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DIVORCE


au rétablissement de la vraie discipline. Désormais l’interdiction du divorce ne subit plus aucune défaillance, et les sévères leçons données par Alexandre II à l’empereur Henri IV, par Urbain II et Pascal II à Philippe-Auguste montrèrent que l’Église savait faire plier aux saintes lois du mariage les plus hauts potentats.

VI. Le divorce bans le cas de matrimonium ratum NON CONSUMMATUM. — Si l’on veut comprendre exactement la pratique actuelle de l’Église vis-à-vis de certaines formes du divorce en la comparant avec ses déclarations incessamment répétées en faveur de l’indissolubilité, il est nécessaire de connaître les théories qui en forment la base.

Une question que l’on pose toujours en étudiant le mariage est celle-ci : Quand le mariage est-il vraiment constitué ? Et l’on répond : il est constitué quand les deux sponsi ont échangé leur mutuel consentement de prœsenti. Le prêtre, témoin officiel requis par l’Église, pose successivement à chacun d’eux la question rituelle : Voulez-vous prendre un tel, ou une telle, pour votre légitime époux, ou épouse’.' etc. Chacun répond en donnant son assentiment. Le mariage est constitué. Si le prêtre ne peut être présent, le mariage est constitué par l’échange du consentement des deux parties fait devant les témoins. Autrefois, la réponse n’était pas aussi nette. La cause de l’hésitation ou de l’imprécision provenait des circonstances dans lesquelles le mariage était contracté. En droit romain, à l’époque où le christianisme faisait ses premières conquêtes, le mariage était un contrat familial qui n’était soumis ni préalablement ni dans l’acte même à aucune publicité’légale. L’Église, sans doute, conseillait très instamment dès l’origine à ses fidèles de ne pas se marier sans demander, pour inaugurer leur union, la bénédiction sacerdotale, voir Bans, t. il, col. 161 sq. ; mais comme elle n’en faisait pas une obligation stricte et juridique, que le consentement des époux n’était pas émis en sa présence, qu’elle n’était pas témoin nécessaire de ce consentement, il advint souvent que ces unions étaient consacrées sans qu’elle fut appelée à les bénir, sans qu’elle fût officiellement informée. D’autre part, ce qu’on pourrait nommer les alentours du mariage, les cérémonies qui en précédaient et accompagnaient la célébration se composaient d’éléments multiples : pourparlers avec le père de la jeune fille, remise de l’anneau, constitution de dot, deductio in domum accompagnée de solennités, etc. Quand parmi tous ces éléments était émis un consentement actuel, tout était clair. Mais on décomposait ces éléments, on en supprimait une partie plus ou moins notable. Le droit romain disait bien : nnptias consensus, non concubitus, facit ; mais ce consentement était présumé de la fille quand le père avait donné le sien, on ne le lui demandait pas toujours. Elle était présumée consentir quand elle n’avait pas refusé et qu’elle se soumettait à la deduclio in domuni. Or les cérémonies étaient parfois réduites à la seule cohabitation. Un homme prenait une femme libre, l’entraînait chez lui, vivait avec elle, sans faire précéder son acte d’aucune des cérémonies rituelles ; quoi donc distinguait cette cohabitation d’un simple concubinat ? Si après une cohabitation plus ou moins longue il se séparait de cette femme, comment prouver qu’il l’avait réellement épousée et qu’il était lié à elle indissolublement ? Sans doute, ils avaient dû échanger leur consentement. Peut-être s’étaient-ils auparavant promis, par devant témoins, de s’épouser ; mais cette promesse d’un fait futur les liait-elle au point de prouver que leur cohabitation postérieure était un mariage ? Qu’elle fût un indice précieux, sans doute, mais une preuve, pas complètement. Fallait-il donc restreindre toute cette question à la preuve, souvent impossible, qu’un consentement matrimonial avait été échangé entre eux, et rendre la liberté à tout conjoint qui pré tendait après coup n’avoir voulu faire qu’un concubinage ? traiter comme des enfants illégitimes ceux qui seraient nés de cette union ? Qu’en serait-il advenu dans ce cas de la moralité publique ? et quelles facilités données aux basses passions ! Ne pouvant faire parfois la preuve du consensus, on attacha d’autant plus d’importance à l’autre élément, le concubilus. D’autre part, le consensus n’empêchait pas que l’un des deux conjoints ne fût parfois inapte aux devoirs fondamentaux du mariage et la discipline reconnaissait que, dans ce cas, on pouvait considérer ce mariage comme n’existant pas. On ne creusait pas plus profondément cette théorie, mais on en déduisait que le consensus n’était pas, sans le concubitus, une preuve assez certaine du mariage. Avec le consensus seul le mariage, disait-on, pouvait exister : avec le concubitus en plus on ne pouvait douter de son existence. Le fait de la cohabitation conjugale complétait la preuve restée jusque-là indécise. De là, à faire de la consommation le requisitum essentiel du mariage, il n’y avait qu’un pas ; il fut bientôt franchi. Le mot latin nubere signifia à la fois contracter mariage et accomplir l’acte conjugal. — D’autre part, l’union conjugale n’était dite indissoluble dans l’Écriture que lorsque les époux étaient devenus una caro ; c’était après avoir appliqué à l’homme et à la femme Verunt duo in carne una de l’Écriture, que saint Paul, dans l’Épitre aux Éphésiens, résumait le parallèle entre l’union du Christ et de l’Église et celle des deux époux par cette affirmation solennelle : « Je le dis, ce mystère est grand dans le Christ et dans l’Église, « que la Vulgate a traduite : Sacramentum hoc magnum est, ego autem dico, in Chris to et in Ecclesia. C’était par l’union charnelle, disait-on, que les époux accomplissaient le symbole de l’union du Christ et de l’Église. Et Hincmar était l’écho d’une tradition déjà longue quand il écrivait : Sciât, ut traditione majorum docuitnus…, non esse conjugium, quibus defuil conjunctio sexuum. De nuptiis Stephani et /ilix Regim. com., P. L., t. cxxv, col. 652.

hans cet état de choses, une discipline fermement établie ne tenait pour complètement indissoluble que le mariage consommé. Même après que le conllit de théories dont les principaux antagonistes furent, d’une part, Gratien et l’école de Bologne, et, de l’autre, Pierre Lombard et l’école de Paris, se fut apaisé, après avoir fait la distinction très nette entre sponsalia de futuro et sponsalia de præsenti, les docteurs eussent convenu que l’union contractée par les sponsalia de præsenti était un vrai mariage, il resta de l’ancienne théorie un souvenir disciplinaire. Seul, le mariage non consommé était tout à fait indissoluble ; au mariage non consommé, celui que les uns nommaient initiatum ou simplement ratum, on ne reconnaissait qu’une indissolubilité de second ordre. Toutefois, puisque même non consommé le mariage était un sacrement, était indissoluble, on ne pouvait abandonner au gré des époux la constatation ou l’affirmation qu’il n’était pas consommé, on ne pouvait leur permettre de se séparer comme si aucun lien n’existait entre eux. L’Église que l’on avait déjà fait intervenir pour examiner et décider dans des cas analogues, concile d’Agde, can. 25 ; Capitula Theodori, can. 70, 149 ; Pœnitentiale pseudo-Theodori, c. iv, S 23, etc., interviendrait encore pour examiner et décider de la séparation et admettre le divorce. De là vient la procédure du divorce connu sous le nom de dispense de matrimonio rato non consummalo, dispense que seul le pape peut accorder. On voit dans quel sens cette dispense est la reconnaissance du divorce. De là vient aussi le droit reconnu aux époux d’entrer en religion et de faire les vœux solennels, vœux qui dirimeront le mariage, tant qu’il n’a pas été consommé, et qui permettront à l’autre époux de contracter un nouveau mariage, c. 2, De convers. conjug.Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu.