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DOGMATIQUE


tout le domaine théologique. C’est ce qui se rencontre particulièrement chez saint Augustin défendant contre les pélagiens les dogmes si importants du péché originel et de la grâce. Mais si compréhensives que soient ces études de dogmes particuliers, elles ne contiennent point de synthèse dogmatique intégrale.

2° Du Ve au xie siècle, en Occident, le même caractère fragmentaire se rencontre dans les écrits dirigés contre les diverses erreurs ou hérésies de cette période, telles que l’adoptianisme, l’erreur sur la procession du Saint-Esprit, le prédestinatianisme ou quelques erreurs secondaires sur le mode de présence eucharistique. En Orient, à la même époque, les écrits orthodoxes contre les nestoriens, les monophysites, les iconoclastes ou autres hérétiques, présentent le même caractère, à l’exception du De fide arthodoxa de saint Jean Damascène qui a une tendance assez prononcée vers un essai de synthèse dogmatique. Bien que la division en quatre livres soit l’œuvre des traducteurs latins adaptant le De fide orthodoxa au plan des Sentences de Pierre Lombard, le cadre général des cent chapitres entre lesquels se répartit l’ouvrage a quelque analogie avec ce que fut plus tard la synthèse du XIIe siècle, comme il est facile de le constater par les indications suivantes : C. i-v, incompréhensiliilité de Dieu expliquée et prouvée contre les anoméens ; preuves rationnelles de son existence ; ce que nous connaissons de sa nature et de son unité par la raison et par la doctrine révélée. C. vi-vin, ce que la foi nous enseigne sur la trinité, sur la personne du Verbe et sur le Saint-Esprit, et comment cet enseignement est montré conforme à la raison. C. ix-xiv, étude des attributs divins. C. xv-xlii, étude de la création, des anges, des démons, du monde visible, particulièrement de l’homme avec ses facultés, surtout son libre arbitre. C. xliii-xlvi, de la providence, de la prédestination et de l’économie divine relativement à notre salut. C. xlvii-lxxxi et lxxxvii, xci, doctrine sur le Verbe incarné. C. lxxxii, lxxxiii, sur la foi et le baptême. C. lxxxvi, doctrine sur l’eucharistie. C. lxxxiv, de l’adoration due à la croix. C. lxxxviii, LXXXIX, du culte des saints, des reliques et des saintes images. C. xc, inspiration des Ecritures et canon des livres inspirés. C. xcn-xcv, conclusions contre les erreurs des manichéens sur l’origine du mal, sur l’existence des deux principes, sur la loi divine ec sur la loi du péché. C. xcvi, conclusion contre les erreurs des judaïsants. C. xcvii, de la virginité et du mariage. C. xcviii, de la circoncision. C. xc.ix, de l’Antéchrist. C. c, de la résurrection générale des corps.

3° Chez les scolastiques du moyen âge, avant tout préoccupés de construire une puissante synthèse théologique, la dogmatique prend place dans cette universelle harmonie. Toutes ses ramifications même les plus lointaines sont groupées sous quelques divisions principales, assez identiques chez les principaux représentants de la méthode scolastique, au moins depuis la fin du XIIe siècle. Nous nous bornerons à indiquer les principales classifications, en omettant toutefois ce qui, dans ce plan d’ensemble, est aujourd’hui concédé à la théologie morale.

Pierre Lombard († 1160) établit ainsi sa classification. 1° livre des Sentences, du mystère de la sainte Trinité et des attributs divins attribués par appropriation aux trois personnes divines, c’est-à-dire de la science, de la puissance et de la volonté de Dieu dans le gouvernement du monde. Il" livre, de la création et des êtres créés, particulièrement des anges, du monde corporel et de l’homme et incidemment de la chute de l’homme orné des dons de la grâce, enfin de la nature du péché par lequel il s’est éloigné de Dieu. 177e livre, de la restauration de l’homme par le Christ ; d’où doctrine théologique sur l’incarnation et sur les conditions nécessaires pour que ses fruits nous soient appliqués,

c’est à-dire la pratique des vertus surnaturelles et l’observation des commandements divins. 7 V’livre, des moyens par lesquels la vie surnaturelle, méritée par l’incarnation, nous est appliquée, c’est-à-dire des sacrements, dist. I-XLII ; puis la consommation finale dans l’autre vie, ou la résurrection, le jugement, l’enfer, le purgatoire et le ciel, dist. XLIII sq.

Alexandre de Halès († 1245), dans son Universse theologise swmma, donne une synthèse un peu différente, excellente dans son ensemble, mais interrompue par de trop fréquentes digressions : 1. Dieu considéré dans l’unité de son essence, part. I, q. i-xlii, et dans la trinité des personnes, q. xlii-lxxiv. 2. De la création en général, des anges, du monde corporel, de l’homme dans sa nature et dans les dons surnaturels et prêternaturels dont il fut primitivement orné ; du mal en général et du péché, d’abord dans les démons, puis dans nos premiers parents et dans les autres hommes, faute originelle et faute personnelle, part. II. 3. De l’incarnation par laquelle l’homme est restauré, part. III, q. ixxv, des préceptes qu’il est tenu d’observer, q. xxvi-lxi, et de la grâce qui doit l’aider à participer aux fruits de l’incarnation et à observer les préceptes, q. lxii sq. 4. Des sacrements soit en général soit particulièrement sous la nouvelle loi ; partie restée incomplète, l’auteur s’étant arrêté à la fin de la question de la pénitence sacramentelle.

Suint Bonaventure († 127 4) suit la classification de Pierre Lombard, soit dans son commentaire sur les Sentences, soit dans son Brexiiloquium, œuvre plus personnelle où il résume toute la doctrine contenue dans son commentaire de Pierre Lombard. La forme synthétique du Breviloquium, sa division en huit parties et une meilleure coordination des chapitres font mieux ressortir tout le mérite des divisions de Pierre Lombard fidèlement gardées dans leur substantielle intégrité’.

Saint Thomas (-ꝟ. 1271), en fusionnant dans sa Somme théologique les deux classifications légèrement modifiées de Pierre Lombard et d’Alexandre de Halès, donne une synthèse plus parfaite où nous signalons principalement ce qui appartient à la dogmatique actuelle. 1. Dieu un dans son essence, I a, q. n-xxvi, et trine dans les personnes, q. xxvii-xliii. 2. De la création en général, particulièrement des anges, du monde corporel, de l’homme et du gouvernement divin de tous les êtres créés, q. XLIV-CXIX. 3. De la fin surnaturelle à laquelle l’homme doit lui-même se diriger sous la conduite de Dieu et avec le secours de sa grâce, I a II’, q. i-vi ; des actes par lesquels il doit se diriger vers cette fin, particulièrement des vertus qu’il doit pratiquer, des péchés qu’il doit éviter, incidemment du péché originel en tant qu’il est cause des autres fautes, I a II", q. LXXXI-LXXXVIII ; enfin des préceptes que l’on doit observer pour se diriger vers sa fin surnaturelle, et du secours de la grâce par laquelle l’homme doit être aidé dans sa marche vers sa fin surnaturelle, I a II 1’, q. cixcxiv. 4. De l’étude particulière des vertus théologales et morales que l’on est tenu de pratiquer et des devoirs spéciaux que l’on est tenu de pratiquer dans les divers états de vie, II" II". 5. De Jésus-Christ rédempteur de tous les hommes, III" q. i-lix, et des bienfaits qu’il procure à l’humanité, spécialemeut de tous les sacrements en général, q. i.x-lxv, et en particulier, q.LXVixc. L’auteur de la Somme théologique n’a point terminé son étude sur le sacrement de pénitence. On est en droit de présumer qu’il aurait suivi l’ordre qu’il a adopté à la fin de la Sunima contra gentiles et qui est d’ailleurs celui de son commentaire sur les Sentences de Pierre Lombard.

La principale particularité de la synthèse de sain Thomas est de placer l’élude des vertus, des commandements et de la grâce après l’étude de la fin de l’homme