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particulière ne soit pas encore l’objet d’un enseignement formel.

L’importance doctrinale d’une pratique traditionnelle, universelle et constante, se manifeste particulièrement dans la controverse avec les rebaptisants. Ce fut par l’affirmation de cette universelle et constante tradition que le pape saint Etienne I er (7 257) décida en faveur de la non-itération du baptême des hérétiques : Si qui ergo a quacumque hæresi renient ad vos, nihil innovetur nisi quod traditum est ut manus illis imponatur in psenitentiam, Denzinger-Bannwart, n. 46 ; et cette affirmation traditionnelle, qui trancha cette grave controverse, conduisit bientôt saint Optât et saint Augustin à des conclusions doctrinales beaucoup plus compréhensives, sur l’action simplement inslrumentale du ministre du sacrement et sur l’existence et la nature du caractère sacramentel, comme nous l’avons indiqué précédemment. Dans la suite, cette doctrine de saint Optât et de saint Augustin communément acceptée, dans son ensemble, par les théologiens prépara les définitions plus explicites de l’autorité ecclésiastique notamment aux conciles de Florence et de Trente.

De même, au jugement de saint Augustin, la pratique constante de recourir fréquemment à la prière, telle qu’elle avait toujours existé dans l'Église, était contre les pélagiens une preuve irrécusable de la croyance de l’Eglise à la nécessité de la grâce : Frequentationibus autem orationum simpliciter apjiarebat Dci gratia quid valeret : non enini poscerentur de Deo quæ pra-cipit fteri, nisi ab Mo donaretur ut fièrent. De prsedestinalione sanctorum, c. xiv, n. 27, P. L., t. xi.i v, col. 980 ; De dono perseverantise, c. xxiii, n. 63 sq., t. xlv, col. 1031 sq. ; De gestis Pelagii, c. XIV, n. 31, P. L., t. xliv, col. 338. Dans la même controverse contre les pélagiens sur l’existence du péché originel dans chacun des descendants d’Adam, saint Augustin s’appuie également sur l’universelle et constante pratique d’administrer le baptême à tous les enfants issus de la race d’Adam. De cette pratique attestée par d’innombrables documents des quatre premiers siècles et concédée par les pélagiens eux-mêmes, l'évêque d’IIippone concluait : Profecto nec baptismus est necessarius eis qui Mo 7'emissionis et reconciliationis bénéficia quæ fit per mediatorem, non opus habent. Porroquia parvulos baptizandos esse concedunt, qui contra auctorilatem universss Ecclesix, procid dubiu per Dominum et apostolos traditam, venire non possunt ; concédant oportet eos egere Mis bene/iciis mediatoris, ut abluli per sacramentum caritatemque fidelium, ac sic incorporali Cliristi corpori quod est Ecclesia reconcilientur Deo ut in Mo vivi ut salvi, ut liberati, ut redempti, ut illuminati /tant : undenisi a morte, vitiis, reatu, subjectione, tenebris peccatorum ? qux quoniam nulla in ea selale per suam vitam propriam comniiserunt, restât originale peccalum. De peccatorum meritis et remissione, l. I, c. xxvi, n. 39, P. L., t. XLIV, col. 131 ; Opus imperfeclum contra Julianum, l. I, c. LU, P. L., t. xlv, col. 1074. Conclusion que saint Augustin fortifie encore par l’analyse des cérémonies du baptême, telles que l’r.glise avait coutume de les pratiquer : lpsa sanctæ Ecclesiw sacramenta satis indicant parvulos a partu etiam recentissinws per gratiam Cliristi de diaboli servilio liberari. Excepto enim quod in peccatorum remissionem non fallaci sed fideli myslerio baptizantur etiam prius exoreizatur in eis et exsuffiatur potestas contraria : cui etiam verbis eorum a quibus porlantur se renuntiare respondent. De peccato originali, c. XL, n. 45, P. L., . xliv, col. 408.

Ces quelques exemples suffisent pour faire comprendre qu’un témoignage d’une révélation au moins .partiellement explicite, peut se rencontrer dans cer taines pratiques universelles et constantes, sanctionnées par l'Église.

c. On doit encore observer que le témoignage formel de la tradition chrétienne sur plusieurs vérités explicitement révélées, ne peut être infirmé par quelques imprécisions ou inexactitudes se rencontrant à quelque époque chez les auteurs ecclésiastiques, et portant non sur l’existence de la vérité révélée, incontestablement admise à cause de l’autorité du témoignage divin, mais sur les explications que l’on s’eiforce de donner de la nature du mystère ; imprécisions ou incertitudes provenant soit de la défectuosité des formules employées, soit de concepts philosophiques auxquels on a recours, non pour prouver une foi appuyée uniquement sur l’autorité de Dieu, mais pour faire mieux saisir, à l’aide des analogies créées, la nature du mystère révélé. C’est ce que l’on observe particulièrement chez plusieurs auteurs ecclésiastiques antérieurs à l’hérésie arienne, parlant avec quelque inexactitude, de la divinité et de la génération du Verbe et de ses rapports avec le monde créé. Tixeront, La théologie anténicéenne, 3e « dit., Paris, 1906, p. 233 sq.

Il en est de même du langage de beaucoup d’auteurs antérieurs au Ve siècle, sur les dogmes christologiques, sur le péché originel et sur la grâce, selon la remarque spécialement faite par saint Augustin pour ce qui concerne le péché originel et la grâce : Quid igitur optts est ut eorum scrutemur opuscula qui, priuêquam isla /ixresis oriretnr, non liabuerunt nécessitaient in liac difficili ad solvendum queestione versari ? quod procul dubio facerent, si respondere lalibus cogerentur. Unde factum est ut de gratta Dei quid aenlirent. breviter quibusdam scrvptorum snorum locis et transeunter altingerent ; immorarentur vero in eis quæ adversus inimicos Eccles’uv di.>pulabant, et in e.vhortationibus ad quasdam virtutes quibus Deo vivo et vero pro adipiscenda vila ssterna et vera felicitate servitur. Frequentationibus autem orationum simpliciter apparebat Dei gratia quid ralerel : non enim poscerentur de Deo quæ præcipit fieri nisi ab Mo donaretur ut fièrent. De prsedestinalione sanctorum, c. xiv, n. 27, /'. L., t. xliv, col. 980. Saint Augustin s’exprime de même relativement au péché originel, à propos d’un texte de saint Jean Chrysostome niant le péché dans les enfants que l’on baptise : At, inquies, cur non ipse addidil propria ? Cur, putamus, 711si quia disputons in catholica Ecclesia, non se aliter intelligi arbilrabatur, tait queestione nullius }>ulsabatur, vobisnonduni litigautibus securius loquebatur ? Contra Julianum pelagianum, l. I, c. VI, n. 22, P. L., t. xliv, col. 656.

Aussi doit-on réprouver comme dénuées de toute critique sérieuse les assertions de M. Turmel ampliliant et travestissant des inexactitudes de ce genre, jusqu'à affirmer qu’avant l'époque de saint Augustin on avait réellement fait bien peu pour le dogme de la Trinité, en dehors de la préservation de la formule d’abord faite par le pape Calixte, puis retouchée par le pape Denys, ce qui se bornait à une juxtaposition de la notion de l’unité de la substance divine et de celle des trois personnes. Louis Saltet, La question HerzogDup’ni, Paris, 1908, p. 166, 277 sq. ; E. Portalié, Éludes du 5 septembre 1908, p. 617. On doit porter le même jugement sur des assertions du même auteur, relatives au dogme du péché originel inconnu avant saint Augustin, et au dogme de la papauté réellement inexistant jusqu'à la fin du IVe siècle.

3. Nous n’essayerons point de dresser ici un catalogue des vérités révélées d’une manière simplement implicite. Les observations précédemment faites font aisément comprendre qu’un tel catalogue présente des difficultés insurmontables dans beaucoup de cas particuliers, surtout si l’on veut nettement délimiter les