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DOCETISME


que le Christ est descendu du monde de la lumière pour combattre le monde des ténèbres, c’est une fable ; car le Christ est à la fois verus et verax Filins Dei, verus et verax filiushominis, de viro homme carnis originem duxil.Cont. Faust., II, iv, P. L., t.XLii, col. 211. Le Christ n’a pas pris chair, soutenait Fauste, car les généalogies sont une œuvre étrangère à l’Évangile, ibid., II, i, col. 209, et de plus se contredisent entre elles. Ibid., III, I, col. 213. Non, répond saint Augustin, les généalogies font au contraire partie intégrante de l’Évangile, et rien n’autorise à les supprimer. Quant aux contradictions qu’on prétend y voir, elles sont plus apparentes que réelles. Mais, dit Fauste, le Christ n’a jamais affirmé qu’il soit né, qu’il ait eu un père ou des ascendants terrestres, ibid., VII, I, col. 237 ; il a enseigné, au contraire, qu’il n’est pas de ce monde, qu’il est descendu du ciel, qu’il n’a pour mère et pour frères que ceux qui font la volonté de son Père céleste. Et c’est pour ce motif principal que Fauste repousse les généalogies.

Il y a là une équivoque, observe saint Augustin ; et il la dissipe par cette distinction capitale : oui, quant à la divinité, le Christ n’a pas d’ascendance humaine ; mais il en a une quant à son humanité. Il est tout à la fois le fils de Dieu et le fils de Marie, mais non sous le même rapport. Il est fils de Dieu de toute éternité ; il est fils de Marie dans le temps ; fils de Dieu en tant que Dieu, fils de Marie en tant qu’homme, car c’est dans le sein de la Vierge qu’il a pris la nature humaine. L’apôtre le fait entendre assez clairement, quand il dit : Misit Devs Filium suum, factum ex muliere, factum sub lege. Gal., iv, 4.

Saint Paul a bien dit, insiste Fauste, que le Christ est né selon la chair de la semence de David, mais il a reconnu son erreur et l’a corrigée en ces termes :

« Désormais nous ne connaissons plus personne selon

la chair, et si nous avons connu le Christ selon la chair, à présent nous ne le connaissons pas de cette manière. » II Cor., v, 16. Pure chicane, réplique saint Augustin, et contradiction inexistante. Car si l’Écriture présentait une contradiction, aut codex mendosus est, aut interpres erravit, aut lu non intelligis. Ibid., XI, v, col. 249. Or, dans le cas actuel, il n’y a erreur, ni dans le texte, ni dans l’interprète : les manuscrits sont là, et l’interprétation qu’on donne est connue. Des trois moyens de solution, reste uniquement le dernier : Fauste n’a pas compris. Car il est certain que saint Paul, à plusieurs reprises et de différentes manières, a parlé de la naissance humaine du Christ ; c’est là un point acquis et hors de contestation. Il semble dire le contraire dans son Fpître aux Corinthiens, mais il n’en est rien, parce qu’il parle de toute autre chose que de sa naissance humaine ; il parle du Christ ressuscité, de l’état de son corps à partir de ce moment ; et ce que l’apôtre veut dire, c’est que la résurrection a introduit dans la nature de son corps un changement caractéristique, à savoir qu’il n’est plus sujet comme auparavant à la corruption, à la passion et à la mort, mais qu’il est désormais incorruptible, impassible et immortel ; dès lors son langage s’explique et se justifie, loin de contredire en rien la réalité antérieure de la naissance du Christ selon la chair. Si le Christ n’est pas né, comment a-t-il pu souffrir ? A cette objection je réponds, disait Fauste, que cela se peut fort bien ; car il est avéré qu’Élie, qui n’a été qu’un homme, n’est pourtant pas mort. De même le Christ, quoique n’étant pas né, a pu souffrir. Ibid., XXVI, i, col. 479. Oui, réplique saint Augustin, le Christ, comme Adam, aurait pu avoir un corps directement formé par Dieu ; il aurait pu prendre aussi des éléments étrangers et lee convertir en son corps humain ; il aurait pu le créer ex nihilo ; mais là n’est pas la question. Il ne s’agit pas de savoir ce qu’il aurait pu

faire, mais ce qu’il a fait en réalité. Or, l’Évangile nous apprend qu’il est né d’une vierge : et vere natus, et vere mortuus quia veritas est Evangelii. Ibid., XXVI, vu, col. 483.

Fauste insiste : si nalus est ex femina Jésus, ergo et seminatus ex viro est ; si vero seminatus ex viro non est, ergo nec ualus ex femina est. Ibid., XXVII, I, col. 48’t. Pur enfantillage, réplique saint Augustin : nam Jésus et nasci potuit non satus, et pati nonparlus ; sed unum horum voluit, alterum noluil. Nasci enim non satus voluit, pati autem non partus noluit, quia partus est passus. Ibid., XXVII, il, col. 486.

A ce docétisme touchant la passion, la mort et la résurrection du Christ, qui consistait à garder les termes après les avoir vidés de leur sens obvie, saint Augustin se contente de répondre qu’il n’est qu’une inconséquence ; car il était aussi facile aux manichéens de soutenir le docétisme relativement à la naissance humaine de Jésus et de réduire celle-ci à une pure apparence ; mais non, ils prétendent qu’il n’y a pas eu de naissance humaine. Or, une telle prétention est du pur arbitraire.

On peut s’en rendre compte, d’après ces exemples de réfutation du docétisme empruntés à saint Irénée, à Tertullien et à saint Augustin, les Pères n’ont négligé aucun des aspects sous lesquels cette erreur se présentai t. aucun des arguments qu’on faisait valoir en sa faveur. Mais le faux point d’appui sur lequel elle s’étayait n’était que l’idée erronée qu’on se faisait de la matière pour expliquer l’origine du mal, sans tenir compte de la solution chrétienne. C’était là l’erreur fondamentale de tous les systèmes entachés de docétisme. Les Pères n’ont eu garde de la négliger ; et ce n’est qu’en réfutant les systèmes eux-mêmes qu’ils ont eu l’occasion de réfuter le docétisme qui s’y trouvait mêlé. Ils en ont dit suffisamment pour montrer le danger que pouvait faire courir à la foi chrétienne une doctrine aussi inconsistante, qui avait la prétention de s’autoriser de l’Écriture et qui s’abritait sous un appareil scientifique des plus séduisants.

VI. Accusations de docétisme portées contre certains Pères. — Certains Pères de l’Eglise, notamment Clément d’Alexandrie et Origène, ont été accusés de docétisme. A tort ou à raison ? C’est ce qu’il convient d’élucider en quelques mots.

1° Clément d’Alexandrie fut-il docètef — Oui, si l’on en croit Photius, Biblioth., cix, P. G., t. ciii, col. 381, qui l’accuse formellement d’avoir trempé dans le docétisme, sur certains passages des Hypoty poses. Cet ouvrage du docteur alexandrin étant perdu ou du moins n’étant pas actuellement connu, impossible de contrôler et de vérifier une telle accusation. Il est certain par ailleurs que Clément d’Alexandrie a attribué un corps réel au Sauveur. Mais sans préciser toujours de façon nette le fond de sa pensée, il a tenu parfois, dans les ouvrages qui restent de lui, un langage qui pourrait prêter à l’équivoque. C’est ainsi, par exemple, qu’il dit qu’il serait ridicule de croire que le Sauveur a eu besoin d’entretenir et de nourrir son corps pour le maintenir en vie. Il mangeait sans doute, non par besoin, mais à cause de ceux avec qui il vivait, pour qu’ils n’en vinssent pas à croire, comme on le fit dans la suite, qu’il n’avait qu’une apparence de corps, qu’il n’était qu’un pur fantôme. Strom., VI, 9, P. G., t. IX, col. 292. Ce passage comme le démontre Le Nourry, Dissert., II, c. vi, a. 7, P. G., t. ix, col. 1131-1132, s’entend facilement. Le Sauveur avait un corps réel ; il pouvait, étant Dieu, le soutenir par sa vertu toute-puissante, sans recourir à l’alimentation ordinaire ; il l’alimentait cependant pour éviter à ses disciples l’erreur de croire qu’il n’avait qu’un corps apparent.

Clément d’Alexandrie ne doute nullement de la réalité de la naissance, de la vie humaine et de la mortErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.