou droit de cité pouvait être mulliple. Il ne répugne donc pas que le domicile, doublet du droit de cité, rattache le même individu à plusieurs cités. VA, de fait, quand un personnage avait plusieurs installations définitives en différentes cités, on a fini par admettre qu’il avait plusieurs domiciles. C’était d’ailleurs logique, puisqu’il manifestait par là plusieurs intentions perpétua manendi.

Le domicile se perdait par la cessation de l’intention