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DOGME


réalité, ne peuvent être vraies, selon l’axiome omnis intellectus, intelligens vem aliter quam sit, est falsus, le docteur angélique répond : l’axiome cité ne s’applique point au cas où aliter intelligens signifie seulement que le mode de représentation intellectuelle est autre que le mode objectif de l'être. Ainsi, bien que nous connaissions d’une manière immatérielle, notre connaissance est vraie quand elle atteint la réalité objective, du moins en ce que nous pouvons en percevoir. De même, relativement à Dieu, notre intelligence, en le connaissant par un ensemble de concepts fragmentaires bien qu’il soit en lui-même infiniment simple, n’est nullement entacbée de fausseté, car elle n’attribue à Dieu aucune composition, bien qu’elle le connaisse d’une manière composée. Et en cela notre intelligence n’est point fausse. Et similiter cum intellectus noster intelligit simplicia g use sunt supra se, intelligit ea secundum modum sinini, scilicet composite, non lamenita guod inleUigat eæsse composita. Et sic intellectus noster non est falsus for m ans compositionem de Deo. Sunt. iheol., I », q. xiii, a. 12, ad 3°"'. Dans le même ordre d’idées, le saint docteur affirme aussi la vérité de nos concepts sur la science possédée par Dieu. Cette science que nous affirmons de Dieu est, non moins que l’essence ou la vie, aliquidquod in Deo est. En réalité, la science, la vie et l’essence ne diffèrent point objectivement, car en Dieu il n’y a qu’une seule réalité infinie, cadem enim res penitus in Deo est essenlia, vita et quidquid hujusniodi de ipso dicitur ; mais notre intelligence se forme de cette essence, de celle vie et de cette science divers concepts fragmentaires, bien que la réalité divine soit une. De ces concepts, saint Thomas affirme expressément qu’ils ne sont point faux : ncc tamen ist ; v conceptiones sunt falsse. Ils sont vrais en ce qu’ils représentent per quamdam assimilalionem la réalité connue ; représentation cependant toujours imparfaite, parce qu’elle est toujours distante de l’infinie perfection divine. Qusest. di.sp., Deverit., q. il, a. 1. Parce que cette représentation est imparfaite, Dieu dépasse toutes nos conceptions et ne peut être renfermé dans aucune de nos définitions, hoc. cit., ad 9um. Mais aussi parce que cette représentation liabet aliquam modicam iniitationem essentise divinse, elle signifie vraiment une réalité en Dieu, ad 10um.

Il en est de même de la connaissance que la révélalion surnaturelle nous donne des mystères divins qui surpassent notre raison. Cette connaissance, si minime qu’elle soit, donne à notre intelligence une très grande perfection, car c’est une très grande perfection de posséder même une imparfaite connaissance des réalités les plus nobles : Ex quitus omnibus apparet quod de rébus nobilissimis quanluincumque imperfecta cognitio maximam perfectionem animse confert. Et ideo quanivis ea qusc supra ralioneni sunt ratio humana plene capere non possit, tamen multum sibi perfectionis acquiritur, si sallem ea gualitercumgue teneat fuie. Cont. gent., I. I, c. v. Cette connaissance, si imparfaite qu’elle soit, est comme un épancbement en nous de la parfaite science que Dieu a de lui-même, Cont. gent., l. IV, c. i ; ce qui suppose manifestement une participation à la réalité objective de cette divine science.

2. Il est également certain que la connaissance des dogmes n’est pas purement négative, sinon la doctrine catholique sur la valeur objective des dogmes serait, comme nous l’avons montré précédemment, entièrement détruite. C’est en vain qu’on essaie d'étayer l’hypothèse contraire sur la forme habituellement défensive des définitions dirigées par l'Église au cours des siècles contre les diverses hérésies. Le fait que ces définitions sont principalement défensives n’empêche aucunement leur enseignement positif sur les points

particulièrement visés par l’hérésie, comme le témoignent les documents que nous citerons bientôt. En vain voudrait-on aussi s’appuyer sur ce que le dogme défini par l’Eglise dépasse tous les systèmes des écoles philosophiques ou théologiques sans s’identifier avec aucun, ou sur ce que son but principal doit être la direction pratique de la volonté. Car la transcendance du dogme relativement aux systèmes particuliers s’explique suffisamment par la constante volonté de l'Église de maintenir le dogme catholique en dehors de toute dispute d'école ; et le but de la direction pratique de la volonté, loin de s’opposer au caractère positif de l’enseignement dogmatique, l’exige impérieusement comme lumière directrice indiquant la fin surnaturelle à atteindre et les moyens à employer pour y parvenir.

4° Notons enfin qu’en soutenant la connaissance objective du dogme dans le sens que nous venons d’exposer, on doit en même temps réprouver absolument toute exagération anthropomorphique dans le concept que l’on se forme des réalités divines. C’est une conséquence nécessaire de l’incompréhensibilité de Dieu et de l’inaptitude radicale de toute conception humaine et de toute parole humaine à exprimer les perfections divines ou les mystères divins. D’ailleurs, toute conception vraiment anthropomorphique a toujours été combattue par les théologiens catholiques à la suite de saint Thomas, dont nous avons précédemment cité quelques témoignages.

Observons seulement qu’il serait souverainement abusif de condamner comme entaché d’anthropomorphisme l’usage même fréquent des expressions métaphoriques, comparaisons ou analogies humaines, auxquelles l’intelligence humaine en cette vie, particulièrement celle des gens peu cultivés ou peu instruits, doit nécessairement aoir recours pour se former quelque concept des attributs divins. S. Thomas, Sum. l/ieol., I a, q. i, a. 9. Tout ce que l’on est en droit d’exiger, c’est que l’incompréhensibilité et la transcendance de Dieu soient habituellement et nettement affirmées. Avec cette précaution, les expressions ou analogies humaines, d’ailleurs toujours maintenues dans les limites convenables, ne courent aucun risque d'être mal interprétées. En fait, ces précautions ontelles toujours été suffisamment observées dans l’enseignement catholique, notamment dans l’enseignement catholique populaire, nous n’avons point à l’examiner ici. D’ailleurs, quelques manques individuels de précaution théologique sur ce point, à supposer qu’ils fussent démontrés, ne prouveraient évidemment rien contre la doctrine que nous venons de rappeler.

II. SYSTÈMES OPPOSÉS A CETTE VALEUR OBJECTIVE

des dogmes. — 1° Systèmes subjectivistes protestants. — Le premier auteur protestant qui formule nettement le subjectivisme en religion est Schleiermacher (1768-1834). S’inspirant des données philosophiques de Kant et de Hegel, il déclare que toute la religion consiste dans le sentiment de dépendance absolue de l’homme vis-à-vis de Dieu ou dans le sens intime du contact avec Dieu. Dès lors, la révélation divine est en chaque homme un fait d’expérience intime. Les dogmes religieux, tels qu’ils sont formulés par chaque individu ou officiellement exprimés par la communauté chrétienne, ne sont que des images, des représentations ou des symboles traduisant approximativement les sentiments individuels ou exprimant, d’une manière moyenne, les impressions religieuses des individus formant la communauté. Ces symboles sont d’ailleurs nécessairement variables et sujets à diverses interprétations, ce qui explique les changements incessants dans les dogmes. G. Goyau, L’Allemagne religieuse, le protestantisme, Paris, 1898, p. 76 sq. ; Realencyklopâdie fur proies lanlische Théo-