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DŒLLINGER (DE)

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c’est un terrible jouteur, etses adversaires, protestants, francs-maçons ou bureaucrates, sortent de ses mains tout meurtris. Peut-être que les habitudes du polémiste ont trop influé sur l’historien, en provoquant l’attitude et le ton agressif de Dœllinger à l’égard des protestants durant la première phase de sa carrière. Ge qu’il y a de sûr, c’est que Dœllinger était alors la hète noire et le point de mire de la presse protestante ou libre-penseuse ; peu de publicistes catholiques ont été plus haïs et plus insultés que lui ; au seul nom de Dœllinger, Henri Heine, démasqué, bien et dûment convaincu de n’avoir ni foi chrétienne ni patriotisme, écumait de rage.

Professeur, écrivain et polémiste de premier ordre, Dœllinger enfin descendra dans L’arène politique-L’université, dont il était le bibliothécaire en chef depuis 1837, l’envoya siéger en 1815, un peu contre son gré, parait-il, à la Chambre des députés. Sur les bancs de la seconde chambre bavaroise comme dans sa chaire d’histoire et dans les colonnes de VEos, partout Dœllinger fut l’habile et ardent champion de la cause de l’Eglise. Le 1 er janvier 1847, il était nommé prévôt de la collégiale royale de Saint-Gaétan, et, dans le courant de l’année, il forçait, si je puis ainsi parler, les portes, trop lentes à s’ouvrir, de l’Académie des sciences de Munich. L’université l’avait élevé, cette année-là même, à la dignité de recteur magnifique. Dœllinger perdra son siège de député le 27 août 1817, lorsqu’à la suite du scandale Lola Montés, le roi Louis I er le mettra en congé temporaire et dispersera du même coup le corps professoral. Mais, l’année d’après, à la vive surprise et au plus vif déplaisir de la presse dite libérale, il entrera, plein d’espérances, dans le parlement de Francfort et ira s’y asseoir au côté droit ; l’émeute démagogique du 18 septembre 1848 faillit lui coûter la vie. En même temps qu’il combat au sein du parlement pour l’indépendance de l’Église en Allemagne, qu’il y rêve à la constitution d’une Eglise nationale et qu’il y proteste avec la dernière énergie contre l’abolition du célibat ecclésiastique, on le voit prendre une part importante à la fameuse conférence épiscopale de Wurzbonrg, novembre 1818, promouvoir infatigablement ces congrès généraux qui, de nos jours, exercent jusque sur l’épiscopat allemand leur puissante influence, travailler à l’organisation et à la diffusion de la presse catholique, dont il proclame plus que personne la nécessité. Dans toutes les alfaires de l’Église, sur le terrain politique comme sur le terrain religieux, on reconnaît la main de Dœllinger. Il est un des chefs vénérés des catholiques de l’Allemagne ; avec la renommée, il a l’autorité.

Néanmoins, à y regarder de près, un sourd travail se fait dans la pensée de Dœllinger, et ses convictions primitives ont déjà subi quelques accrocs ; ainsi, ses anciennes sympathies pour les jésuites se sont tournées depuis 1812 en froideur, avant de se tourner en haine. Un incident d’apparence très ordinaire aura pour lui les conséquences les plus graves. Dès 1849, Dœllinger a admis en pension, sous son toit, le jeune Acton, venu d’Angleterre à Munich pour achever ses études ; et l’élève aura vile fait, avec ses rares qualités d’esprit et sa connaissance des hommes, de gagner l’alfection et la confiance du maître. Affection sans éclipse, influence surprenante, que lord Acton conservera jusqu’à la fin, et qui acheminera le vieux savant à sa chute ; comme le professeur Huber, un ami d’enfance de Dœllinger, lord Acton sera son mauvais génie.

En 1850, on sent percer l’humeur de Dœllinger contre le Saint-Siège ; tandis que le monde catholique se serre avec un redoublement de vénération et de dévouement autour de la chaire de Pierre, Dœllinger, par chauvinisme et préjugé théologique, s’en éloigne chagrin, en attendant qu’il se retourne haineusement contre elle.

En 1854, il blâme, sans oser se déclarer, la promulgation du dogme de l’immaculée conception, qu’il tient pour inconnu de l’antiquité chrétienne ; et l’on colportera, pendant le concile de 1870 à Rome, le mot dont Marie Gœrres, en cette occasion, l’aurait souffleté : « Vous mourrez dans la peau d’un hérétique. » En 1857, Dœllinger revient de son voyage d’Italie, la vanité blessée, l’esprit et le cœur aigris, et la claire prévision qu’il rapporte de la ruine prochaine du pouvoir temporel des papes, n’est pas pour le troubler ni l’aflliger. Le Set le 9 avril 1861, les deux célèbres Conférences de l’Odéon, en dépeignant le gouvernement pontifical sous les plus noires couleurs et en légitimant de la sorte l’usurpation piémontaise des Romagnes, provoqueront dans toute la catholicité un long cri de surprise et de colère ; c’était, au fond, l’acte d’un mauvais lils, c’était le crime de Cham.

2° Deuxième période, 5 et 9 avril 1861-17 avril 1871.

— Avec ou presque aussitôt après les Conférences de l’Odéon, s’ouvre la deuxième étape de la vie et de la pensée de Dœllinger. La guerre à la papauté, une guerre sournoise et généralement anonyme, caractérise et remplit la période que nous abordons. Il n’y eut point pour le vieux savant un jour, une heure, un moment solennel où ses yeux se dessillèrent, et où, désabusé, il se vit transforme. Pas d’orage, pas de déchirement, pas de coup de tonnerre, comme cela est arrivé peut-être pour Lamennais et pour.loulfroy ; Dœllinger a eu son évolution, non sa révolution. « Il ne lui manque rien pour être un hérétique, disait de lui ilès 1858 son ancien secrétaire Joœg, que d’avoir ses derrières assurés. » Qu’il estimât ou non ne les avoir point assez assurés en 1861, Dœllinger ne fit pas d’abord au Saint-Siège une guerre ouverte et sans ménagements Mais, éloigné par les circonstances ou privé par la mort des anges gardiens de son âge mûr ; entouré et dominé par un groupe d’admirateurs de toute provenance et de toute croyance qui n’avaient entre eux rien de commun que l’aversion de Rome ; entraîné sans un contrepoids suffisant par les préjugés de son éducation et de sa jeunesse, plus ou moins longtemps assoupis, jamais étouffés ; victime surtout d’une infatuation scientifique qui croît avec les années, Dœllinger descendra peu à peu et prudemment la pente au bout de laquelle il trouvera l’apostasie. On dirait un de ces villages, au penchant des montagnes, qui glissent insensiblement du rocher sans secousse avec leur fonds de terrain tout entier et se réveillent un matin dans la plaine.

Entre temps, l’évolution mentale de Dœllinger se poursuit sans fracas et son âme va s’ulcérant. Car, à mesure que le roi Maxirnilien II, qui lui a déjà rendu sa chaire au mois de novembre 1849, se rapproche de lui, et que la science officielle, tout imprégnée de l’esprit protestant et rationaliste, comble ses désirs, en l’appelant, octobre 1863, au sein de la Commission historique, Rome laisse percer de plus en plus ses défiances et ses appréhensions. Quand Dœllinger, de concert avec l’orientaliste Haneberg et l’historien Alzog, projettera de convoquer à Munich, au mois de septembre 1863, un congrès de théologiens et de savants catholiques d’Allemagne, Rome en prendra naturellement de l’ombrage ; mais elle s’inquiétera moins du caractère général de l’entreprise que du nom et des idées du prévôt de Saint-Gaétan, et la preuve en est que les mesures édictées, juillet 1864, contre les futurs congrès scientifiques sont devenues lettre morte, sitôt que Dœllinger eut disparu. Pie IX, d’ailleurs, se montra satisfait de l’adresse des congressistes de Munich au Saint-Siège. Lettre apostol. du 21 décembre 1863 à l’archevêque de Munich. Le Sylîabus du 8 décembre 1864, par son texte même et par les prévisions auxquelles ce texte donn ; ra lieu, exaspérera le vieux savant bavarois ; il se sentira direc-