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DOCÉTISME

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Pour lui comme pour saint Irénée, Jésus n’est pas à distinguer du Christ ; le Christ, c’est Jésus lui-même. Aussi donne-t-il à l’un de ses ouvrages, non le titre De carne Jesu, mais celui bien significatif de De carne Christi. A ses yeux, ces gnostiques ne sont que des chrétiens fictifs : Omnia in imagines urgent, plane et ipsi imaginarii christiani. Adv. valent., xxvii, P. L., 1. 11, col.*582.

Quant à Marcion, il le combat sur son propre terrain à l’aide de l’Evangile tel qu’il a plu à cet hérétique de le conserver ; car il suffit amplement à réfuter son docétisme, malgré les amputations qu’il lui a fait subir et les interprétations mensongères qu’il en a données. Il écarte d’abord l’objection qu’il tirait de l’apparition des anges sous forme humaine à Abraham. Ce n’était là, prétendait Marcion, que l’apparence d’un corps d’homme, sans réalité’comme sans naissance ; ou bien si les anges ont eu réellement un corps humain, ce corps a dû nécessairement naître de la chair. Nullement, réplique Tertullien, leur corps a été un vrai corps d’homme à cause de la véracité de Dieu, qui est étranger au mensonge et à la tromperie, à cause aussi des rapports qu’ils devaient avoir avec des hommes, mais ce fut un corps de chair sans naissance. Pourquoi ? parce que le Christ seul devait naître de la chair et devenir chair afin de réformer notre naissance par sa naissance et de détruire ainsi notre mort par sa mort, resurgendo incarne, in qua natits est ut et mort poxset. Ideoque et ipse cum angelis lune apud Abraham in veritatequidem carnis apparaît, sed nondum natje, QUI i NONDUM MORITURJS. Adv. Marcion., III, IX, P. L., t. il, col. 333-334.

Marcion, du reste, n’avait imaginé le docétisme que pour soustraire le Sauveur à l’action du créateur, qu’il distinguait arbitrairement du Dieu suprême. Mais Tertullien prouve longuement que le créateur et le Dieu suprême, loin d’être distincts, ne sont qu’un seul et même Dieu. Marcion alléguait les deux passages de saint Luc, signalés plus haut, Luc, vii, 21 ; xi, 27, pour prouver que Jésus n’avait pas eu de mère selon la chair. Interprétation erronée, réplique Tertullien, car la manière même dont parle Jésus implique qu’il avait une mère. Si ergo matrem et fralres fecit qui non erant, quomodo negavit eos qui erant ?… Ex hoc magis matrem et fralres con/ilebatur, quod illos nolebat agnoscere ; quod alios adoptabat, confirmabat quos ex offensa negavit, quibus non ut veriores subsliluit, sed ut digniores. Adv. Marcion., IV, xix, P. L., t. ii, col. 403-406 ; cf. De carne Christi, vii, col. 769. Et dans sa réponse à la femme qui s’était écriée : c Heureux le sein qui vous a porté, » Jésus ne nie pas plus qu’il ait eu une mère selon la chair qu’il ne l’avait nié dans le passage précédent : Rursus pruinde félicitaient ab utero et uberibus ntatris suse transtulil in discipidos : A QUA NON TRANSTUL188ET, SI EAU NON BABERET. Ibid.,

IV, xxvi, col. 427.

Au sujet du passage de l’Évangile où il est dit que Jésus désira d’un grand désir de manger la pàque avec ses disciples, Tertullien l’ait cet argumentai hominem : Acceplum panem, et distribulum discipulis, corpus illum suum fecit « hoc est corpus meum » dicendo, id est figura corporis sui. Figura autem non fuissel, MSI VERITAI’IS ESSBT CORPUS. Ibid., IV, XL, col. 460. Au point de vue dogmatique, une telle formule peut laisser à désirer, mais elle montre clairement la pensée du docteur africain qui est que le Christ n’aurait pas pu faire ce qu’il lit à la dernière cène, s’il n’avait eu un corps vraiment humain.

Abordant ensuite la question de la mort du Christ, Tertullien recueille tous les détails qui prouvent manifestement la réalité de cette mort. De là ce dilemme : S’il n’y a dans tout cela qu’une apparence ou un fantôme, c’est donc que le Christ y était ; ou si le Christ

n’y était pas, il avait enlevé le fantôme lui-même. Il n’y a donc plus pour l’impudente hérésie qu’à soutenir qu’il ne restait là que le fantôme d’un fantôme. Ibid., IV, xlii, col. 465.

Reste la résurrection, dont les circonstances, relevées par Tertullien, proclament la réalité. De corporis autem veritate, quid potest clarius ? dernande-t-il. Les disciples hésitent, croyant avoir affaire à un fantôme, et le Christ leur dit : « Voyez mes mains et mes pieds ; c’est bien moi. Touchez-moi, et considérez qu’un esprit n’a ni chair, ni os, comme vous voyez que j’en ai. » Luc, xxiv, 39. Mais, selon son habitude, Marcion a torturé ce texte pour lui faire dire tout autre chose. Quse ratio torluositatis istius ? Pourquoi donc, s’il n’avait pas d’os, le Christ offre-t-il ses pieds et ses mains, membres qui comprennent des os ? Et pourquoi ajoute-t-il : « C’est bien moi, » c’est-à-dire celui qu’ils savaient avoir eu un corps réel ? Ou s’il n’avait jamais été qu’un fantôme, pourquoi les reprend-il de le regarder maintenant comme un fantôme ? Et pourquoi, sur leurs hésitations, leur demande-t-il des aliments ? Ibid., IV, xliii, col. 466-468. Tertullien a raison de conclure son enquête et sa réfutation minutieuse par ces mots : Marcion, frustra laborasti, Christus enim in Evangelio luo, meus est. Ibid., col. 468.

Dans son traité De carne Cliristi, Tertullien, à rencontre du docétisme des valentiniens et des inarcionites, traite de la réalité de la chair du Christ : an fuerit et unde, et cujusmodi. Mêmes arguments à propos du corps des anges, qui n’étant pas venus pour mourir, n’avaient pas à naître comme le Christ. De came Christi, vi, P. L., t. il, col. 764. Mêmes explications des passages scripturaires, dont on se prévalait. Ibid., vii, col. 769. Puis il passe en revue les différentes explications qu’on donnait du corps du Christ : les uns le disaient céleste : mais, alors, que signifient la faim, la soif, les larmes, le sang, dont il est question ? D’autres prétendaient que Jésus avait une chair de la nature de l’âme ; c’est une erreur, car il a pris une âme humaine, non en la faisant chair, mais en la revêtant de la chair. Ibid., xi, col. 774. D’autres encore croyaient que son corps était de la nature des anges ; erreur nouvelle, car le Christ n’a pas pris la nature angélique, mais la nature humaine, il s’est fait homme pour racheter l’homme, homo perierat, hominem restitui oporlueral. Ibid., xiv, col. 777. Valentin lui attribuait une chair spirituelle, mais le texte d’Isaïe ne se justifie nullement par la formule « tortueuse » qu’il propose : PER Mariam, mais parcelle-ci : EX Maria. Ibid., xx, col. 785.

3° Saint Augustin combat le docétisme des manichéens. — D’après la théorie que la matière appartient au principe du mal, les manichéens, tout comme la plupart des gnostiques, n’admettaient pas que le Christ ait pu être en relation d’aucune sorte avec la matière, même avec la chair humaine. Le Sauveur n’avait donc pu ni s’incarner, ni naître à la manière des hommes, ni souffrir et mourir réellement. Etant sans naissance humaine et n’ayant pas de corps, sa passion, sa mort et sa résurrection ne pouvaient être qu’une apparence illusoire. Nec fuisse in carne verse, sed simulatam speciem carnis ludificandis humanis sensibus præbuisse, uli non solum mortem verum ctiam resurrectionem similiter mentiretur. User., xlvi, P. L., t. xlii, col. 3738. Tel est le docétisme professé par les manichéens. Faust e, l’un de leurs docteurs, contemporain de saint Augustin, cherchait à l’appuyer sur l’Écriture et à montrer que les catholiques s’abusaient. L’évêque d’ilippone, suivant pas à pas le traité de Fauste, prouve qu’il pratique une exégèse de fantaisie et qu’il prête aux catholiques des sentiments qui ne sont pas les leurs.

Tout d’abord, remarque saint Augustin, prétendreErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.