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DIVORCE

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VII. Le DIVORCE EN droit NATUREL.

1° Le divorce des non-baptisés. — Ce que l’on a dit jusqu’ici s’applique spécialement au mariage chrétien, c’est-à-dire au mariage-sacrement contracté par des chrétiens, et qui réalise en quelque manière le modèle qu’il a dans l’union du Christ et de l’Église. Ce mariage, consommé, est complètement indissoluble : aucune raison, aucun motif ne permet jamais de briser le lien matrimonial au point de laisser possible un nouveau mariage de l’un des conjoints du vivant de l’autre. Mais qu’en est-il du mariage qui ne parfait pas cet admirable et fé’cond symbole d’union ? qui n’est pas sanctilié par la grâce sacramentelle que représente l’union du Christ et de l’Église ? Est-il indissoluble ? — Qu’il ne soit pas indissoluble au même degré- que le mariage consommé des chréliens, c’est pour ainsi dire une vérité évidente. Si, comme on l’a vii, le mariage non consommé des chrétiens, bien qu’il réalise en quelque manière, d’une manière spirituelle, le symbole du Christ et de l’Église, n’a qu’une indissolubilité de second ordre, à plus forte raison le devrons-nous dire du mariage des non-chrétiens, fût-il consommé, parce que, n’ayant pas reçu le baptême, ilssontincapablesde représenter cette union, sinon grossièrement et d’une manière matérielle. Il n’y a donc dans le mariage des infidèles qu’une indissolubilité d’ordre inférieur, en soi, à l’indissolubilité secondaire du mariage chrétien non consommé. Cette fermeté d’ordre inférieur est-ce encorede l’indissolubilité ? Oui, certainement. Le mariage des infidèles est de même ordre que le mariage contracté par les patriarches et par les Juifs de l’ancienne loi. C’est celui que Dieu établit à l’origine du monde. Or de ce mariage Jésus-Christ a dit : « N’avez-vous pas lu que celui qui créa l’homme au commencement créa un homme et une femme et qu’il dit : Pour cela l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme, et ils seront les deux en une seule chair ? Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Ce que Dieu a uni que l’homme ne le sépare donc pas. » Mat th., xix, 4-6. C’est de ce mariage que Jésus proclamait l’indissolubilité originelle et encore obligatoire devant les Juifs et les Pharisiens ; c’est ce mariage qu’il voulait ramènera son indissolubilité primitive. Moïse, leur affirme-t-il, Moïse ne vous a pas prescrit, imposé le divorce ; il vous l’a simplement permis. Mais à l’origine il n’en était pas ainsi. C’est la même doctrine que rappelle l’exposé doctrinal sur le mariage qui ouvre la session XXIV du concile de Trente, la Doctrina de sacramento matrimonii : Matrimonii perpetuum indissolubilemque ne.mm primus humani generis parens divini Spiritus instinctupronunliavit, cum dixit : Hoc nunc os, etc. L’indissolubilité est à la base de tout mariage. Jésus-Christ, en faisant du mariage un sacrement, n’a pas créé cette indissolubilité, il l’a confirmée : graliam vero, quæ… indissolubilitalem, unitatem confirmaret. C’est la doctrine unanime des théologiens catholiques, et en particulier de saint Thomas : l’indissolubilité appartient à tout mariage. Mais puisque ce caractère ne lui vient pas du symbole sacramentel, pourquoi Dieu a-t-il voulu que le mariage fut de soi indissoluble ? Est-ce uniquement parce qu’il plaisait à sa volonté qu’il en fût ainsi ? Au milieu d’une foule d’autres raisons saint Thomas relève celle-ci : c’est que les parents sont tenus de faire l’éducation de leurs enfants et de les préparer à remplir leur fonction en cette vie. In IV Sent., l. IV, dist. XXXIII, q. il, a. 2, q. I. C’est l’enseignement de lîenoit XIV, qui affirme que le mariage, au simple point de vue naturel, doit de toute convenance, soit pour l’éducation des enfants, soit pour conserver les autres biens, être perpétuel et indissoluble. Matrimonii fondus a Deo institulum, quod et quatenus naturaa officium est, pro educandæ prolis studio, aliisque matrimonii bonis servandis, perpetuum et indissolubile esse con venu. Const. Dei miseratione, §1. C’est l’enseignement de Pie VI : le mariage, qui avant Jésus-Christ était indissoluble, est devenu, après Jésus-Christ, l’un des sept sacrements. Dogma (idei est, ut malrimoniurn, quod ante adventum C/irisli nihil aliud erat nisi indissolubilis quidam contractus, illud post Christi adventum evaserit unum ex septem legis evangeliese sacranienlis. Epist. ad episc. Motulen., 16 septembre 1788. C’est celui de Pie IX qui insérait dans le Syllabus des propositions condamnées la proposition suivante : « De droit naturel le mariage n’est pas indissoluble, » n. 67. C’est celui que rappelait Léon XIII à toutes les pages de l’encyclique Arcanum. Et selon Benoit XIV, Quxst. canon., q. dxlvi, §33, l’indissolubilité appartient de droit naturel non seulement au mariage consommé, mais au mariage non consommé des non-baptisés. C’est l’enseignement de la raison et de l’expérience. L’indissolubilité seule protège dans le mariage les droits de la femme aussi bien que ceux du mari ; seule, elle nourrit l’amour mutuel des époux dont le bonheur, si nécessaire pour leur donner la force de remplir leur devoir quotidien, serait brisé par la perspective d’une séparation ; seule, elle resserre leur union en leur faisant consentirpour le bien de la paix les sacrifices sans lesquels il n’y a pas de grande œuvre ni de joie profonde ; seule, elle pourvoit au bonheur et à l’éducation des enfants en maintenant auprès d’eux des cœurs qui les aiment et une expérience affectueuse qui les éclaire ; seule, elle assure le bien de la société, en obligeant les passions basses à se contenir, en protégeant la pudeur dans les relations humaines, en formant comme un faisceau d’alliés et de parents qui s’entraident et se soutiennent les uns les autres, tandis que le divorce ferait des alliés de la veille d’implacables ennemis. Permettre la rupture du lien matrimonial, c’est, dit Léon XIII, donner l’inconstance comme règle dans les affections qui devraient durer toute la vie, changer le support mutuel en aigreur mutuelle, encourager les violations de la foi conjugale, rendre presque impossible l’éducation des enfants ; c’est la discorde semée à pleine main, la dignité et l’honneur de la femme foulés aux pieds, sa pudeur outragée, la moralité générale abaissée, tout frein enlevé aux passions honteuses, les nations affaiblies et bientôt épuisées, anéanties : tels sont les fruits naturels inséparables du divorce. Encyclique Arcanum, passim. Ces graves et sévères jugements reposent sur de longues et douloureuses expériences, non seulement celles de l’antiquité, mais celles plus récentes de la Révolution française et d’autres encore. Que ce soit en Allemagne, en Erance, en Amérique, partout les effets sont uniformes : la pratique étendue du divorce tuera les nations modernes comme elle a tué les civilisations antiques. Ces conséquences inéluctables ne prouveraient-elles pas à elles seules que le divorce est contraire au droit naturel ?

Les théologiens se sont demandé s’il est contraire au droit naturel primaire ou au droit naturel secondaire. Mj Rosset, dans son grand ouvrage, De sacrant, matrimon. , n. 5." » 4sq., établit clairement en deux propositions : Indissolubilitas matrimonii non est absolute de jure naturali primario ; Indissolubilitas matrimonii est de jure secundario naturse. On comprend donc que l’Église puisse admettre, en certains cas, le divorce du mariage des non baptisés comme elle admet, dans la mesure très restreinte que l’on sait, le divorce du mariage non consommé des chrétiens.

L’autorité civile, le Prince, comme on disait autrefois, a-t-elle le droit d’admettre pour les non baptisés la faculté de divorcer ? qu’elle ne l’ait pas quand il s’agit du mariage chrétien consommé ou non consommé, c’est un point absolument hors de doute : ce mariage est un sacrement dont la discipline est entièrement réservée à l’Église. Quand il s’agit du mariage des non-