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DOGME

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rions de l’exposer, il (-si facile de comprendre ce que signifie le mot doctrine, quand il se distingue du dogme. — 1. Outre les vérités dogmatiques, il signifie encore la doctrine non révélée que l’Église définit comme appartenant indirectement au dépôt de la révélation, c’est-à-dire comme nécessaire ou utile pour la défense, l’explication ou la proposition des vérités révélées. Cette doctrine est l’objet non d’un acte de foi toujours exclusivement réservé à ce qui est révélé, mais d’un assentiment ferme et entier, inébranlablement appuyé sur la parole de Dieu garantissant l’infaillible magistère de l’Église..1. Tixeront, La théologie anlénicéenne, 3e édit., Paris, 1900, p. 2. — 2. Outre les vérités dogmatiques et les vérités non révélées mais positivement définies par l’Église, le mot doctrine exprime aussi ce que l’Église ne définit point expressément, mais loue simplement ou recommande comme très utile pour la défense ou pour l’explication et la proposition de l’enseignement révélé. Telles sont particulièrement les propositions auxquelles nous devons donner-un prudent assentiment intérieur, à cause d’une décision doctrinale portée par les Congrégations romaines avec l’approbation du pape, ou par le pape lui-même quand il parle avec une autorité non souveraine, sans définir positivement la vérité qu’il propose ou recommande.

Ce double sens se rencontre fréquemment dans le langage théologique et dans les documents ecclésiastiques. Nous n’en parlerons que d’une manière bien accidentelle dans cette étude exclusivement réservée aux dogmes proprement dits.


III. Valeur objective et positive du dogme.

I. CONCEPT CATHOLIQUE DE CETTE VALEUR OBJECTIVE.

— 1° A rencontre des divers systèmes subjectivistes, l’on doit admettre que le dogme révélé fournit une connaissance objective, si imparfaite qu’elle soit, des vérités divines. La réalité objective de cette connaissance résulte de la double notion de la révélation et de la foi, si manifeste dans les écrits du Nouveau Testament et dans la tradition chrélienne, où la révélation apparaît toujours comme un enseignement divin communiqué à l’homme par Dieu lui-même, et la foi comme une adhésion absolue à la parole infaillible de Dieu, qui nec falli nec fallcre potest. Double notion d’ailleurs confirmée par la définition du concile du Vatican, sess. III, c. iii, iv. Il est donc évident que l’on ne peut nier la réalité objective du dogme révélé, sans nier en même temps la révélation et la foi divine telles que le christianisme les enseigne.

2° Notre connaissance du dogme, tout objective qu’elle est, reste cependant 1res imparfaite. Cette imperfection provient de trois sources principales : les étroites limiles de notre intelligence toujours impuissante à saisir l’infini, l’emploi habituel d’analogies créées représentant incomplètement la vérité divine et l’inévitable défectuosité de loutes les formules humaines. De la première source nous n’avons pointa parler ici, car elle existe même dans la vision béatifique. S. Thomas, Sur », theol., I a, q. xii, a. 7, 8.

1. En cette vie les analogies créées sont pour l’intelligence humaine le principal moyen de connaître Dieu dans l’ordre naturel, soit qu’elle lui attribue d’une manière infiniment supérieure les perfections disséminées dans l’univers créé, soit qu’elle écarte de lui tous les défauts inhérents à l’être fini ; et ces analogies, quelles qu’elles soient, ne peuvent jamais fournir qu’une proportion très lointaine avec la plénitude de l’être divin. S. Thomas, Sum. theol., I a, q, ii, a. 2, ad 3um ; q. IV, a. 3 ; q. xiii, a. 2, 5 ; Cont. genl., l. I, c. xiv ; l. III, c. xi.ix. Voir Analogie, t. i, col. 1146 sq, Conclusions non moins vraies de la connaissance positive des mslères divins, telle que nous la possédons par la foi, car dans l’ordre surnaturel où Dieu nous régit aussi d’une

manière conforme à notre nature, c’est encore sous le voile de similitudes et d’analogies que Dieu nous communique ses ineffables mystères, comme l’attestent fréquemment le langage de l’Ecriture et celui de toute la tradition ecclésiastique, S. Thomas, Cont. genl., l. IV, c. i ; et ces analogies, aussi nécessairement que les analogies créées, fournissent sur les mystères divins, une connaissance toujours imparfaite. Ainsi le mystère de la trinité nous est manifesté sous les concepts analogiques de procession, de génération, de paternité, de filiation, de spiration active et passive, de personne, de verbe, évidemment empruntés aux créatures. Ce n’est qu’en écartant de ces concepts toute idée d’imperfection et en attribuant à Dieu, sans aucune restriction, toute la perfection qu’ils contiennent, que nous pouvons obtenir de l’adorable Trinité quelque connaissance nécessairement imparfaite, puisqu’elle ne porte point direefement sur sa nature intime. C’est cette méthode que suit saint Thomas dans l’étude des processions divines ef particulièrement de la génération du Verbe, comme nous l’avons noté à l’article précédent. Sum. theol., I a, q. xxvii, a. 1, 2 ; q. xi.i, a. 1 ; Cont. genl., l. IV, c. xi, - xiv ; Opusc., XIII, De differentia verbi divin i et humani. C’est encore par un rapprochement entre les analogies créées et les termes scripturaires, et par l’analyse attentive de ces mêmes analogies, qu’il établit la différence entre la génération du Verbe et la procession du Saint-Esprit. Sum. theol., I a, q. XXVII, a. 3, I ; q. xxxvi, a. 1 sq. ; Cont. gent., I. IV, c. xxiit. De même les analogies créées et surtout la comparaison avec l’union entre l’Ame et le corps aident à mieux connaître le myslère de l’incarnation, après qu’il a été’manifesté par la révélation. Sum. theol., III a, q. il, a. 1 ; Quæsl. disp., De unione Verbi incarnati, a. 1 ; Cont. gent., l. IV, c. XLI. C’est aussi le même procédé que l’on rencontre dans d’autres exemples cités à l’article précédent et encore présents au souvenir du lecteur.

Dans toutes ces occurrences le résultat théologique est le même. C’est en établissant nettement les similitudes et les dissimilitudes entre le terme de comparaison et l’enseignement révélé, en écartant positivement du concept révélé toutes les dissimilitudes évidemment nécessitées ou suggérées par l’enseignement divin et en affirmant effectivement foutes les similitudes dans la mesure strictement permise, que l’on obtient quelque connaissance de l’objet révélé ; connaissance qui, toute précieuse qu’elle est, reste nécessairement très imparfaite, puisqu’elle ne manifeste point l’intime nature de la réalité divine.

2. Une autre cause, qui contribue à l’imperfection de notre connaissance des dogmes révélés, est l’inévitable impuissance de toule formule humaine à exprimer les réalités divines, soit dans l’ordre naturel soit dans l’ordre surnaturel. Cette impuissance provient surtout de ce que les formules humaines, par lesquelles nous désignons les perfections divines, marquent seulement le concept imparfait que nous fournissent les créatures et que nous attribuons à Dieu d’une manière strréminente, après l’avoir dépouillé de la gangue des imperfections créées. Or il est évident qu’un tel concept ne petrt jamais représenter d’une manière positivement adéquate les infinies perfections divines. S. Thomas, Sum. theol., I », q. xiii, a. 2, 3.

3° Malgré cette double source d’imperfection, notre connaissance des dogmes révélés n’est ni fausse ni purement négative. — I. Cette connaissance n’est point fausse. C’est l’enseignement formel de saint Thomas, que nous tenons à rapporter ici sommairement, parce qu’il a été très inexactement exposé parquelques écrivains catholiques dans la récente controverse sur la notion du dogme.

A cette objection que les affirmations que l’on porte sur Dieu, n’exprimant point Dieu comme il est en