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DOCÈTES — DOCÉTISME


c’est raconté dans l’Évangile. Mais, pendant son baptême au Jourdain, il prit dans l’eau l’image et le signe du corps né de la Vierge atin que, lorsque l’Archon condamnerait à la mort de la croix son propre ouvrage, l’âme nourrie dans ce corps ne se trouvât pas nue, mais revêtît l’image qu’il avait prise à sa place lors du baptême. Et c’est ce que dit le Sauveur : « Nul, s’il ne renaît de l’eau et de l’Esprit, ne peut enlrer dans le royaume de Dieu. Car ce qui est né de la chair est chair. ».loa., iii, 5-6.

Sotcriologie.

Ce monogène avait donc emprunté une idée à chacun des trente éons (du troisième éon), et c’est pourquoi il vécut trente ans, un an pour chaque éon. Or, les âmes sont, toutes, les idées provenant de chacun des trente éons ; et chacune d’elles a une naturecapable de comprendre le Jésus qui lui est conforme ; et c’est ce Jésus que le fils monogène avait revêtu dans les lieux éternels, qui sont divers. De là tant d’hérésies se combattant entre elles à la recherche de Jésus ; chacune a son propre Jésus, différemment aperçu d’après la différence du lieu vers lequel elle est portée ; elle l’aime et croit que le Jésus qui lui ressemble et lui appartient est le seul, celui qu’elle reconnaît à première vue comme son propre frère, repoussant tous les autres comme des bâtards. Ceux-là donc qui ont une nature tirée des lieux inférieurs ne peuvent pas voir les idées supérieures du Sauveur. Mais, dit le chef des docètes, ceux qui sont d’en haut, à savoir de la Décade moyenne et de l’excellente Ogdoade, à laquelle nous appartenons, connaissent le Sauveur Jésus, non partiellement, mais totalement, et sont en haut les seuls parfaits, tous les autres n’étant parfaits qu’en partie.

III. Critique.

Réduit à ces termes, ce résumé, que l’auteur des Philosophoumena qualifie non sans raison d’embrouillé, sufiità montrer que les docètes ont prisle cadre des gnostiques et ont procédé à leur manière sans la moindre originalité, sauf sur un point que nous signalerons. Même exposition quelque peu ésotérique, uniquement accessible aux initiés ; car le lien logique qui devait sans doute relier entre eux les divers éléments du système pour le rendre cohérent, comme aussi les motifs qui devaient justifier l’apparition du monde lumineux des idées et leur emprisonnement dans les ténèbres, l’action du démiurge ou du grand Archon sur l’organisation île la matière et sur les âmes prisonnières, et le fait, pour le Sauveur, d’emprunter un élément à chacun des éons, tout cela est passé sous silence ; mais nous sommes renseignés par d’autres systèmes gnostiques. Mêmes citations empruntées à l’Écriture d’une façon déconcertante et qui n’offrent avec le passage où elles paraissent que des rapports assez vagues, tout au plus de simples rapprochements d’images ou de termes. Même appel à des sources apocryphes, car la citation attribuée à Job, Philosoph., VIII, i, 10, p. 40’t, n’est qu’un emprunt fait à un apocryphe, qui la place sur les lèvres de la femme de Job et qu’on a indûment ajouté au texte scripturaire. Job, il, 9.

Dans l’ensemble du système, même point de départ : un germe imperceptible, qui n’est presque rien et qui devient tout par une incessante évolution ; un premier principe presque réduit au néant, mais d’une puissance d’expansion extraordinaire : il se développe à la manière du figuier ; ce figuier rappelle l’arbre immense dont il est question dans le système de Simonie Magicien. l’/tilosopli. , VI, i, 9, p. 247-248. Même multiplication fantaisiste d’intermédiaires entre ce premier germe et le inonde matériel, dont l’existence, aux yeux des gnostiques, ne saurait s’expliquer par une action directe et immédiate de Dieu, mais par un démiurge, qui est ici, comme dans Basilide, le grand Archon. Pourquoi trois éons seulement au premier stade du développement germinatif ? Est-ce un chiffre nouveau ? Mais il se trouve dans l’élément ternaire des Naasséniens, des Pérates el

des Séthiens, ainsi que dans la triple filiation de Basilide. Le premier, dit-on, s’appelle ù[i.i-pr l T’j$ et le second àxâra).ïj7TTo ; . Et le troisième’.' C’est sans doute l’àv£wér r toç, l’ignorant, de la terminologie valentinienne, qui joint ce dernier qualificatif aux deux autres. S. Irénée, Cont. hær., i, xi, 5, P. G., t. vii, col.568. Pourquoi, au. second stade de l’évolution, un premier développement de perfection, qui donne 30 éons, et un second de production, qui en donne 190 ? Celui de 30 s’explique par un emprunta Valentinjcar il est question de l’ogdoade et de la décade intermédiaire, ce qui évoque le souvenir de la dodécade du système valentinien. Quant à celui de 190, sauf l’allusion à la parabole de la semence, il est encore loin des 365 cieux de Basilide. En revanche, et c’est ici le point spécial du système, les éons ne procèdent pas ici par couples de mâle et de femelle ou par syzygies, ils possèdent chacun le double sexe masculin et féminin. Cette conception rappelle les mythes orientaux des dieux androgynes ou hermaphrodites.

D’autre part, on voit bien que le Sauveur, comme dans le système valentinien, S. Irénée, Cont. hær., i, il, 6 ; xii, 4, P. G., t. vii, col. 465, 576, est le produit du plérome tout entier, mais il n’est pas dit que ce soit par mode de réconciliation après un grand désordre dans le monde des éons. On voit aussi qu’il emprunte, avant de descendre sur terre, une idée ou un élément à chacun des éons, mais il n’est pas question qu’il les restitue après son œuvre rédemptrice. Il revêt le corps né de la Vierge, dû à l’intervention du grand Archon à la suite de l’annonce de l’ange, mais ce n’est pas là un corps apparent, c’est un corps réel, qui sera crucifié ; corps d’emprunt du reste, auquel il substitue son image ou son apparence au baptême pour la reprendre au moment de la crucifixion. On voit enfin qu’il l’ait acte de rédempteur, mais il ne rachète que l’élément spirituel, celui des éons, qui se trouve emprisonné dans les ténèbres sans qu’on ait dit pourquoi. Que devient alors la rédemption de l’homme ? Ceux de la décade intermédiaireet del’excellente ogdoade, àlaquelle appartiennent naturellement les docètes, profitent sans doute de la rédemption, quant à leur tyv/r„ cela va sans dire, mais que devient le corps ? Et que deviennent ceux de la dodécade, quant à l’âme ou à l’élément spirituel ? Mystère, ou plutôt, selon la solution des autres systèmes gnostiques, ces derniers sont condamnés touteomme les corps.

En résumé, cette secte des docètes, telle que nous la fait connaître l’auteur des P/iilosopItoiimena, est une secte gnostique, où le docétisme ne joue pas à proprement parler un rôle prépondérant et exclusif. Elle n’a rien de vraiment original et de caractéristique ; son système est plutôt une œuvre éclectique, faite d’emprunts aux systèmes gnostiques en vogue, qui est loin d’avoir eu la valeur et l’inlluence du gnosticisme de Basilide, de Valentin et de Marcion.

Cruice, *ao<ro ? où| « va, Paris, 1860, p. 397-408, 496-498 ; Smith et Wace, Diclionary of Christian biography, v° Docetx.

G. Bareuxb.

    1. DOCÉTISME##


DOCÉTISME. — I. Observations générales. II. Le docétisme au temps des apôtres. III. Le docétisme au temps de saint Ignace. IV. Le docétisme chez les gnostiques. V. Réfutations dont il est l’objet. VI. Accusation de docétisme portée contre certains Pères.

I. Observations GÉNÉRALES.

1° Nature du docétisme. — Docétisme, du mot grec So/iw, paraître, lôLr^i. ; , apparence, sert à désigner l’erreur de ceux qui refusaient d’admettre que Jésus Christ ait été un homme véritable, possédant un corps de chair comme le nôtre, et traitaient en conséquence de pure illusion ou d’apparence trompeuse ce que les Évangiles racontent et ce que l’Église enseigne soit sur la conception humaine du Christ, sa naissance et sa vie, suit sur ses souffrances, sa mort et sa résurrection.

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