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CLEMENT D’ALEXANDRIE 139

signale des concordances entre les listes de philosophes du Protre pticus, d’une part, et du De natura deurum, 1. 1. c. x-xit, d’autre part ; Maas, De biographis præcis questiones selecta, dans l’hilolog. Untersuchungen de Kiessling et WillamowitzMullendorf, fosc. S. Berlin, 1880 ; C. Merk, Clemens Alex. in seiner Abhängigkeit von der griechischen Philosophie, Leipzig, 1870, cherche à prouver, comme l’ont fait beaucoup d’autres, que Clément est superficiellement chrétien, foncièrement stoicien ; P. Wendland, Questiones Musionana, dissertatio, Berlin, 1886, a voulu montrer que Clément a mis à contribution un écrit stoicien, contenant la doctrine de Musonius, maitre d'Épictète ; depuis lors, Wendland a dù modifier essentiellement son hypothese, cf. Bardenhewer, op. cit., p. 41 ; Scheck, De fontibus Clementis Alex., 1889, d’aprés lequel l'érudition de Clément, toute d’emprunt. n’aurait aucune valeur ; Kremmer, De catalogis heurematum, Leipzig, 1890 ; A. Wendling. De peplo aristotelico quæstiones selectæ. Strasbourg, 1891. Pour plus amples indications, Bardenhewer, Geschichte der altk. Litt., t. II, p. 44, 45, qui souscrit à la très juste observation de koetschau : que ces recherchese par les contradictions qu’elles provoquent, auront pour résultat de stimuler les chercheurs plutôt que de fournir sur tel ou tel problème des résultats assurés » . Voir P. Ketschau, Theol. Litteraturzeitung, 1901, p. 415-421, et de Faye, op. cit., p. 312-316 : Appendice : Les sources de Clément, bon résumé bibliographique et critique.

III. ATTITUDE APOSTOLIQUE ET PRÉOCCUPATIONS MORALES.

Dans sa préoccupation de plaire aux Grecs et aux chrétiens cultivés, de s’assimiler tout ce qu’il y avait d’assimilable dans leur philosophie, Clément sut pourtant ne s’inféoder à aucune école : ce qu’il appelle la philosophie, ce n’est ni le stoïcisme, ni le platonisme, ni l'épicurisme, ni l’aristotélisine. Strom., I. c. VII, P. G., t. VIII. col. 732 ; cf. VI, c. vII, P. G., t. IX, col. 277. Il ne fut point non plus un éclectique, au sens habituel du mot, quoiqu’on en ait dit. Winter, Die Ethik des Clemens von Alexandrien, Leipzig, 1882, p. 48 sq. Il fut surtout un moraliste, un pedagogue, voulant faire I éducation de ses contemporains, et pour cela, leur parler une langue familière ; il fut surtout un apôtre, soucieux de prosélytisme, autant et plus que d’exactitude théologique. Il ne nous a d’ailleurs laissé aucun traité de théologie dogmatique proprement dite. Même dans les Stromates, il est visible que sa préoccupation est tout autre propédeutique, apologétique, surtout morale ; ce qui ne l’empèche pas de rattacher habituellement au dogme toute cette théologie morale. Il fut surtout un apôtre, soucieux de se faire tout à tous, un missionnaire, c’est l’expression de Bigg, op. cit., p. 47, reproduite par de Faye, un missionnaire parfois emporté bien loin par son zele. Et précisément ce zele apostolique, ce souci de se faire tout à tous, suivant I Cor., 1x, 22, lui dicte sa méthode, lui inspire son habitude d’envelopper sa pensée chrétienne d’expressions familières à l’esprit grec. Strom., V, c. III, P. G., t. IX, col. 37. S’il va plus loin que le simple usage d’une terminologie, s’il essaie de traduire la conception chrétienne en conception grecque équivalente, c’est qu’il croit toujours possible de découvrir des points de contact ; il pense que la sagesse humaine, si imparfaite qu’elle soit, peut toujours servir à traduire la pensée divine ; que même là où elle déraisonne, on peut s’accommoder à ses égarements, arguer ad hominem. A l’insensé il faut répondre suivant sa folie, 'Anoxpib, privadoper, To pop ix the popias auto ; avec référence à I Cor., IX, 22 ; Rom., III, 29, 30. Ibid. Il est vrai, de pareilles condescendances sont périlleuses ; ces transpositions, ces la pensée divine en pensée humaine exposent à des contre-sens ; à force de rapprocher des choses lointaines, on s’expose à des assemblages disparates, incohérents. Cela est arrivé plus d’une fois à Clément : il juxtapose l'élément rationnel et l'élément divin plus souvent qu’il ne les systématise dans un tout cohérent. C’est d’ailleurs le moins systématique des hommes. 140 L’enthousiasme du missionnaire est bien sa caractéristique morale. Il éclate dans des pages admirables, telles que la péroraison du Protreptique : Les historiens de la pensée de Clement n’exploitent guère des passages comine ceux-là. On peut passer rapidement. Et cependant a-t-on raison ?… Est-il plus chrétien que philosophe ou plus philosophe que chrétien, voila la question que l’on se pose, et l’on ne tiendrait pas compte de ces passages… De Faye, Clément d’Alexandrie, Paris, 1898, p. 61, 62.

IV. PHYSIONOMIE INTELLECTUELLE. A toutes les circonstances sociales et à toutes les particularités individuelles qui expliquent le caractère de Clément, il convient d’en ajouter une importante pour rendre compte de son ceuvre. la forme même de son intelligence. Cf. de Faye, op. cit., c. VII. La physionomie intellectuelle de Clément, p. 112-115. Pour expliquer l’allégorisme outrancier de notre écrivain, on a beaucoup parlé de l’influence de Philon. A côté de celle raison, partiellement explicative, il convient de faire une part, encore peut-être plus grande, à l’originale mentalité de l'écrivain chrétien. De là, sans doute, les bizarreries et le désordre des Stromates, tout aulant que leur beauté et puissance ; de là encore, le procédé habituellement allégorique on analogique. Il suffit de lire quelques pages des Stromates pour voir combien Clément a l’esprit synthétique, comine il voit tout au concret, combien grande est sa difficulté d’abstraire pour analyser, de dégager nettement les éléments essentiels : « C’est la moins simpliste des intelligences… Son imagination n'évoque jamais que des objets complexes, multiples, chargés d’accessoires… Ses idées sont très précises… Mais, encore une fois, il les voit toutes ensemble et d’un seul coup. Cela lui suflit. » De Faye, loc. cit., p. 113. L’habitude du procédé analogique est en rapport étroit avec ce tempérament intellectuel : non seulement l’analogie au sens précis et rigoureux, fondée sur des rapports intimes et naturels, montant du monde visible au inonde invisible par les voies normales, en vertu de connexions logiques, mais analogies lointaines et imparfaites, le plus souvent superficielles, et donnant lieu à des spéculations fantaisistes. Tout cela, du reste, était compris sous le terme général d’allégorie. Ainsi entendue, l’allégorie était depuis longtemps à l’ordre du jour. Cf. Siegfried. Philo von Alexandria, Leipzig, 1875, p. 9-27. A son aide, les philosophes grecs, stoiciens, péripatéticiens et autres, à l’envi, s’efforçaient de trouver dans llomère le germe de leurs théories favorites. Les Juifs alexandrins appliquèrent à la Bible les mêmes procédés : ce fut un Juif péripatéticien, Aristobule, qui le premier crut à la possibilité de montrer la philosophie grecque dépendante de Moïse et des prophètes. Strom., V, c. XIV, P. G., t. IX, col. 145. Cf. Stöckl, Lehrbuch der Geschichte der Philosophie, Mayence, 1888, t. 1, p. 184 ; Zeller, Die Philosophie der Griechen, Leipzig, 1881, t. I, p. 259. Il utilisa l’allégorie stoicienne. Siegfried, loc. cit., p. 25. Vint ensuite Philon qui poussa si loin l’abus de l’allégorisme, faussa le sens de la révélation, dénatural l’esprit de la religion juive, exerça de profondes influences sur la littérature judeo-biblique, Siegfried, loc. cit., p. 278-302, sur le monde alexandrin. Richter. Neuplatonische Studien, Halle, 1867, fasc. 1. p. 34-13, sur la morale de Plotin et jusque sur la pensée chrétienne. Clément devait difficilement se garder de pareilles influences, d’un héritage transmis par des prédécesseurs si illustres, d’un ensemble de procedès, d’une méthode qui s’identifiait avec toute la culture intellectuelle de ce temps.

V. REPUTATION POSTHUME : DOCTRINE ET SAINTETÉ. Dès les III, Ive et ve siècles, de nombreux et imposants témoignages sont rendus en faveur de la science, de