Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 4.2.djvu/100

Cette page n’a pas encore été corrigée
1467
1468
DIVORCE


saisie par la maladie ne peut rendre le devoir à son mari, que doit faire son conjoint ? — Le meilleur serait qu’il demeurât ainsi et gardât la continence ; mais comme c’est là chose qui demande une haute vertu, que celui qui ne pourra garder la continence se marie plutùt ; cependant qu’il ne prive pas de ses secours celle que la maladie seule empêche, et qui n’est pas exclue de ses droits par une faute détestable. » — Quelle est cette infirmité au sujet de laquelle saint Roniface a consulté le pape ? Kst-ce Yimpotentia antecedens, ou Vimpotentia superveniens, l’impuissance antérieure, ou l’impuissance postérieure au mariage ? La consultation ni la réponse ne distinguent, nous n’avons donc pas ici d’éléments qui nous permettent de dire à laquelle de ces deux s’applique exclusivement la réponse. Appliqué à l’impuissance antérieure au mariage, le texte ne crée aucune difficulté et n’aurait pas été allégué comme une objection. Avouons qu’on l’a plutùt compris comme résolvant un cas d’impuissance postérieure au mariage. C’est le sentiment de Gratien dans son diclum : lllud Gregorii sacris canonibus, immo evangelicsc et apostolicas doclrinae penitus invenitur adversum. La Glose s’escrime à lui donner un sens acceptable, en parlant soit d’impuissance antérieure, soit de restitution de dot, pour en arriver enfin à cette solution : Vel inleUige de juvene, qui continere non potest, cui permiltitur contrahere cum una permissiva comparalïone ne adplures accédât, en ajoutant qu’une décision semblable est donnée par le c. Si quod, 9, caus. XXX1I1, q. il, où saint Augustin parlant d’un mari, qui ne pouvant, suivant la loi chrétienne, épouser une autre femme du vivant de sa femme adultère, est tout disposé à se libérer par un meurtre, dit : Si enini facturus est quod non licet, jam faciat adulterium, et non faciat homicidium. C’est que la Glose s’exprimait à une époque où la doctrine tranchait clairement entre l’impuissance antécédente et l’impuissance subséquente. Inutile de remarquer que cette permission n’était qu’une explication désespérée. Peut-être la vraie solution sera-t-elle de reconnaître dans la réponse de Grégoire II non pas une dispense, mais une simple tolérance, analogue à tant d’autres nécessaires à cette époque, tolérance d’autant plus explicable que si l’on savait que l’impuissance est une cause de nullité de mariage, la théorie canonique n’avait pas encore poussé jusqu’à son terme la distinction entre impuissance antécédente et subséquente. Enfin, n’oublions pas, en rappelant ce texte, le commentaire indirect que lui donna saint Boniface dans le statut qu’on a cité plus haut, et qui montre bien que, vingt ans après la réponse de Grégoire, l’indissolubilité du mariage consommé ne faisait pour lui aucun doute ; n’oublions pas la réponse d’Ftienne III que l’on a citée aussi et qui rend le même son.

Nous avons parlé plus haut des pénitentiels comme attestant que la discipline du mariage avait subi dans les États francs des atteintes regrettables. Il ne faudrait pas en conclure que tous les pénitentiels se sont rendus complices de ce relâchement. Freisen, Geschichte des canonischen Eherechts, p.785sq., a fait à ce point de vue une distinction entre pénitentiels romains et pénitentiels francs et anglais. On verra plus loin que cette distinction, qui repose sur les théories de M’J r Schmitz, a un fondement ruineux. Il n’est pas moins vrai que plusieurs textes de pénitentiels affirment très fermement l’indissolubilité du mariage et l’interdiction du divorce en toutes hypothèses. Qu’il suffise de citer du pénitentiel de Vinniaus les §§ 41, 42, 45, voir les textes dans Freisen, lue. cit. ; on en pourrait apporter beaucoup d’autres. Mais, à côté de ceux-là, nombreux sont les textes de pénitentiels qui reconnaissent pratiquement le divorce, en soumettant parfois à la pénitence l’époux qui aurait contracté du

vivant de son conjoint un autre mariage. Et, ce qui est intéressant dans l’espèce, c’est que les décisions sont souvent très diverses suivant les pénitentiels. Ainsi le Psenitentiale Theodori, H, 12, §19 : Si mulier discesserit a viro suo dispiciens eum nolens revertere et reconciliari viro, post V annos cum consensu episcopi aliam accipere licebit uxorem. Or ce même pénitentiel, en un autre endroit, donne la solution suivante : Si ab aliquo sua discesserit, I annum psenileat ipsa, si impolluta reverlatur ad eum, ceterum III annos, ipse union si aliam duxerit, I, 14, § 13. Le même, ii, 12, § 8, Maritus, si se ipsum in furto aut fornicatione servum facil vel quoeumque peccalo, mulier, si prius non habuil conjugium, habet potestatem post annum allerum accipere virum, digamo autem non licet. De même au § 23 : Si eu jus uxorem Itostis abstulerit et ipse eam iterum adipisci non potest, licet aliam tollere : melius est quam fornicari. VA on pourrait ciler d’autres textes dans les Capitula Theodori, les Canones Gregorii, le Psenitentiale Cummeani, le Confessionale Pseudo-Egberti. Mais ces textes n’impliquent pas la responsabilité officielle de l’Eglise. Il faut nous souvenir d’une part des protestations élevées contre les pénitentiels, par divers conciles comme celui de Chalon (813) précisément à propos des solutions de ce genre : repudiatis ac penitus eliminatis libellis, quos picnitentiales vacant, quorum sunt certi errores, … de quibus recte dici potest : « mortificabanl animas quai non moriebantur, et vivificabant animas quæ non vivebanl ; » qui… consuunt pulvillos secundum prophelicum sermonem sub omni cubito manus et faciunt cervicalia sub capile universse selatis ad capiendas animas, c. xxxviii ; ou comme celui de Paris (829) qui ordonnait aux évêques de rechercher ces livres et inventos igni tradat ; d’autre part, quoi qu’en ait affirmé M9 r Schmitz, Die Bussbïtcker und die Bussdisciplin der Kirche, M. Paul Fournier a prouvé qu’il fallait reléguer au rang des mythes « le pénitentiel romain qui aurait conservé, au viiie siècle, la tradition de la discipline canonique primitive, telle que l’appliquait l’Église universelle. » A ceux qui voulaient encore couvrir leurs débordements de la permission que leur donnaient les lois séculières ou de la tolérance que leur accordait la coutui ne, Hincmar répondait par ces paroles sévères : « Qu’ils se défendent tant qu’ils voudront, … s’ils sont chrétiens, qu’ils sachent bien qu’au jour du jugement ce n’est pas d’après la loi romaine, la loi salique ou la loi gombette qu’ils seront jugés, mais d’après les lois divines ou apostoliques : Defendant sequantumvolunt, quiejusmadi sunt… Tamen sichristianisunt, sciant sein die judicii nec Romanis nec salicis nec Gundobadis, sed divinis et apostolicis legibus judicandos. « P. L., t. cxxv, col. 658. De fait, on réussit peu à peu à supprimer en pratique le divorce. « En principe, à la fin de l’époque carolingienne, dit M. Fahrner, Geschichte der Elicsclieidung im kanonisclten Hecht, t. i, p. 92, la victoire était assurée dans l’empire franc à la doctrine orthodoxe de l’Église romaine sur le divorce, bien que l’on n’eût pas encore surmonté en pratique tous les courants contraires. » Cette victoire fut le fruit de luttes nombreuses et violentes contre les personnages les plus considérables, contre les princes, les rois et les empereurs dont quelques-uns étaient des bienfaiteurs de l’Eglise : contre Pépin le Bref qui répudiait Bertrade pour épouser Angla, contre Charlemagne qui renvoyait Ilmitrude pour épouser la fille de Didier, roi des Lombards, contre Lothaire qui renvoyait Teutberge sous divers prétextes et se servait à cette fin d’imputations calomnieuses contre elle pour épouser Waldrade. Cette démonstration pratique de l’indissolubilité du mariage était pour les peuples d’un plus frappant exemple que les déclarations de principe et contribua notablement