Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/126

Cette page n’a pas encore été corrigée
1519
1520
DŒLLINGER (DE 1


du célibat ecclésiastique, il désespérera de l’avenir du vieux-catholicisme. La secte continuera de se parer de son nom. Mais, l>ien qu’en 18715 et en 1874, les sectaires eussent célébré avec un enthousiasme de commande deux dates de la vie de leur maître, le cinquantenaire de son entrée dans le professorat et le cinquantenaire de son doctorat en théologie, Dœllinger, en somme, se retirera du vieux-catholicisme, et, reniant lout has son œuvre, vivra dans l’isolement. « Je ne veux pas être membre d’une Église schismatique, écrira-t-il au nonce de Munich, le 12 octobre 1887 ; je suis seul. » On incline à redire de Dœllinger, comme on l’a dit de Jansénius, « qu’il avait fondé une secte dont peut-être il n’était pas. »

Ni le poids de l’âge, ni les tristesses des mécomptes ne ralentissaient son ardeur au travail ; et, dans sa retraite, il portait à toutes les branches du savoir humain un vif et sérieux intérêt ; il publiait encore, à la veille de sa mort, son histoire des hérésies du moyen âge, Gescliichte (1er gnostisch-manichàischen Sekten im fruheren Mitteialter, Munich, 1890, avec un second volume de documents ; il n’a jamais aimé, jamais compris, jamais connu le repos. Ce qui toutefois caractérise la troisième phase de la carrière de Dodlinger, c’est sa haine de la papauté. Elle sera de plus en plus l’âme de sa vie ; on retrouve en lui la monomania sine delirio qu’il avait autrefois lui-même signalée et stigmatisée dans Luther. Cette haine de la papauté l’enracinera dans un projet caressé longtemps ou mieux, de tout temps, celui de poursuivre la réunion des Eglises séparées. Réunion sans fusion véritable, et qui n’exigeait d’aucune famille religieuse le sacrifice de ses croyances particulières, pourvu que la substance du symbole primitif fût sauvegardée. Dœllinger, pour en préparer les voies, prononcera là-dessus à Munich sept discours, au commencement de 1872. Les deux conférences de lîonn, tenues à cet effet en 1874 et en 1875, mirent en pleine lumière la science, l’éloquence, la prodigieuse activité et les ressources d’esprit de Dœllinger, mais aussi son manque d’esprit pratique et, plus encore, les déchets successifs de sa foi. Elles demeurèrent l’une et l’autre stériles. Une troisième conférence, ardemment désirée par Dœllinger, n’eut cependant pas lieu, à cause de l’opposition des Russes et des Anglais ; le fameux projet de réunion ne se releva pas de sa chute.

Diellinger, au lendemain du concile, avait senti le besoin, parait-il, et en tout cas manifesté l’intention « de soumettre son savoir historique et patristique à une revision attentive, minutieuse, et de passer au crible, les yeux fixés sur les sources, les principales conclusions de ses études antérieures. » De fait, il ira toujours perdant le sens catholique et se laissera de plus en plus gagner à l’esprit rationaliste et protestant. L’idolâtrie de la science et de l’opinion oblitérera sa foi ; la haine et le mépris du saint-siège inspireront tous ses écrits. Nommé par le roi Louis II, en 1873, président de l’Académie des sciences de Munich, Du’llinger profitera de son discours annuel pour essayer de répandre ses idées et de satisfaire ses rancunes. D’une rare perfection de forme et de style, les Discours iiiiniriiiiijues de Dœllinger, 3 vol., Munich, 1889-1891, trahissent, jusque dans le choix des sujets, les préoccupations religieuses et les préventions nationales de l’auteur ; Dœllinger, soucieux avant tout de flatter les préjugés et d’obtenir les applaudissements de la classe lettrée qui lui fournit son auditoire, y a fait œuvre de passion et de parti. Le tact de l’historien et la probité di’l’érudit en ont grandement souffert.

On ne si’défend pas d’un sentiment d’étonnement ci de tristesse au spectacle de la tranquillité d’esprit et de l’assurance du malheureux vieillard dura ni se s dernières années. Celle fermeté et ce calme, qu’était-ce ? pure appa rence ? ou réalité ? Mystère qu’on ne saurait éclaircir. Il ne nous est resté de Dœllinger aucun de ces mots â la Luther qui, brusquement, déchirent les voiles et mettent le fond de l’âme à nu ; il a enseveli avec un soin jaloux les secrets de son âme et s’est toujours gardé de toute expansion. Les elforts tentés par Pie IX et par Léon XIII, directement ou indirectement, pour ramener Dœllinger au giron de l’Église, échouèrent devant l’orgueilleuse obstination du savant, non sans provoquer parfois ses sarcasmes ; les touchantes instances de ses anciens amis, dont l’affection pour lui avait survécu aux dissidences religieuses et dont il avait lui-même conservé fidèlement le souvenir, n’eurent pas un meilleur succès. L’adversaire irréconciliable de l’infaillibilité pontificale n’a jamais douté de son infaillibilité personnelle. Comment espérer d’ailleurs qu’un tel homme se rétractât publiquement, au risque de se perdre de réputation dans le monde de la cour et de la science officielle, et renonçât dès lors à vivre, ainsi qu’il s’y était accoutumé, au milieu d’un nuage d’encens ? On a parlé en sens très divers d’une dernière tentative de conversion, faite en 1880, et dont les véritables amis de Dœllinger avaient, ont-ils dit. beaucoup attendu. Le sphinx a emporte’son secret dans la tombe. La vieillesse pendant si longtemps n’avait pas osé le toucher ; la mort le frappa tout à coup, en pleine possession de son esprit et de ses forces. Une crise d’influenza le surprit le 1° janvier 1890 et se compliqua le 9 d’une attaque d’apoplexie qui le foudroya. Dœllinger, dont la vigoureuse intelligence avait aussitôt et complètement défailli, expira le lendemain soir, sans inquiétude comme sans douleur, dans la 91e année de son âge. Prêtre rebelle et infidèle, savant dévoyé’et diminué.

IL OUVRAGES. — Publiciste, homme politique, théologien, et surtout historien, Do-llinger étonne par le nombre, la variété’, l’importance de ses productions. Articles de journaux et de revues, brochures, livrer de longue haleine, sa plume a tout abordé, et l’on peut dire qu’il a excellé dans tous les genres. Sans relever ici les publications du journaliste et du polémiste, je ne citerai que les œuvres de l’historien, et celles-là seulement qui ont illustré la période catholique de sa vie. Mais je rappellerai d’abord la description des portraits ébauchés à Rome par le peintre Cornélius d’après la Divine Comédie, et donnés par lui, avril 1829, a la rédaction de l’Eos. Ce texte explicatif, Leipzig, 1830, qui honora les premiers pas de la littérature dantesque de l’Allemagne et qui conserve sa valeur primitive, n’a pas été réimprimé, non plus que la traduction franeaise qui en avait paru.

1° Dès 1826, en même temps que Mœhler fait paraitre son essai sur l’unité de l’Église, Dœllinger publie à Ratisbonne son livre de l’Eucharistie dans les trois premiers siècles : dissertation hislorico-tbéologique, d’un style facile et lumineux, d’une logique pénétrante et pressante, d’une science étendue et solide, mais où l’auleur, aux prises avec les théories de Luther et de Calvin, prend souvent le ton agressif de la polémique, au lieu de garder la gravité du ton de l’histoire.

2° En 1827, Ilortig confiait à son jeune successeur le soin de continuer son Histoire de l’Église. Un an après, Dœllinger avail refondu le travail d’IIorlig, en le poursuivant jusqu’à l’année 1789. L’ouvrage fut publié en deux volumes qui contiennent, le premier et la première partie du second l’œuvre d’ilortig, la seconde partie du second l’œuvre de Dœllinger. Le succès en fut grand. Mais une méfiance bien allemande à l’égard du Saint-Siège, la peur du progrès et de l’excès de la centralisation dans l’Église, une sympathie au moins imprudente pour les débuts de Luther, et la fascination de l’antiquité chrétienne se reflètent dans l’ouvrage et le déparent.

30 Le même talent d’écrivain et le même art de la