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DIFFAMATION


historicum scribere et manifestare aliorum infamiam, notarié taie facti aliquando contractant, qu ; v jam tempore et oblivione abolita erat ; … quia Ma crimina erant jam omnino occulta sicut si nunquam publica fuissent, quum reducta sint ad eumdem statuni qiiem primo habebant, antequam publicarentur : quare, sicut Mo primo statu non poleranl historiée mandari, sic nec poterunt in statu posteriori, quum publicitas anliqua omnino perierit, et non magis jam sit, quam si nunquam fuissel. De Lugo, De justilia et jure, disp. XIV, sect. VI, n. 89, t. VI, p. 210.

Objection. — Un juge peut licitement, pour l’intérêt général de la société, faire connaître publiquement, par une sentence et une juste condamnation, des faits qui étaient naguère encore ignorés du public, mais dont la preuve juridique a été apportée devant les tribunaux. Pourquoi donc un bistorien ne pourrait-il pas, pour un motif semblable d’utilité publique, faire connaître des crimes cacbés, et en inspirer l’horreur par la juste sévérité avec laquelle il les condamnerait ? Le bien général ne l’emporte-t-il pas sur le droit très affaibli que garde un criminel par rapport à sa réputation qu’il a lui-même, par ses égarements, fortement compromise ?

Réponse. — Assurément le bien général l’emporte, en principe, sur le bien particulier ; surtout quand un individu est lui-même, en grande partie, la cause du dommage personnel auquel il est exposé. La différence cependant est considérable entre le rôle d’un juge et celui d’un écrivain. Le premier a reçu officiellement de la société la mission de rechercher les crimes, et de les punir dans l’intérètde tous. Le second n’est investi d’aucune mission de ce genre. Il se l’est donnée à lui-même. Mais de quel droit ? — Qu’une société ait, dans son sein, des juges chargés de prononcer des sentences en son nom, c’est chose utile et nécessaire. Néanmoins, si cette autorité redoutable était accordée à tous les citoyens indistinctement et livrée aux caprices de chacun d’eux, loin d'être avantageuse, elle serait extrêmement nuisible au bien commun. La sécurité des individus en serait compromise, et la tranquillité publique profondément troublée. De ce que les juges, constitués par le pouvoir légitime, ont le droit, dans l’intérêt du corps social, de divulguer par une sentence, et de punir par une condamnation les fautes même occultes, mais dont la preuve juridique existe, il ne s’ensuit nullement que les historiens qui n’ont reçu de la société aucune mission de ce genre, aient le droit d’en faire autant. Cf. De Lugo, De justilia et jure, disp. XIV, sect. VI, n. 89, t. VI, p. 210.

Devant un juge, d’ailleurs, un accusé a toujours le droit de se défendre. Cette garantie est un point de la plus élémentaire justice, et l’on n’a jamais accordé à un magistrat, quelque légitimement constitué' qu’il soit, et quelque degré qu’il occupe dans la hiérarchie, la faculté de porter une sentence contre un prévenu qui n’aurait pas été admis à faire valoir ses motifs de défense. L’historien, lui, décide de sa propre autorité, et sans débat contradictoire. Ceux qu’il accuse, juge et condamne, ne peuvent plaider leur innocence, ou les circonstances atténuantes, ni devant lui, ni devant la postérité. Il y a donc là encore, de ce chef, une dissemblance radicale entre le rôle de juge et celui d’historien. Cf. Lehmkuhl, Theologia moralis, part. I, l. II, divis. III, tr. V, c. ii, § 1, De diffamatione, 3°, n. 1183, 1. 1, p. 755.

Que l’on ne dise pas que les morts n’ont plus droit à leur réputation dans la société des vivants. C’est là une erreur directement opposée à un sentiment de dignité personnelle, intimement ancré dans l'âme humaine qui a conscience de son immortalité. Que d’efforts ne font pas, en outre, la plupart des hommes pour laisser à leurs descendants une réputation sans

tache ? Il ne leur suffit pas de léguer, en mourant, une fortune à leurs enfants ; ils veulent aussi et surtout leur transmettre un nom honorable, et qui ne les fasse pas rougir. N’eussent-ils pas de descendants ou de famille destinée à hériter de leur nom, ce -entiment si respectable n’en existerait pas moins dans leur cœur. A beaucoup une bonne réputation paraît préférable aux richesses : melius est nomen bonum quam diviliiv multse. Prov., xxii, 1. Suivant la parole du sage, ils ne négligent rien pour la conserver, sachant qu’elle doit plus durer que leurs trésors les plus précieux : curam Iiabe de bononomine ; hocenim magis permanebit tibi quam mille thesauri pretiosi et magni. Eccli., xli, 15. Et si, en mourant, ils renoncent à leurs richesses, ils ne renoncent pas à leur réputation. Au contraire, ils en font souvent graver l’expression et les preuves sur la pierre de leurs tombeaux, afin qu’elle leur survive indéfiniment. Les diffamer sans motif est donc manquer à la charité à laquelle tous les hommes ont droit, même et surtout les morts. Cf. Lehmkuhl, Theologia moralis, loc. cit.

4. Il est cependant permis à un historien de révéler des fautes occultes, dans le but de détruire, ou, du moins, de diminuer l’influence néfaste que des hommes impies, même défunts, peuvent encore exercer après leur mort. La raison en est évidente. C’est comme un cas de légitime défense pour la société, et tout particulier peut prendre la défense de la société à laquelle il appartient.

5. A notre époque de publicité à outrance, on s’imagine aisément qu’on a le droit d’imprimer, et de communiquer au grand public, tout ce qu’on a pu découvrir dans les archives secrètes, ou dans les monuments oubliés du passé. Il semble que ces découvertes, fruit de longues et patientes recherches, constituent, dès lors, un bien personnel dont on est libre de disposer à sa guise. C’est également une erreur. L'érudition, malgré les travaux et les fatigues qu’elle suppose, ne dispense pas du précepte divin de la charité.

Néanmoins, vu cette tendance si générale de l’esprit moderne, il est bon, non in se, sed per accident, et pour éviter un plus grand mal, que certains faits qu’on devrait désirer voir ensevelis dans un oubli éternel, soient cependant publiés par des historiens graves et sérieux. Il ne convient pas de laisser le monopole de ces publications à des écrivains mal intentionnés. Ceux-ci ne manqueraient pas d’exagérer encore ces faits regrettables, pour en augmenter le scandale dans de notables proportions. Enrayer le mal et le réduire à de plus justes limites, sont des motifs suffisants pour un historien impartial de révéler des faits, que, sans ces raisons, il aurait dû laisser dans l’ombre. Cf. Lehmkuhl, Theologia moralis, loc. cit., n. 1183, t. i, p. 7.">6.

S. Thomas, Sum. theul., II' II", q. lxxiii ; Valentia, Cornmen tard theolugici, disp. V, q. xvii. p. il, q. iv, 4 in-fol., Ingolstadt, 1597, t. ni ; Soto, De justilia et jure, l. V, q. x, in-fol., Venise, 1608 ; Molina, De justifia et jure, disp. XXIII, n. 2, G in-fol., Venise, 1609 ; Tamburini, Expticatio decalogi, l. IX, c. iii, Opéra omnia, 2 in-fol., Venise, 1707, 1. 1 ; De Lugo, Disputationesscolasticse et morales, De justifia et jure, disp. XIV, sect. I, iil-vm, xi, 8 in-4° Paris, 1868-1869, t. VI, p. 180-183, 192-220, 248-250 ; Layman, Theologia moralis, 1. III. tr. III, part. II, c. iii, n. 13, 2 in-fol., Venise, 1769 ; ReilFenstuel, Jus cauonicum universum juxta titulos quinque librorum Decretalium, l. V, tit. II, De accusationibus, n. 2 sq., 6 in-fol., Venise, 1730-1735, t. V, p. 71 sq. ; Schmalzgrueber, Jus ecclesiasticum universum, l. V, tit. I, De accusationibus, S —, tit. ii, De calurnniatoribus, 6 in-4°, Rome, 1843-1845, t. v, p. 12 sq., 92 sq. ; S. Alphonse, Theologia moralis, l. III, tr. VI, De præcepto octavo decalogi, c. I, dub. n-ill, n. 963-1003, t. II, p. 236 ; Jousse, Traité de la justice criminelle en France, 4 in-4° Paris, 1771 ; Ghassan, Traité des délits et contraventions de la parole, de l'écriture et de la presse, 2 in-8° Paris, 1846 ; Grellet-Dumazeau, Traité de la diffamation, 2 in-8°, Paris, 1847 ; Thonissen, Études sur l’histoire du droit criminel des