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DŒLLINGER (DE)


tement atteint dans ses théories ultralibérales ainsi que dans son chauvinisme aveugle, et verra poindre à l’horizon, comme un fantôme odieux, le dogme abhorré de l’infaillibilité pontificale. Dans le pamphlet où il exhalera ses colères, et qui restera de son vivant inédit, mais qu’un imprudentami, H. Reusch, publiera plus tard, Kleinere Schriften gedruckte u. ungedruckte von J.-J. Ign. vonDœllinger, Stuttgart, 1892, p. 197-227, Fauteur contestera la force obligatoire du Syllabus en même temps que sa valeur historique et théologique. Devant les soupçons qui grossissent et se changeront bientôt en certitudes, la popularité européenne de Dœllinger baisse ; l’isolement moral — un isolement douloureux et inattendu — commence pour lui. Cependant, sans se rendre compte encore nettement des craintes et des plaintes que son attitude soulève un peu partout, il lancera, sous le voile de l’anonyme, en 1867 et en 1868, dans VAllgemeine Zeilung et dans la Nette freie Presse, une série de quinze articles haineux contre l’Inquisition. Défait, sa foi est déjà entachée des plus graves erreurs, et quant à la constitution de l’Église et quant au rôle de l’opinion publique dans l’élaboration des dogmes ; bien avant le concile, Dœllinger, catholique de nom, n’était après tout qu’un rationaliste.

Pie IX, le 1 er juillet 1867, avait annoncé la convocation du concile du Vatican, et l’on avait institué à Rome, vers la fin de la même année, des commissions de théologiens tant romains qu’étrangers, pour préparer les travaux du futur concile. Malgré l’intervention décidée du cardinal de Schvvarzenberg, et quoiqu’un infaillibilisle ardent, Ma’Dechamps, archevêque de Malines, eût déclaré net à Rome qu’uon ne pouvait pas ne pas écouter Dœllinger, » les passions de parti eurent le dessus et le professeur de Munich fut laissé délinitivement à l’écart. Faute de conduite fâcheuse, qu’on a cherché vainement depuis à pallier, et dont aussi bien personne n’a voulu endosser la responsabilité. Tout en affectant de paraître insensible à cette exclusion, Dœllinger en sera blessé au cœur. Le roi Louis II, en le nommant, au mois de novembre 1868, conseiller d’État à vie et pair de Bavière, bâtera l’explosion de sa rupture avec l’Église. Dœllinger, « ses derrières assurés, » fera contre le Saint-Siège et le concile du Vatican le serment d’Annibal ; il y sera, hélas ! lidèle jusqu’à son dernier soupir.

Durant les préliminaires du concile, on le voit en appeler sans cesse à l’opinion publique comme à la puissance suprême de ce monde, et réussir à créer partout, dans les divers cabinets européens, dans les universités, dans le clergé de l’Allemagne, un courant d’opinion contre le dogme de l’infaillibilité, qu’il ne manque pas, soit artilice de polémique, soit peut-être ignorance, de travestir. Sous sa plume, en effet, l’infaillibilité du pape et sa domination de droit divin sur tout l’ordre temporel sont liées entre elles indissolublement et, en définitive, ne font qu’un. Ce n’est donc pas derrière l’inopportunité de la définition qu’il se retranche. L’inopportunité, cet unique argument de l’opposition conciliaire à quelques voix près, d’un mot dédaigneux il l’écarté et la condamne. « Peut-il jamais être inopportun, dit-il, de donner aux croyants la clef de tout l° édifice de la foi, de promulguer l’article fondamental d’où dépendent tous les autres ? » C’est le dogme lui-même que Dœllinger prend à partie et repousse. Em. Olivier, L’Eglise et L’Elal au concile du Vatican, t. il, p. 386.

De cette époque datent les cinq articles de VAllgemeine Zeilung, 10-15 mars 1869, où Dœllinger traça le canevas de ses publications postérieures, menaçant l’Europe chrétienne des pires catastrophes, si la grande adulation du concile du Vatican faisait dans l’histoire le pendant du Brigandage d’Epltese ; le célèbre Janus ou, selon le titre complet, le livre Du pape et du con cile par Janus, pamphlet âpre et d’une insigne mauvaise foi, concerté entre Dœllinger et le professeur Iluber, son conseiller néfaste, mais dont Dœllinger doit porter seul toute la responsabilité ; les Réflexions, octobre 1869, destinées aux Pères du concile, et qui ne diffèrent du Janus que par le ton et la forme adoucie du langage. L’adresse des laïques de Coblentz àl’évêque de Trêves, œuvre au fond de deux prêtres de ce même diocèse, mi-mai 1869 ; l’adresse des laïques de Bonn à l’archevêque de Cologne, 14 août ; l’instruction collective des évoques allemands réunis à Eu Ida, 6 septembre ; le mandement de Ma 1 Ketteler, évêque de Mayence, avril 1870, font aussi ressortir, dans leurs dissemblances d’idées et de style, la puissance de Faction du grand historien allemand.

Le concile ouvert, 8 décembre 1869, si visibles que soient dès le premier jour les désirs personnels de Pie IX et les dispositions de la majorité des Pères du concile, Dœllinger, loin de se décourager, redoubla de haine et d’efforts contre l’infaillibilité pontificale. Ce qu’il inspire ou écrit lui-même, en se nommant ou sans se nommer, d’articles de journaux, de lettres, de brochures, passe toute idée. De cette plume étonnamment alerte je ne citerai que les Lettres romaines, publiées dans VAllgemeine Zeilung, sous le pseudonyme de (Juirinus, du 17 au 27 décembre 1869, et deux articles virulents parus dans le même journal, l’un, Quehjues mots sur l’adresse de l’infaillibilité, le 19 janvier 1870, l’autre, Sur le nouveau règlement du concile et sa valeur, le Il mars suivant. Tandis qu’en Allemagne, on votait bruyamment des adresses de félicitations à Dœllinger, l’indignation à Rome fut extrême ; on y éclata en menaces contre le polémiste scandaleux qui jonglait avec l’histoire et trahissait l’Eglise, llefele, pour prévenir les effets de cette indignation, conjura tendrement, 2 avril 1870, l’opiniâtre lutteur de quitter provisoirement le champ de bataille et de se taire. Dœllinger s’y résigna et se tut. Mais sommé, le 15 février 1871, d’adhérer à la définition conciliaire du 18 juillet précédent, il commença d’instinct par biaiser ; enfin, après maints expédients dilatoires qui firent plus d’honneur à son esprit et à sa science qu’à sa candeur et à sa loyauté, fort du concours de l’opinion à Munich et de la faveur du roi Louis II qui se plaisait à l’appeler son Rossuet, le cauteleux vieillard jettera le masque et refusera, le 29 mars, « comme chrétien, comme théologien, comme citoyen, » de]reconnaitre le dogme de l’infaillibilité du pape. Le 17 avril 1871, l’archevêque de Munich se verra obligé de fulminer contre lui l’excommunication. L’université de Munich ne laissera pas de lui confier encore une fois le rectorat pour l’année scolaire 1871-1872 ; après quoi, le vieux professeur descendra définitivement de sa chaire d’histoire.

3° Troisième et dernière période, 1871-1890. — Dœllinger, nommément excommunié, s’abstient aussitôt et à jamais de toute fonction ecclésiastique. Il se plaira dorénavant, avec une sincérité plus que suspecte, ; i contester la légitimité de l’anathème qui pèse sur lui ; mais il ne s’avisera pas de l’enfreindre. Il ne s’avisera pas davantage de dresser autel contre autel ; le rôle d’un Luther ne le tentait point. A la veille de son excommunication, dans nne maison tierce, il avait certifié au comte Rray qu’en aucun cas, il ne prendrait l’initiative d’un « schisme ». Dans le premier congrès vieuxcatholique de Munich, 22-21 septembre 1871, il réprouvera la motion d’établir une Fglise autonome, en opposition directe à l’Église romaine ; et lorsque les sectaires, passant outre le 4 juillet 1873, choisiront pour évêque le professeur Reinkens, c’est Dœllinger qui décidera le ministre bavarois de Lutz à ne pas reconnaître officiellement le nouvel élu. L’attitude des vieux-catholiques inquiétera, mécontentera, irritera de plus en plus Dœllinger. Dès 1878, écœuré de l’abolition