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DOGMATIQUE


démonstration. Ils servent uniquement à manifester la non valeur démonstrative des objections adverses, S. Thomas, Cont. gent., 1, I, c. vii, ou à faire ressortir la haute convenance rationnelle de vérités déjà connues par la révélation. Op. cit., l. I, c. IX. — c) Dans le cas de déductions théologiques simultanément empruntées à la révélation et à la raison, la vérité révélée est en réalité le principe fondamental sur lequel on s’appuie principalement. Car c’est à cette vérité d’où elle procède originellement que la conclusion théologique doit sa certitude spéciale, certitude inférieure sans doute à celle de la foi uniquement appuyée sur le témoignage divin, mais bien supérieure à celle d’une évidence purement rationnelle, reposant uniquement sur la pleine vision de l’intelligence. Dans l’occurrence on recourt au raisonnement humain, non pour prouver absolument la conclusion elle-même, mais seulement pour montrer son étroite connexion avec l’enseignement révélé, à tel point que rejeter la conclusion serait rejeter cet enseignement, sur lequel cependant le moindre doute n’est jamais permis à cause de l’infinie science et véracité de Dieu.

5° Complétons notre exposé par une autre conclusion très importante concernant les relations qui doivent exister entre la dogmatique et les autres sciences théologiques, entre la dogmatique et les sciences humaines, philosophiques ou autres. — 1. Puisque toute science théologique repose principalement sur le témoignage divin et que ce témoignage nous est surtout manifesté par la dogmatique, du moins pour tout ce qui concerne les vérités principalement spéculatives, l’on doit nécessairement conclure que c’est premièrement de la dogmatique que les autres sciences théologiques reçoivent les principes surnaturels sur lesquels elles doivent s’appuyer. Cette conclusion est particulièrement vraie de la inorale et de l’ascétique. La théologie morale surnaturelle, surtout dans sa partie théorique ou spéculative, est redevable à la dogmatique de toutes ses conclusions sur la fin dernière dans l’ordre surnaturel, sur les vertus infuses, sur les sacrements, sur les commandements divins, sur l’obéissance due à la divine autorité de l'Église. Sans le ferme appui donné par la dogmatique, la théologie morale ne serait bientôt plus qu’un ensemble de règles immédiatement pratiques, dépourvues de tout fondement solide. — De même, la théologie ascétique est tributaire de la dogmatique pour presque tout son enseignement spéculatif sur la nature de la perfection et sur les états de perfection, sur les moyens généraux et spéciaux qui conduisent à la perfection, sur les conseils évangéliques, sur la nature de l’union à Dieu par la charité, sur la nature de notre participation à la vie de Jésus-Christ, sur le rôle des dons du Saint-Esprit dans les états supérieurs d’oraison.

Dès qu’elle cesse de s’appuyer sur une dogmatique solide, la théologie ascétique ou mystique est exposée à beaucoup d’illusions ou d’erreurs, comme le démontre l’histoire des siècles chrétiens, tandis qu’avec ce ferme appui elle a pu, surtout chez les meilleurs théologiens scolastiques, le plus souvent très remarquables en l’une et l’autre science, édifier une solide synthèse où les polémistes ont pu prendre de solides arguments pour réfuter les erreurs jansénistes ou quiétistes et les praticiens puiser des règles sûres pour la conduite des .'mies dans les voies ordinaires ou extraordinaires de la perfection. — A leur tour, la morale et l’ascétique complètent et perfectionnent la dogmatique en aidant chaque individu et la société chrétienne tout entière à mieux atteindre, par la voie des commandements ou par celle des conseils, la fin surnaturelle montrée par la dogmatique.

2. Quant aux relations entre la dogmatique et les sciences humaines, philosophiques, critiques ou autres :

ra) Dès lors que l’enseignement divin, principalement proposé par la dogmatique, ne peut être contredit par aucune légitime affirmation d’une science humaine quelconque, le vrai ne pouvant être opposé au vrai et Dieu ne pouvant se contredire dans ce double ordre de vérités, l’on doit nécessairement conclure que toutes les sciences humaines, philosophiques, critiques ou autres, doivent dépendre particulièrement de la dogmatique, qui nous manifeste cet enseignement divin. Cette dépendance doit exister, non dans la méthode de ces sciences humaines qui doit toujours être leur méthode propre et scientifique, mais dans leurs conclusions qui ne doivent jamais contredire ni l’enseignement certain de la révélation tel qu’il est proposé et légitimement interprété par l'Église, ni une proposition dont l’intime connexion avec la révélation est positivement enseignée par le magistère ecclésiastique. «.'est l’enseignement formel du concile du Vatican : Tnanis autem hujus conlradictionis species indepolissimum oritur quod vel fidei dogmata ad mentent Ecclesim intellecta et exposita non fuerint, vel opinionum commenta » ro rationis effatis habeantur. <>mnem igitur assertionem veritati illuminatse fidei contrariant omnino falsam esse dicimus. Sess. III, c. iv. Enseignement déjà inculqué par Pie IX dans la condamnation de cette proposition 10e du SUlabus : Quum aliml sit philosophus, aliud philosophia, ille jus et of/icium habet se submittendi auctoritali quant ceram ipse probaverit ; at philosophia neque /mtest neque débet ulli sese submittere auctoritati, Denzinger-Bannwart. Enchiridion, n. 1710, et dans la lettre à l’archevêque de Munich du 21 décembre 18(53 : Ejusdem vero convenlus viro debilis prosequimur laudibus, propterea quod rejicientes uii existimamus falsam inter philosophum et philosophiam distinctionem, de qua in aliis nostris lilteris ad le scriptis locuti sumus, noverunt et asseruerunt omnes catholicos in doctis suis commentationibus debere exconsctenlia dogmaticis infallibilis catholicse Ecclesise obedire decretis. Enchiridion, n. 1 08*2. Dans cette même lettre, Pie IX. enseigne que le devoir de soumission des savants catholiques ne doit point être limité aux définitions infaillibles du magistère ecclésiastique, qu’il doit s'étendre aussi aux décisions doctrinales des Congrégations romaines et aux points de doctrine communément et constamment considérés comme des conclusions théologiques tellement certaines que leurs contradictoires, bien qu’elles ne soient point hérétiques, méritent cependant une autre censure théologique. Enchiridion, n. 1684. Puisque tout cetenseignement doctrinal auquel les sciences humaines doivent nécessairement être subordonnées, est habituellement proposé par la dogmatique, le devoir de dépendance de ces sciences vis-à-vis de la dogmatique est une conséquence rigoureusement nécessaire.

b) Une telle dépendance des sciences humaines vis-àvis de la dogmatique, loin de leur être nuisible, est au contraire pour elles un principe de perfectionnement et de progrés, comme l’enseigne expressément le concile du Vatican : Quapropter tantum abest ut Ecclesia Itumanarum arliuni et disciplinarum culturæ obsistat, ut hanc mullis modis juvet atque promoveat. Sess. III, c. iv. Doctrine plusieurs fois répétée par Léon XIII dans ses encycliques : Quare non est causa cur germana libertas indignetur, aut veri notninis scientia moleste ferai leges justas ac débitas quibus hominum doctrinam contineri Ecclesia simul et ratio .onsenlienles postulant. Encyclique Libertas du 20 juin 1888. Qua plena sapientise lege nequaquam Ecclesiapervestigationem scientiscbiblicæ retardât aut inercet ; sed eam potius ab errore intégrant præslat, plurimumque ad veram adjuval progressionem. Encyclique Providentissimus Deus du 18 novembre 1893.