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DIVORCE


chrétiens, la question n’est pas aussi claire. Sanchez, De sancto matrim. sacram., 1. VII, disp. III, n. 9, se demande devant quel juge les infidèles qui demandent le divorce doivent comparaître, et il répond que c’est devant le juge séculier qui est pour eux seul compétent. Faut-il en déduire qu’il reconnaît à ce juge le droit de porter une sentence de divorce ? Peut-être, quoiqu’il ne le dise pas ; ne fausserait-on pas sa pensée en l’admettant. Plus près de nous, Carrière, De matrimonio, part. II, sect. iii, c. i, a. 1, n.’227, après avoir refusé nettement aux parties le droit de divorcer de par leur seule volonté, n’ose pas refuser aussi nettement au pouvoir civil le droit de porter une sentence de divorce : il y a là, dit-il, plus de difficulté’à se prononcer, parce que l’on peut concevoir que l’intervention et la limitation des cas par l’autorité civile supprime ou diminue quelques-uns des inconvénients du divorce. Major adest difficultas, quia concipitur per pitblicam auctoritatem ita posse restringl et ordinari divortii facultalem, ut tolLantur aut minuantur quædam ex allatis incommodis : unde non ita aperte auderemus pronunlïare. De cette concession, Rosset, op. cit., n. 55(5, le gourmande sévèrement ; il lui objecte la proposition 67 du St/llabus, qui, toutefois, n’est peut-être pas très pertinente ad rem, car, d’une part, admettre que l’autorité civile puisse en certains cas permettre le divorce ne prouve pas qu’elle nie l’indissolubilité du mariage, pas plus que l’Église, en admettant le divorce d’un mariage non consommé entre chrétiens dans les deux cas que nous avons mentionnés, ne nie l’indissolubilité générale de ce mariage, et, d’autre part, l’allocution Acerbissimum du 27 septembre 1852, à laquelle on renvoie aussi comme à l’un des documents auxquels est empruntée cette proposition 67, paraît bien parler surtout du mariage chrétien. Il paraît donc malaisé d’englober cette théorie de Carrière parmi celles qui ont été condamnées dans la proposition 67 du Syllabus. Il n’en est pas moins vrai que l’opinion courante refuse ce droit à l’autorité civile. Cavagnis n’en parle pas quand il examine la question de savoir si l’autorité civile peut établir des empêchements dirimants de mariage pour les infidèles, question à laquelle il donne une réponse affirmative, Institut, juris publ. eccles., part. II, 1. II, c. [I, § i ; mais Gasparri dit très nettement que l’autorité civile ne peut le permettre même pour les infidèles : Principem civilem, eliam in casibus in quibits divortium proprie dictum non csset contra naturse legem, non posse illud sandre nec pro subditis infidelibus. Tract, canon, de matrim., 190’f, n.1320. Cf. Lehmkuhl, Theol. mor., Paris, 1902, n. 701. 2° Le privilegium paulinum.

On a vu que l’Église autorise légitimement, en deux cas déterminés, le divorce du mariage chrétien non consommé. Puisque le mariage des non baptisés n’a qu’une indissolubilité inférieure à celle du mariage chrétien, il s’ensuivra logiquement que l’Église pourra dans une mesure plus large en autoriser et sanctionner la dissolution..Mais là encore une longue discipline a déterminé dans quel sens ou pour quel motif cette dissolution pourra être permise. C’est uniquement in fidei favorem, pour la conservation et l’extension de ce bien supérieur qu’est la pratique de la vraie religion. Le premier énoncé de ce droit et de cette discipline se lit dans la première Épître de saint Paul aux Corinthiens. « Si un frère, écrit l’apôtre, a une femme non chrétienne et qu’elle consente à habiter avec lui, qu’il ne la renvoie pas. Et si une femme chrétienne a un mari non chrétien et qui consent à habiter avec elle, qu’elle ne le renvoie pas ; car le mari non chrétien est sanctifié dans la femme, et la femme non chrétienne est sanctifiée dans notre frère… Mais si le conjoint non chrétien se sépare, qu’il se sépare : le frère ni la sœur ne sont enchaînés dans ces cas. C’est dans la paix que Dieu nous a appelés. »

DICT. DE THÉOL. CATHOL.

I Cor., iiv 12-15. Le texte est assez clair par lui-même. Si donc après la conversion de l’un des époux l’autre refuse de cohabiter avec lui et se sépare, l’époux converti n’est pas tenu de le suivre ni de le rechercher. A ce cas on a joint celui où l’époux demeuré infidèle veut bien cohabiter avec le conjoint converti, mais veut lui imposer en cette cohabitation des actes contraires à la religion chrétienne ou aux devoirs essentiels du mariage ; et avec raison, car cette cohabitation matérielle est pire que la répudiation. La discipline qui s’ensuivit et qui est attestée dès les origines, cf. le commentaire de l’Anibrosiaster, In I Cor., vu ; l’homélie xix de saint Jean Chrysoslome, In 1 Cor., iiv mentionnée par les pénitentiels, cf. Pœnitent. Theod., ii 12, S 17, 18 ; pseudo-Fgbert, etc., reconnue parGratien et ses successeurs, fut enfin canonisée par Innocent III, c. Quanto, De divortiis, où il énonça définitivement jusqu’où s’étendait le privilège exprimé patsaint Paul. Depuis lors les détails pratiques ont été précisés, soit en ce qui concerne l’interpellation à adresser à l’autre conjoint, soit en ce qui concerne la dispense de cette interpellation : ce sont là questions dans lesquelles il n’y a pas lieu d’entrer pour notre sujet. On voulait simplement marquer dans quelle mesure l’Église, interprète du droit divin et du droit naturel, admet le divorce du mariage des non baptisés.

Cette décrétale d’Innocent III affirmait et restreignait à la fois une pratique un moment plus étendue. La question s’était en effet posée, si le privilège de l’apôtre ne visait que le mariage contracté dans l’infidélité de deux époux dont l’un s’était plus tard converti, ou s’il n’était pas applicable également au cas où de deux époux chrétiens, mariés dans l’Église, l’un d’eux apostasiait ou tombait dans l’hérésie ; si l’époux perverli refusait de cohabiter, ou s’efforçait d’entraîner l’autre dans ses erreurs, celui-ci ne pouvait-il être délié du lien matrimonial et, s’il le désirait, contracter un autre mariage ? Deuxdécrétales, l’une d’Urbain III (1185-1187) can. 6, De divort., et l’autre de Célestin III, can. 1, De convers. infidel. (le texte se trouve dans les partes decisx, Friedberg. In loc.) l’avaient admis, celui-ci dans le cas d’apostasie, celui-là dans le cas d’hérésie, à condition que le divorce eût été prononcé, cum assensu archidiaconi, ou bien judicio Ecclesiæ. Mais, dans son édition des Décrétâtes, saint Raymond de Pennafort laissa tomber le passage de Célestin III, et, à l’occasion de celui d’Urbain III, la Glose remarquait : sed hoc, quod in fine dicitur, corrigitur per cap. sequens, c’est-à-dire le c. Quanto.

Enfin on ne s’étonnera pas que le mariage contracté entre deux infidèles puisse, après la conversion de l’un d’eux, être dissous par la profession religieuse solennelle du converti.

VIII. Le divorce civil spécialement en France. — Le divorce, qui avait disparu de la législation chrétienne sous les efforts incessants de l’Église, —y reparut à l’éclosion du protestantisme. Toutes les écoles protestantes en admettaient la légitimité dans certaines limites. Les motifs pouvaient être, en premier lieu l’adultère du conjoint, les sévices et mauvais traitements, une absence longue et affectée, l’incompatibilité d’humeur. Le concile de Trente condamna leur doctrine spécialement dans les c. v et iiv De sacram. matrim., sess. XXIV. Non pas que l’on remit au gré de chacun l’appréciation des motifs et la liberté absolue ; mais la brèche était ouverte, on ne tardera pas à l’élargir.

D’autres théories empruntées plutôt à des arguments philosophiques firent introduire le divorce dans la législation française à l’époque de la Révolution. C’était au moment où, entraînée par sa lutte contre la religion catholique, l’Assemblée législative prétendait asseoir un ordre nouveau sur de nouvelles bases, en faisant

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