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DIFFAMATION


part. Ce que nous entendons actuellement par diffamation rentrait dans la catégorie des injures. Dans la jurisprudence romaine, par injure on comprenait tout ce qui est dit ou fait en vue d’offenser quelqu’un. Les injures étaient ou verbales : paroles, chansons, écrits ; ou réelles : mauvais traitements, coups, blessures, sévices, etc. Un écrit diffamatoire en prose ou en vers, libellus famosus, carmen famosum, était donc puni chez les Romains des peines de l’injure ; de même, l’outrage par paroles, ou convicium.

2. La preuve du fait imputé mettait-elle l’auteur de la diffamation à l’abri de toute peine ? A Athènes, il en était ainsi, d’après une loi de Solon. Cf. Thonissen, Le droit pénal de larépubliq ne athénienne, in-8°, Bruxeles, 1875, p. 369 sq. Pour le droit romain, la chose est moins claire, et les interprètes sont en désaccord sur ce point. Il semblerait résulter de plusieurs textes de loi que la preuve n'était admise que si sa révélation intéressait l’ordre public. L. 18, Digeste, De injur. et fama, 1. XLVII, x. Il est certain aussi que, même en faisant la preuve du fait imputé, l’auteur d’un libelle diffamatoire n'était pas toujours à l’abri de la peine. L. 1, Code théodosien, De fam., 1. IX, xxxiv. Cf. Grellet-Dumazeau, Traité de la diffamation, 2 in-8°, Paris, 1847.

3. Les peines contre les diffamateurs par écrits ou paroles étaient très rigoureuses. C'étaient : a) l’infamie, 1. 1, De his qui not., III, n ; b) la privation du droit de tester, si la diffamation était par écrit, 1. 5, § 9, De his qu1710t., III, il ; c) la flagellation, si le diffamateur appartenait au bas peuple ; l’exil temporaire et l’interdiclionde certains droits, s’il était d’une condition plus élevée, 1. ult., Digeste, De injur. et fam., 1. XLVII, x ; d) parfois même la peine capitale. Elle fut décrétée par les empereurs Valentinien et Valens, contre les auteurs d'écrits diffamatoires. L. 1, c. De fam., 1. IX, xxxvi. Cf. Keller, Procédure civile des actions chez les Romains, in-8°, Paris, 1870, p. 236 sq. ; Ortolan, Explication historique des Instilules de Justinien, 31n-8°, Paris, 1872, t. iii, p. 776 sq. ; Maynx, Cours de droit romain, 3 in-8°, Bruxelles, 1880, t. I, p. 17 i sq. ; Accarias, Précis de droit romain, 2 in-8°, Paris, 1881, t. il, p. 1371 sq. ; Mommsen, Manuel des antiquités romaines ; Droit pénal romain, !. III, sect. ix, 201n-8°, Paris, 1907, t. xvill, p. 179-195.

Ancien droit français.

I. Quant à l’existence du

délit de diffamation, il faut, au sujet de l’ancien droit français, faire les mêmes considérations que pour le droit romain. Le mot diffamation, dans le sens d’atteinte à la réputation d’autrui, ne paraît dans le langage juridique que vers le xvi 5 siècle. Ce mot fut pris, alors, dans son sens étymologique et en mauvaise part. Il signifiait une calomnie plusieurs fois renouvelée, dans l’intention bien arrêtée de donner, par cette continuité voulue, une publicité plus grande aux imputations injurieuses, afin de les rendre plus préjudiciables aux personnes qui en étaient les victimes.

2. La répression de la diffamation élait extrêmement sévère. Au xvie siècle, les auteurs de libelles dilfamatoires étaient punis, pour la première fois, du fouet. La récidive pouvait entraîner la peine capitale. Cf. édit de Charles IX, du 17 janvier 1361, promulgué à SaintGermain-en-Laye, a. 3. La législation resta la même au xviie siècle. Cf. édit de janvier 1626. Les pénalités furent un peu adoucies au xviir siècle : elles allaient jusqu'à la peine du carcan, pour la première fois ; et, en cas de récidive, à cinq ans de galères. Édit du 10 mai 1728, a. 10. Cf. Jousse, Traité de la justice criminelle en France, IVe partie, 1. III, tit. il, i in-i", Paris, 1771.

Droit moderne.

1. Dans le droit français moderne, la dilfamation diffère de la calomnie. Celle-ci est

essentiellement une imputation mensongère ; mais, pour

la diffamation, telle qu’elle est comprise depuis, peu importe que les allégations soient vraies ou fausses. Il suffit qu’elles portent atteinte à l’honneur, à la réputation, ou à la considération d’une personne, ou d’un corps moral : sociétés commerciales, littéraires, religieuses, administratives, etc. Cf. loi du 17 mai 1819, a. 13 ; loi du 29 juillet 1881, sur la presse, a. 29. Ces lois poursuivent donc dans la diffamation non seulement le mensonge, mais aussi la médisance. Elles punissent dans l’auteur de ces imputations sur le compte d’autrui, l’intention mauvaise qu’il a eue de porter atteinte à l’honneur, à la considération, ou à la réputation de ses semblables. Nul doute que ce ne soit là un devoir des pouvoirs publics. Ils ont l’obligation stricte de protéger les individus contre la malveillance de leurs ennemis. C’est une condition indispensable d’ordre et de paix dans la société.

2. C’est pour atteindre plus parfaitement ce but de tranquillité et de sécurité sociales que la preuve des faits imputés n’est pas admise en justice. Le mal produit par la médisance serait incomparablement accru par cette publicité inutile et dangereuse. Si les lois consentaient à cette publicité, il y aurait dans ces dispositions juridiques une menace perpétuelle dirigée contre les personnes exposées à voir divulgués, sous le inoindre prétexte, des faits concernant uniquement la vie privée. Ces procès en dilfamation seraient, en outre, trop souvent la source de scandales publics, dont la société aurait à souffrir autant, et plus peut-être que les individus eux-mêmes. Pour des motifs analogues, il est interdit aux journaux de rendre compte des procès en diffamation, dans lesquels la preuve des faits diffamatoires n’est pas autorisée. Cf. loi du 29 juillet 1881, a. 39.

La preuve n’est admise que contre les administrations d’entreprises financières ou commerciales, faisant publiquement appel à l'épargne ou au crédit publics ; ou contre les personnes avant des fonctions publiques ; mais exclusivement pour des faits relatifs à cette qualité, ou à ces fonctions. Cf. loi du 29 juillet 1881, a. 35, § 2. Le prévenu doit être alors renvoyé des fins de la plainte, s’il apporte la preuve des faits imputés, a. 35. Dans ces cas, en effet, la loi ne punit que la calomnie, et non une allégation vraie, visant l’intérêt public. Mais le domaine de la vie privée doit toujours être sauvegardé, a. 30-31.

3. La dilfamation se produit le plus souvent par la voie des journaux. Elle peut avoir lieu aussi par des discours, par des cris, ou par des menaces proférées en public ; par des écrits ou imprimés autres que les journaux : comme, par exemple, des affiches, des placards, des tracts, des cartes postales illustrées, etc. ; ou encore pardesdessins, gravures, peintures, emblèmes, etc., jetés dans le public.

Toutes ces diverses formes de dilfamation sont envisagées par la loi, et assimilées entre elles, au point de vue de la répression. Mais elle les distingue, néanmoins et toujours, formellement de l’injure. Celle-ci, d’après la loi de 1881, est définie : « Toute expression outrageante, terme de mépris, ou invective, qui ne renferme l’imputation d’aucun fait. » Si donc l’allégation ou l’imputation portent, non sur un fait précis ou déterminé, mais sur un vice ou un défaut ; si elles consistent en une qualification vague et indéterminée, il y a injure et non diffamation. Voir Injure.

4. Les peines applicables au délit de diffamation sont différentes, selon les cas. a) Si la diffamation s’attaque aux corps constitués : cours, tribunaux, armées de terre ou de mer, administrations publiques, etc., elle peut être punie d’un emprisonnement variable de 8 jours à un an, et d’une amende de 100 à 3000 francs. b) La peine est identique, si la diffamation vise les fonctionnaires : ministres, députés, sénateurs, minis-