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DOGME


-Même quand le progrès théologique, réalisé à la suite des définitions ecclésiastiques, ne s'étendit point jusquelà, il fut néanmoins appréciable ; c’est ce que l’on peut facilement constater pour les controverses théologiques post-tridentines sur l’efficacité des sacrements, sur leur institution divine immédiate et sur l’intention requise dans le ministre du sacrement. Pourrat, La lliéologie sacramentaire, p. 166 sq., 356 sq.

Donc, en résumé, c’est uniquement l’approbation du magistère ecclésiastique qui réalise effectivement, suivant l’ordre établi par Jésus-Christ, le progrès dogmatique préparé par le travail des Pères et des théologiens sous la direction de l'Église.

/II. LOIS SELON LESQUELLES SE SONT ACCOMPLIS LES DÉVELOPPEMENTS DOGMATIQUES. — 1° Dans le domaine historique où les volontés humaines s’exercent librement au milieu de circonstances très diverses, bien aptes à influencer le cours des événements, il ne peut être question de lois proprement dites dirigeant, d’une manière antécédente et constamment uniforme, une succession de faits. Il s’agit uniquement d’une certaine analogie dans les résultats, pour un ensemble de circonstances au moins très semblables, où les mêmes causes, quand rien d’extraordinaire ne modifie leur jeu normal, produisent habituellement les mêmes effets. Au lieu de lois antécédentes au cours des événements, il y a seulement des déductions postérieurement faites par l’historien, qui étudie attentivement les faits déjà accomplis et qui groupe dans une synthèse régressive les résultats ayant entre eux et dans leurs causes une similitude marquée. Dans la mesure où ces déductions s’appliquent ainsi à un groupement de faits analogues, on peut, dans un sens très large, les désigner sous le nom de lois historiques, lois sans doute assez imprécises, mais dignes cependant de l’attention de l’historien, parce qu’elles sont le principal fruit pratique de la science historique, et ce qui lui assure, en majeure partie, le titre de science.

2° Les lois historiques des développements dogmatiques, au sens que nous venons de définir, concernent : 1. les diverses occasions ou causes de ces mêmes développements, telles que nous les avons précédemment exposées, c’est-à-dire les controverses dirigées contre les hérésies nouvelles et se différenciant les unes des autres par beaucoup de circonstances souvent très notables ; les discussions entre théologiens catholiques suides points encore non définis ; parfois une étude théologique plus approfondie, faite sans le stimulant d’aucune controverse avec les ennemis du dehors ni d’aucune discussion entre catholiques ; enfin la définition du magistère ecclésiastique proposant, avec son autorité infaillible, comme certainement contenue dans la révélation faite par Jésus-Christ, une vérité finalement mise en lumière par le travail préparatoire des Pères ou des théologiens.

Les remarques faites précédemment sur chacune de ces occasions ou causes du progrès dogmatique, permettant de conclure facilement en quel sens restreint elles sont régies par certaines lois, nous ne nous y arrêterons point davantage.

2. On doit aussi admettre, au moins dans un sens large, des lois concernant la nature intime des développements dogmatiques réellement accomplis au cours des siècles, lois logiquement déduites du plan divin tel qu’il se manifeste dans le fait de la révélation chrétienne et dans l’institution du magistère infaillible de l'Église. Nous exposerons bientôt ces lois comme couronnement de tout cet article, sous le litre de conclusions dogmatiques sur la nature du progrès dans la connaissance et dans la proposition des dogmes. Il nous suffit de les indiquer ici pour donner une idée d’ensemble de ce que l’on est convenu d’appeler les lois du progrès dogmatique ou des développements dogmatiques.

IV. INDICATIONS HISTORIQUES SUR LE CONCEPT THÉOLOGIQUE DU PROGRÈS DOGMATIQUE AUX DIVERSES PÉRIODES DE L’HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE. — l n période, des temps apostoliques jusqu’au XIIP siècle, caractérisée chez la plupart des Pères ou des auteurs ecclésiastiques par un concept simplement implicite du progrès dogmatique, et, seulement chez quelques rares auteurs, par un concept assez explicite. — 1. Le concept implicite, tel qu’il se rencontre le plus souvent à cette époque, résulte de deux assertions assez fréquentes et assez nettement formulées. La première assertion est que la révélation chrétienne confiée par JésusChrist à son Église doit être conservée intégralement jusqu'à la fin des temps, de telle sorte que toute doctrine nouvelle, par le fait qu’elle est nouvelle et qu’elle n’a aucun appui dans la tradition, est pour cela convaincue d’erreur. C’est en réalité toute la substance de l’argument de tradition que nous avons signalé précédemment et qui se rencontre si fréquemment chez les Pères des premiers siècles après saint Irénée, Tertullien et Origène. La deuxième assertion a Irait à la divine mission de l'Église d’enseigner aux fidèles de tous les temps la doctrine de Jésus-Christ et à la stricte obligation qui incombe à tous de se soumettre pleinement à l’autorité doctrinale de l'Église ; assertion d’ailleurs nettement confirmée par la pratique constante d’exclure de l'Église quiconque refuse d’adhérer à l’enseignement qu’elle donne comme révélé par Jésus-Christ. Or de ces deux assertions il résulte évidemment que l'Église doit, aillant que l’exige la réfutation de nouvelles erreurs, proposer des définitions nouvelles éclairant, expliquant ou défendant, dans la mesure nécessaire, l’enseignement révélé par Jésus-Christ ; et il est non moins requis que ces définitions nouvelles soient toujours appuyées sur la doctrine antérieurement crue et sur l’enseignement primitivement confié' par Jésus-Christ à la garde vigilante de son Église. Cette conclusion, que nous nous bornons à mettre ici en relief, était véritablement présente à la pensée des Pères du iv et du Ve siècle, comme le démontrent leurs fréquents appels à l’enseignement et à la pratique des premiers siècles, en même temps qu’ils donnent eux-mêmes une plus complète explication de la doctrine nouvellement attaquée. C’est ce que l’on peut particulièrement observer dans saint Alhanase, De decretis nicœnse synodi, n. 25 sq., P. G., t. xxv, col. 460 sq., et dans saint Hilaire, De Trinitate, l. II, n. 1 sq., P. L., t. x, col. 50 sq., relativement à la consubstantialité du Verbe divin, dans saint Augustin pour le dogme de la nécessité et de la gratuité de la grâce. De prxdestinatione sanctorum, n. 27, P. L., t. xi. iv, col. 980 ; De dono perseverantive, c. xx, n. 53, P. L., t. xi.i, col. 1026 ; De civitale Dei, l. XVI, c. n. n. 1, P. L., t. xi.i, col. 477.

2. Chez quelques Pères cependant le concept du progrès dogmatique se rencontre d’une manière explicite. Omettant le témoignage d’Origène qui ne paraît point assez formel, De princip., præf., n. 2 sq., P. ('<., t. xi, col. 116 sq., nous mentionnerons en premier lieu saint Grégoire de Nazianze. Oyat, theol., v, c. xxvisq., P. G., t. xxxvi, col. 161 sq. Après avoir observé que l’Ancien Testament prêche clairement le Père et indique obscurément le Fils, l'évéque de Nazianze reconnaît que le Nouveau Testament a clairement manifesté le Fils et seulement indiqué, -j^eSeïÇe, la divinité du Saint-Esprit, qui, à l'époque où l’orateur parlait, était très ouvertement enseignée. Car, ajoute-t-il, de même que, sous l’ancienne alliance, il n’eût point été prudent de prêcher ou vertement le Fils quand la divinité du Père n'était point encore reconnue, de même dans l'économie chrétienne, tant que la divinité du Fils n'était point pleinement admise, il convenait de ne point ajouter la doctrine du Saint-Esprit qui eût pu être alors, pour des intelligences encore faibles, une nourriture trop forte. Il convenait