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Lien différente est la version des Philosophoumena. Jésus était vraiment le fils de Marie ; en lui descendit la lumière qui avait lui sur le fils de l’hebdomade, et cette lumière l’illumina et le remplit de ses feux, Philosoph., VII, I, 26, p. 362. Il vécut et mourut comme le racontent les Évangiles, ibid., 27, p. 365 ; il souffrit dans la partie corporelle de son être. Ibid., p. 366. C’est donc.((’sus seul, un homme comme les autres, qui supporta les douleurs de la passion, et non la lumière ou l’élément divin qui (’-lait descendu en lui. Malgré la différence dis explications, le résultat est le même : il y a bien une victime, celle de Simon, d’après saint Irénée, mais Simon n’a que l’apparence deJésus ; celle de Jésus, d’après les l’hilosophoumena, mais Jésus uniquement en tant qu’homme, et nullement l’être divin qui était en lui.

Valenlin.

Après avoir enseigné en Egypte, Valentin se transporta à Rome où il se trouva en même temps que Marcion vers le milieu du second siècle. Son docétisme, autant qu’on peut juger par celui de ses disciples, paraît avoir été plus artificiel que les précédents. Le rédempteur, c’est bien Jésus, mai s Jésus ne doit rien directement au plérome. Il est formé en partie par l’î'xTpuivoi, l’avorton ou sophia extérieure, qui lui communiqua quelque chose du monde de l’ogdoade, et en partie par le démiurge, le dieu sot de l’hebdomade, le créateur des essences psychiques, selon ces paroles : « L’Esprit-Saint viendra en toi et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ; » car l’Esprit-Saint, c’est la sophia extérieure, et le Très-Haut, c’est le démiurge. Son corps ne doit rien à Marie, car il est né, non de Marie, mais par Marie, la Vierge ne lui ayant rien communiqué de sa substance et n’ayant été pour lui qu’un lieu de passage. Atà Mxpîa ; Y.ixf)y.-KeçPjSwp Six ffcoXfjvoç. S. Irénée, Cont. Iiht., I, vii, 2, P. G., t. vu. col. 513. De là cette formule très claire de Marin, dans le dialogue De recta fide, iv, P. G., t. xi, col. 1844 : 81à Mxpi’a ; à).).VJx èx Mapia : . Ainsi né par Marie, ce Jésus est venu pour amender les choses du monde terrestre et corriger les fautes de l’Ame. Philosoph., VI, ii, 36, p. 298. Mais de quelle manière ? Aucun renseignement ne nous est fourni sur le mode de la rédemption ; tout au plus, par analogie, peut-on supposer que ce mode a ressemblé à celui qui est décrit pour le salut du plérome et pour le salut du monde intermédiaire, c’est-à-dire que le salut s’est opéré ici-bas par l’illumination de la science ou la communication de la gnose. Rien donc qui rappelle la rédemption par la mort sanglante de la croix. Quels hommes sont sauvés ? Cela dépend de la catégorie à laquelle ils appartiennent ; car, d’après les valentiniens, il y a les hyliques, ceux en qui domine l’élément matériel, œuvre du diable, les psychiques, ceux en qui domine une Ame animale, œuvre du démiurge, et les pneumatiques, ceux en qui domine l’élément spirituel. Or, les h y tiques sont fatalement condamnés, quelque bien qu’ils fassent, A cause de leur nature mauvaise ; les pneumatiques sont fatalement sauvés, quelque faute qu’ils commeltenl, à raison de leur n.’ture spirituelle ; quant aux psychiques, ils peuvent se perdre ou se sauver dans la mesure où ils refusent ou acceptent de se laisser éclairer et guider par la gnose ; c’est sans doute auprès de ces derniers que le sauveur Jésus peut être de quelque ulilité, non par sa mort, mais par la gnose. S. Irénée, Cont. hxr., i, vi, 2, P. G., t. vii, col. 505.

Valenlin professait-il donc le docétisme ? Admettait-il l’historicité des récits évangéliques sur la passion et sur la mort ? Rien ne nous l’apprend. Cependant, ce qu’il écrivait à Agathopos, Clément d’Alexandrie, Sirom., ni, 7, P. G., t. viii, col. 1161, peut permettre de croire qu’il était docète dans une certaine mesure tout comme la plupart des autres chefs gnosliques ; car, dit-il, o Jésus, étanl continent, s’acquit la divinité ; il

mangeait et buvait d’une manière spéciale sans rendre les aliments. » En tout cas ses partisans de l’école italienne professaient le docétisme. Ceux de l’école orientale, parmi lesquels on comptait Axionicus, Bardesane, et Théodote, prétendaient que Jésus avait eu un corps pneumatique ou spirituel, tandis que ceux de l’école ilalienne, Héracléon et Ptolémée entre autres, soutenaient qu’il n’avait eu qu’un corps psychique ; c’estsur ce point qu’ils différaient. Philosoph., VI, il, 35, p. 296. D’après ces derniers, Jésus tenait d’Achamoth son essence pneumatique, du démiurge son essence psychique, et de l’économie divine l’art inénarrable avec lequel tout avait été préparé pour qu’il devint visible, palpable et sensible. Cont. hxr., i, VI, I, P. G., t. iiv col. 505. Au jour du baptême, il reçut en lui le Christ, sauveur du monde supérieur, et ce Christ, par sa nature, était impassible. Aussi, lorsque Jésus fut conduit devant Pilate, l’abandonna-t-il, et Jésus fut seul à pâtir. Cont. hxr., i, vii, 2, col. 516. Dans ces conditions, remarque saint Irénée, la rédemption était purement illusoire ; car si notre Sauveur n’a pas pris son corps de chair dans le sein de la Vierge, il n’a pas été l’homme réel et vrai dont les Évangiles racontent qu’il a souffert la faim et la soif, qu’il a pleuré au tombeau de Lazare, qu’il a sué une sueur de sang et qu’il a laissé couler de son côté ouvert du sang et de l’eau. Cont. hxr., III, xxii, 1, 2 ; V, i, 2, P. G., t. vil, col. 956, 1122.

Marcion.

Ce « loup », comme l’appelle Tertullien, était né à Sinope, dans le Pont, et avait été chrétien. Accouru à Rome, où il rencontra Cerdon et Valentin, il se laissa séduire par leur système et les dépassa tous deux. Grâce A de rigoureuses pratiques d’ascétisme, il exerça une influence prépondérante et compta des partisans jusqu’au Ve siècle, car Théodoret déclare avoir trouvé dix mille marcionites dans le diocèse de Cyr. Par réaction contre les Juifs et le judaïsme, il posa en thèse que l’Évangile et le Nouveau Testament, seuls instruments de salut, sont sans analogie et sans lien, ou plutôt en contradiction complète avec la Loi et l’Ancien Testament. Pour lui, Jésus est la manifestation, non du Dieu des Juifs, être inférieur plutôt juste que bon, mais du Dieu suprême et bon par essence, sans relation possible avec la matière, qui est l’œuvre de démiurge, et seul Sauveur de tout ce que le Dieu des Juifs détenait ou tracassait mal A propos. Or, le (Ihrist Jésus, en qui le Dieu suprême et bon s’est manifesté pour la première fois, est également étranger à ce monde matériel et sensible ; il n’a pas d’ascendance ou de généalogie humaine ; il paraît tout à coup dans la quinzième année du règne de Tibère, sans que son avènement eût été prépare’1 ou annoncé d’aucune façon, Philosoph., VII, ni, 31, p. 383 ; Adv. Marcion., IV, 7, P. L., t. ii, col. 369 ; il n’a pas un corps de chair ut de sang et n’a donc pas pu naître d’une Vierge ni converser avec les hommes comme l’un d’entre eux. Sa vie et sa mort n’ont été que de pures apparences. Il est descendu aux enfers pour y appeler les justes ; mais Abraham, Jacob, David et les autres, croyant reconnaître en lui le Jéhovah qui les avait Irompés, s’abstinrent de répondre à son appel ; en revanche, tous les maudits de l’Ancien Testament se rangèrent à sa suite et l’accompagnèrent dans le ciel.

Le docétisme de Marcion diffère, comme on le voit, de celui des précédents gnostiques. Ceux-ci s’en prenaient surtout à la passion et à la mort, auxquelles ils déniaient toute réalité objective, et admettaient une vraie naissance humaine, comme ISasilide, ou un semblant de naissance, comme Valenlin. Marcion, au contraire, supprime toute naissance humaine pour le Sauveur tel qu’il l’entend, car il ne veut pas qu’il ait dépendu en quoi que ce soil du démiurge ou Dieu des Juifs. En conséquence il élague du seul Evangile qu’ilErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.