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DOCKTISME


tique les affirmations positives de l’orthodoxie et de sauver la foi en condamnant l’hérésie. Et tel est hien le rôle que prirent en mains les chefs avisés de l’Église. Mais ils ne se contentèrent pas de dénoncer l’erreur et de la flétrir, ils la réfutèrent ; ils ne se contentèrent pas de proclamer la vérité de la foi chrétienne, ils la prouvèrent au nom de l’Écriture, de la tradition et de la raison. Et c’est ainsi que le danger créé par le docétisme devint l’occasion, pour l’Église, d’une lutte et finalement d’un triomphe, grâce aux travaux qu’il provoqua parmi les catholiques.

II. Le docétisme du temps des apôtres.

1° Sa première apparition. — Il est certain que, du temps même des apôtres, il y eut des gnostiques docètes : tel, par exemple, Simon de Gitton, qui proposa vaine" ment à saint Pierre le honteux marché que l’on sait et qui voulut se faire passer pour le Sauveur. Il tint école à Antioche ; Ménandre, son disciple, devint le maître de Saturnin et de Basilide. Avait-il déjà composé des ouvrages et formulé sa pensée dans un corps de doctrine systématiquement lié ? C’est à croire. Mais ni son nom ni celui d’aucun autre contemporain ne se trouvent sous la plume de saint Paul ou de saint Jean. Et pourtant il n’est pas douteux que ces deux apôtres n’aient visé certaines erreurs particulièrement entachées de docétisme. Car, soit à Antioche, en Syrie, soit à Éphèse et dans les villes environnantes de la province d’Asie, il y eut aux temps apostoliques une telle fermentation d’idées philosophiques et religieuses que l’orthodoxie de la foi s’en trouvait menacée. D’habiles exploiteurs, se donnant à la fois pour des docteurs de la loi et des maîtres de la gnose, commençaient à battre en brèche, par un docétisme subtil, les deux dogmes fondamentaux de l’incarnation et de la rédemption. La preuve en est dans certains détails caractéristiques que signalent les apôtres et dans la manière dont ils dénoncent le danger contre lequel ils mettent en garde leurs correspondants.

Saint Paul le combat.

Averti par Épaphras des dangers que courait la foi des chrétiens à Colosses sous l’action d’un faux enseignement, saint Paul écrit aux Colossiens pour les prémunir. Il signale, entre autres choses, un mélange d’ascétisme et de culte idolâtrique des anges, une rigide observance de fêtes et de sabbats, une doctrine qui se donnait à elle-même le titre de gnose. S’agissait-il de plusieurs systèmes d’erreur ou d’un seul ? L’apôtre ne distingue pas, et tout porte à croire qu’il vise simplement un premier essai de syncrétisme gnostique et judaisant, de gnose judaïsante. Toujours est-il qu’il met en garde les chrétiens de Colosses contre « la philosophie et des enseignements trompeurs, qui sont selon les traditions purement humaines et les rudiments du monde, et non selon le Christ, » Col., il, 8, dont le but était de rabaisser l’idée du Christ et de dénaturer son rôle. Comment cela ? Non pas seulement en mettant en doute sa divinité, mais aussi en niant dans une certaine mesure la réalité de sa nature humaine et de sa mort sanglante ; et c’est ici que paraît le docétisme, qu’il combat en même temps que d’autres erreurs. Car, d’une part, il insiste jusqu’à trois fois, à quelques lignes de distance, pour affirmer que le Christ possède la plénitude de Dieu, tous les trésors de la sagesse et de a science et que la plénitude de la divinité habite en lui corporellement. Cette formule : iv sùtû xocrowet --// -.’i itA7Jpco|j.a : ?, ; 8s6tï]to ; <7<.> ;  ; .-/ti/(’.>ç, Col., ii, 9, est particulièrement suggestive, par l’emploi du mot itXr, pu >|xa si en vogue parmi les gnostiques, et surtout par l’adverbe si énergique cr(op.aTixà) ; .

D’autre part, il tient à rappeler la réconciliation des hommes avec Dieu par le sang de la croix, 8tà toû ahi.’x-r, ; toû eraupo’j aûroû, par la mort du Christ en son corps charnel, êv & ffcàjiaTt t/, ; aapy.ô< ; avroû Stà

toQ Oavxrov.CoL, 1, 20, 22. Des traits si caractéristiques ne s’expliquent que dans l’hypothèse où saint Paul tenait à fermer la bouche à ceux qui niaient plus ou moins ouvertement la réalité de l’incarnation et de la rédemption.

Le type de ces judéo-gnostiques à tendances docètes est plus accusé encore dans les Pastorales. Saint Paul prie notamment Timotbée « d’éviter tout ce qu’oppose une science qui n’en mérite pas le nom », et qu’il qualilie de menteuse : « vrtOéffst ; tr, ; ({/euScov-jiio’j yvciastix ; . I Tirn., VI, 20. Il affirme solennellement qu’il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus fait homme : neo-frT|ç 0soO -/où àvÔpeoTrtov av6pci>itoç Xpc7TÔ ;’Ir.rroû ; . I Tim., il, 5. On imaginerait difficilement des formules plus obvies pour combattre l’erreur docète ; c’est bien ainsi, du reste, que l’ont compris Basilide et Marcion ; car se trouvant dépeints et réfutés d’avance dans les Pastorales, ils ont eu soin de les rejeter du canon du Nouveau Testament.

3° Saint Jean le combat à sr.n tour. — Dans l’Évangile qu’il composa, dit-on, pour combattre Cérinlhe, qui niait la divinité de Jésus, saint Jean a inséré quelques traits qui viseraient plutôt une erreur entachée de docétisme : celui-ci, par exemple, si fortement accentué : « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous, » Joa., i, 14 ; et ce détail de la passion, qu’il est seul à relever : « Un des soldats lui transperça le côté d’un coup de lance, et aussitôt il en sortit du sang et de l’eau. » Joa., xix, 34. En tout cas, dans ses Epitres, c’est bien le docétisme qu’il combat. « Tout esprit, dit-il, qui confesse Jésus-Christ venu en chair est de Dieu ; et tout esprit qui ne confesse pas ce Jésus n’est pas de Dieu : c’est celui de l’Antéchrist. »

I Joa., iv, 3. « Plusieurs séducteurs ont paru dans le monde ; ils ne confessent point Jésus comme Christ venu en chair : c’est là le séducteur et l’Antéchrist. »

II Joa., 7. Ces allusions étaient claires pour les destinataires de ces lettres et désignaient suffisamment, sans qu’ils pussent s’y tromper, les maîtres d’erreur qui professaient de telles doctrines. Elles expliquent ce début qui serait si étrange sans cela : « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nos mains ont touché du Verbe de vie… » i, Ioa., i, l. D’autres traits encore, et non moins significatifs, font penser à des docètes qui se refusent à croire que Jésus soit le Fils de Dieu et le Christ et que ce Jésus vraiment Christ ait versé son sang. « Celui qui confessera que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui. » I Joa., iv, 15. « Quiconque croit que Jésus est le Christ, est né de Dieu. » I Joa., v, 1. « C’est ce même Jésus-Christ qui est venu par l’eau et par le sang, non avec l’eau seulement, mais avec l’eau et avec le sang. » I Joa., v, 6. Quels étaient ces docètes ? Sans doute ceux qui, comme Cérinthe, distinguaient le Christ de Jésus, mais aussi d’autres encore, car l’accent de l’apôtre porte avec énergie sur la chair réelle de Jésus-Christ ; mais rien ne dit, quoique cela paraisse fort vraisemblable, que ce furent des judéognostiques comme ceux qu’avait combattus saint Paul. Cf. A. Wurm, Die lrrlehrer im ersten Johaunesbricf, Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 1-81.

III. Le docétisme combattu par saint Ignace.

Au commencement du IIe siècle, vers 107, saint Ignace d’Antioche, conduit à Borne pour y être martyrisé, passe par Ephèse, où il reçoit des délégations des Églises voisines. Arrivé à Troas, il tient, avant de quitter la terre d’Asie, à remercier par lettre ses visiteurs et son hôte, saint Polycarpe. Or, dans quatre de ces épilres, il mêle à l’expression de ses sentiments de gratilude quelques conseils appropriés aux besoins de ses destinataires. Ceux-ci, en effet, dans cette provinceErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.