Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/165

Cette page n’a pas encore été corrigée
1597
1598
DOGME


ne se rapportent que très incidemment ou très accessoirement à notre fin surnaturelle et qui ne sont point par elles-mêmes proposées à notre croyance. C’est en ce sens que saint Thomas répond : Dicendum estergo quod fidei objectum per se est id per quod liomo beatus efficitur, ut supra dicLum est ; per accidens autem aut secundario se habent ad objectum /idei omnia quæ in sacra Scriplura divinitus tradita continentur : sicut quod Abraham habuil duos /ilios, quod David fuit filius lsaï et alia liujusmodi. Quantum ergoad prima credibiliaquæsunt articuli (idei, teneturhomo explicite credere, sicut et tenetur haberefidem : quant uni autem ad alia credibilia, non tenetur ltomo explicite credere quidquid divina Scriptura continet : sed lune soluni hujusmodi tenetur explicite credere quando hoc ei constiteril in doclrina fidei contineri. Sum. theol., II a II, q. ii, a. 5. Cette doctrine est également soutenue par le P. liillot, De virtutibus infusis, Rome, 1901, p. 231.

2° Quand l'Église définit qu’un texte scripturaire contient un dogme révélé dont elle détermine le sens précis, c’est un devoir strict pour les exégètes catholiques d’adhérer à cette délinition irréformahle. C’est ce qu’enseignent formellement le concile de Trente, sess. IV, Decretum de editione et usu sacrorum librorum, le concile du Vatican, sess. III, c. ii, l’encyclique Providentissimus Deus de Léon XIII du 18 novembre 1893, et le décret LamentabiH du 3 juillet 1907 réprouvant les propositions 2-4 : Ecclesise interprelatio sacrorum librorum non est guident spernenda, subjacet tamen accuraliuri exegetarum judicio et correctioni. — Ex judiciis et censuris ecclesiaslicis contra libérant et cultiorem exegesim latis colligi potest /idem ab Ecclesia propositam cunlradicere historiée, et dogmata catholica cum verioribus Christian ee religionis originibus componi reipsa non posse. — Magisteriuiu Ecclesise, ne per dogmaticas qu’idem definiliones, genuinum sacrarum Scripturarum sensum determittare potest. Il est d’ailleurs évident que cette soumission au magistère ecclésiastique n’entrave d’aucune manière la démonstration exégétique qui reste toujours libre de se développer sur le terrain scientifique avec sa méthode propre et ses ressources particulières : Nec sane ipsa Ecclesia vetat ne liujusmodi disciplinai in suo quæque ambitupropriis ulantur principiis et propria melhodo ; sed juslam hanc libertatem agnoscens, id sedulo cavel ne divins doctrinse repugnando errores in se suscipiant, aut fines proprios transgressai, ea quiu sunt /idei occupent et perturbent. Concile du Vatican, sess. III, c. IV.

Il est non moins évident qu’une délinition dogmatique d’un sens scripturaire ne comporte pas toujours nécessairement la réalité historique de tous les détails d’un fait dogmatique défini par l'Église. Ainsi la définition du concile de Trente relative a la transgression du commandement divin par Adam, sess. V, De peccalo original ! , can. 1 sq., n’oblige pas nécessairement à admettre la réalité historique intégrale de toutes les circonstances du fait rapporté' dans la Cenèse. Car il n’est pas invraisemblable que ce récit transmis oralement puisse, au moins pour quelques détails, appartenir à la catégorie des traditions orales, dont l’interprétation historique doit èlre moins stricte, parcequ’elles abondent habituellement en tours imagés et en expressions métaphoriques. Christian Pesch, De inspiratione sacrée Swipturse, p. 548 sq.

3° En dehors des textes définis par l'Église, on ne devra apporter comme preuves théologiques d’un dogme proposé par l'Église à noire croyance, que les textes dont la démonstration répond aux légitimes exigences de la critique biblique. La grave remarque de saint Thomas sur l’emploi abusif de preuves rationnelles insuflisantes pour démontrer une vérité de foi, ne forte

aliquis quod fidei est demonstrare prsssumens, raliones non necessarias inducat quæ praibeanl materiam irridendi infidelibus existimantibus nos propter hujus modi rationes credere quæ /idei sunt, Sum. theol., ! >, q. xi. vi, a. 2, doit, avec non moins de raison, s’appliquer à l’a bus des textes insuflisa m ment démonstratifs en faveur d’un dogme proposé par l’Eglise comme révélé. Leur emploi n’est pas moins nuisible à la cause catholique dans des démonstrations qui doivent être probantes. Il n’y a d’ailleurs aucun inconvénient à ce que plusieurs vérités de foi ne puissent point être démontrées par les Écritures ; car celles-ci n’ont point été composées pour nous communiquer toute la révélation. Ce rôle appartient au seul magistère infaillible de l'Église. Quant à la détermination des légitimes exigences de la critique biblique, elle sera indiquée aux articles spéciaux.

4° Il est hors de doute que l’usage dogmatique des textes scripturaires chez les Pères et chez les théologiens n’a pas toujours été exempt de tout défaut. L’histoire de la théologie ne manque pas d’exemples de textes en eux-mêmes non démonstratifs, apportés sans garantie suffisante en faveur de tel ou tel dogme révélé, puis éliminés par le travail critique des théologiens, comme le texte de saint Jacijues : Confilemini ergo allrrutrum peccala vestra, Jac, v, 16, employé par plusieurs théologiens scolastiques pour prouver la nécessité du sacrement de pénitence qu’ils supposaient n'êlrepointprouvée par le texte : Quorum remiseritis. Joa., xx, 23. Ce fut notamment la pensée de Hugues de SaintVictor, De sacramentis christianx fidei, I. II, part. XIV, c. i, /'. L., t. CI.XXVI, col. 552 ; de Pierre Lombard, Sent., l. IV, dist. XVII, n. 4, P. L., t. CXCII, col. 882 ; el de Richard de Saint-Victor, Traclalus de potestate ligandi et solvendi, c. v, P. L., t. exevi, col. 11(53. Voir Confession dans LA Bible, t. iii, col. 834 sq.

Il est d’ailleurs bien avéré que l’emploi de ces texti s non démonstratifs n’a eu aucune répercussion sur le dogme lui-même.

II. LA TRADITION SOURCE DU DOGME RÉVÉLÉ.

Pour

que la tradition trans ttant l’enseignement divin non

consigné dans l'Écriture et promulgue par les apôtres comme révélé au moins implicitement par Jésus-Christ, soit une source certaine du dogme révélé, elle doit, avec une succession constante et une suffisante unanimité, affirmer une vérité comme révélée et comme obligatoirement imposée à notre croyance.

1° La délinition du dogme exige que la vérité à laquelle la tradition rend témoignage, soit enseignée par elle comme vérité au moins implicitement révélée et comme obligatoirement imposée à l’adhésion de tous les fidèles. Ainsi sont écartées les traditions, si unanimes qu’elles soient du moins à une époque, relatant simplement des opinions tout humaines telles que les anciennes interprétations de la cosmogonie mosaïque, ou relatant même des conclusions théologiques très certaines mais non proposées comme révélées, telles que l’existence de la grâce habituelle dans l’humanité du Verbe incarne ou l’existence d’une grâce sacramentelle distincte dans chacun des sacrements.

2° Le fait du témoignage constant et universel en faveur de cet enseignement révélé et évidemment obligatoire, doit être certainement démontré ou par l’argument de prescription ou par la discussion des textes ou documents appartenant aux diverses périodes de l’histoire de la théologie. — 1. L’argument de prescription inauguré par saint Irénée, Contra hær., 1. 111, pra ?f. et c. i-v, P. G., t. vii, col. 843 sq., et Tertullien, De prsescriptionibus, c. xxi sq. ; xxxvisq., P. L., t. ii, col. 33 sq., 37 sq., 49., et depuis communément adopté par les Pères, S. Rasile, Adv. Eunomium, l. II, n. 8, P. G., t. xxix, col. 586 ; S. Augustin, Episl., liv, ad Januarium, n. 1, P. L., t. xxxui, col. 200 ; S. Vincent de Lérins, Commoniluriinn primum, n. 2 sq., P.L.,