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DIVORCE

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abstraction de tous les principes chrétiens. En vertu du principe que la liberté est un droit naturel inaliénable, on décida que le mariage était un contrat ordinaire, dissoluble donc par le seul consentement des deux époux, puis, même par la volonté d’un seul plaidant l’incompatibilité d’humeur. Loi du 20 septembre 17(1-2. Les conséquences furent telles qu’on dut, le 15 thermidor an III, suspendre l’exécution de loi du 4 lloréal an II. Ce droit au divorce, qui n’avait été réclamé par aucun des cahiers de 1789, n’était pas populaire ; les rédacteurs du Code civil, sans toutefois le supprimer, purent le restreindre notablement. Ils ne retinrent comme causes que l’adultère, les excès, injures, sévices graves, la condamnation à une peine infamante, et le consentement mutuel subordonné à une foule de prescriptions sévères, art. 229-233. La loi du 8 mai 1816 le supprima, et les tentatives faites en 1830 et 1848 pour le rétablir n’aboutirent pas. En 1871, pendant la Commune, une proposition fut présentée dans le même sens.

Le 16 juin 1876, M. Naquet présentait à la Chambre des députés un projet de loi qui eut malheureusement plus de succès. Après de longues discussions, le projet notablement amendé et adouci aboutit à la loi du 27 juillet 1884 ; une nouvelle loi du 18 avril 1886 ne lui lit subir que des retouches concernant la procédure. Elle n’admet le divorce que pour « cause déterminée », les causes admises par le Code civil de 1804, moins celle du consentement mutuel. Récemment, de nouvelles facilités ont été accordées, qui en rendent la pratique plus dangereuse et plus déplorable. Nous n’avons pas à entrer dans le détail de ces dispositions ; ce que nous venons d’exposer suffit au but qui nous est fixé.

Par suite de cette loi se posèrent un peu partout des cas de conscience douloureux. Il demeurait bien certain que le divorce ne pouvait être accepté par l’Église, que la loi était inopérante pour la conscience ; qu’un chrétien ne pouvait y recourir pour briser le lien conjugal, c’est-à-dire pour se libérer absolument de son conjoint et contracter un nouveau mariage. Mais pouvait-on recourir au divorce considéré uniquement comme une rupture du lien civil, des sanctions civiles que le mariage contracté devant l’autorité civile annexe au lien matrimonial ? Et si l’Église interdit d’y recourir, est-ce parce que le divorce est intrinsèquement mauvais ? est-ce parce que, sans être intrinsèquement mauvais, il entraîne de telles conséquences qu’on ne le peut tolérer que dans des circonstances exceptionnelles, circonstances qu’on ne peut viser dans une loi générale ou une jurisprudence courante ? Il s’agit, bien entendu, ici, de la dissolution civile d’un mariage chrétien, valide, et qui ne peut bénéficier d’une dispense pontificale dans les conditions indiquées plus haut.

Les théologiens ne sont pas complètement d’accord sur ce point. Ils sont unanimes à considérer le divorce civil, considéré en simple rupture du lien civil, comme un mal ; ils sont unanimes à dire qu’il le faut éviter, mais ils se divisent sur la question de fond : les uns affirmant qu’il est intrinsèquement mauvais, les autres admettant qu’il se peut rencontrer des cas assez graves pour qu’on ait le droit de le demander. Aucune déclaration autorisée n’ayant tranché le différend, il ne reste qu’à demander à l’Eglise ce qu’elle tolère en pratique pour diverses personnes qui peuvent être intéressées dans une action en divorce : les époux, les juges, les avocats et avoues.

Les époux.

Il est certain qu’ils ne peuvent demander le divorce en vue d’un intérêt pécuniaire. Le cas fut posé à la Pénitencerie : une femme séparée de corps d’avec son mari demandait la jouissance d’un bureau de tabac, mais ne pouvait l’obtenir si elle n’obtenait préalablement le divorce. D’ailleurs, dans son

intention le divorce n’eut été que la rupture du lien civil. La Pénitenceric interrogée répondit le 5 janvier 1887 : Mulicri pxnitenti in casu nihil aliud esse consulendum, nisi ut a petendo divorlio sub gravi se abstineat.

Le peuvent-ils pour un intérêt d’ordre supérieur ? Par exemple, une femme, épouse d’un mari indigne, pourrait-elle demander le divorce afin de se faire adjuger à elle seule la garde et l’éducation des enfants qui serait gravement compromise entre les mains du père ? Il n’y a pas, sur ce point, de décision officielle : celle que l’on cite, du 3 juin 1891, n’est pas ad rem et considère une hypothèse un peu différente.

Le peuvent-ils pour sauvegarder l’honneur d’une famille, désavouer la paternité d’enfants adultérins, préserver les intérêts d’enfants légitimes compromis par exemple par les débordements odieux d’une mère ? Sur ce point les deux thèses en présence se prévalent chacune d’une réponse. Dans les deux cas posés à la Pénitencerie les apparences étaient, semble-t-il, les mêmes. Pourtant la réponse fut différente. Le 7 janvier 1892, la Pénitencerie répondait : Non licere ; le 30 juin de la même année, elle disait : Urator consulat probatos auctores. Voici d’ailleurs la question à laquelle s’adressait la réponse : Eduardus ob adullerium mulieris nolorium et scandalosum, ex quo eliam proies spuria exorla est, a judice ecclesiastico obtinuit sententiani pro separatione thori. — Ut vero talis sententia judicis ecclesiastici effectus civiles sorliri queat, prxsertim quoad repudialionem paternitatis circa filios adulterinos, horumque exclu sionem a parle et bonis prolis légitima ; , lex civilis non aliud suppedilat médium ef/icaxquam divortium civile. — Unde Eduardus familisesuai decori et bono providere volens, ad aclionem proconsequendo divortio civili recurrere cogitât. Nullo modo tamen vinculum sacramentale infrangere aul novarum nuptiarum libertatemproseaut pro indigna muliere prætenderc putat, paratus cœteroquin talem inlentionem autkenlice coram parocho vel episcopo confirmare et declarare. Le reste de l’exposé n’est qu’une répétition plus détaillée de cette déclaration. A cette consultation la Pénitencerie n’a pas répondu : Non licere, mais : Urator consulat probatos auctores.

Enfin, un époux contre lequel est intentée une action en divorce, peut-il agir reconventionnellement contre le demandeur, par exemple afin d’obtenir la garde des enfants qu’il n’obtiendrait pas en restant simplement défendeur ? Sur ce point encore, aucune décision officielle publiée jusqu’ici.

Le juge.

Laissons de côté, comme n’appartenant pas spécialement à notre sujet, le fait qu’en instruisant une action en divorce, le juge s’immisce dans une matière ecclésiastique. Abstraction faite de ce point, le juge peut-il prononcer un divorce civil ? Nous avons ici plusieurs réponses officielles. Le 25 juin 1885, à une question conçue en ces termes : Utrum fas esset judicibus laicis in causis de separatione conjugum $ive circa vinculum, sive circa habitalionem tantum, jus dicere ? (ces mots jus dicere visent la loi de 1884 d’après laquelle le juge ne prononçait pas le divorce, mais se bornait à déclarer : Il y a lieu de prononcer le divorce ; la loi du "18 avril 1886 a modifié ce point : c’est le juge maintenant qui prononce le divorce), à cette question, le Saint-Office répondait que, vu les circonstances, tolerari posse… dummodo calliolicam doctrinam de malrimonio deque causis matrimonialibus ad solos judices ecclesiasticos perlinentibus palam pro/itea>ttur, et dummodo ila animo comparait sinl… ut uunquam proférant sententiam… divino aut ecclesiastico jurs repugnantem, et in casibus dubiis vel dif/icilioribus suum quisque ordinarium adeal, ejusque judicio se dirigat… Ce n’était donc pas un refus absolu. Celle réponse suscita de nouvelles questions auxquelles il fut