interpréter les autres témoignages ; on contesta même à l’accusé le droit de discuter les témoignages ; enfin on ne le laissa pas conduire sa défense comme il l’entendait. Des opinions d’école furent mêlées plus d’une fois aux débats théologiques ; les docteurs de Paris, d’Ailly notamment, ardents nominalistes, voyaient dans le réalisme professé par Hus et Jérôme de Prague la source de toutes les hérésies. Les Anglais, mécontents que Hus eût compromis l’université d’Oxford, étaient fort mal disposés à son égard. Les Allemands apportaient à Constance la ferme volonté de venger leur défaite à Prague et s’acharnaient contre lui. Enfin Sigismond l’avait abandonné. Indépendamment de la question du sauf-conduit qui a été élucidée ci-dessus, avait-il, connue on l’a prétendu, promis son appui au novateur pour le tirer d’affaire, au cas où le jugement du concile le condamnerait ? Il n’y en a pas de preuve solide. Si l’empereur n’est pas intervenu en faveur de Hus, c’est parce qu’il ne voulait pas risquer de faire avorter l’œuvre du concile, c’est parce qu’il était effrayé des conséquences politiques et sociales des nouvelles doctrines, c’est enfin parce qu’il craignait la rivalité de Frédéric d’Autriche et qu’il tenait à identifier sa cause avec celle du concile, afin d’apparaitre à tous comme le véritable empereur, chef de la chrétienté et défenseur de l’Église.
La prétendue décision conciliaire, qu’on ne garde point la foi donnée à un hérétique, n’a jamais existé. Le document qui en a accrédité l’existence n’est pas un décret du concile, mais vraisemblablement un amendement proposé par l’un des membres et repoussé par l’assemblée ; on ne le trouve que dans un seul manuscrit et sans aucune indication de date. Au surplus, il faut tenir compte du principe universellement admis qu’une promesse faite in priejudicium jidei n’engage pas.
Voir les articles de Jean Hus condamnés par le concile de Constance, dans Denzinger, Enchiridion, n. 522-550, et Hus. Le décret relatif à la communion sous une seule espèce est dans Denzinger, n. 585. Voir Communion sous les deux espèces, col. 565-5CG.
IV. Les réformes et les concordats.
Tout le monde était d’accord sur la nécessité de faire des réformes, mais il y avait des divergences sur la façon de les exécuter. Le pape avait dit qu’il accepterait tous les points sur lesquels les nations se mettraieiit d’accord. La chose était malaisée. Les Allemands réclamaient surtout contre les exactions de la curie romaine. Les Italiens voulaient attribuer au pape la collation des bénéfices ; les Anglais et les Espagnols étaient favorables à ce mode de collation sous la réserve de leurs usages, les Français et les Allemands voulaient restreindre sur ce point les droits du saint-siège. Pierre d’Ailly était surtout frappé de la nécessité de restaurer le gouvernement de l’Église. Il voulait organiser fortement les conciles généraux, nationaux, diocésains ; exiger réellement certaines qualitésdes ecclésiastiques appelés aux diverses fonctions ; simplifier le culte ; corriger les abus des ordres religieux. En fait, le concile dressa plutôt la liste des desiderata qu’il n’accomplit la réforme générale dont on avait tant parlé’avant l’élection du pape.
Comme la commission chargée de la réforme (meinbres nommés par les nations et six cardinaux choisis par le pape), n’avançait pas vite vu les divergences entre nations, il fut décidé que l’on distinguerait deux parts : ce qui serait réclamé par tous constituerait la réforme raie ; sur 1rs autres poinls le pape s’entendrait avec chaque nation / » ’/ raie de concordai. Celle idée parait être due aux Allemands qui, les premiers, au commencement de 1418, présentèrent au pape un mémoire particulier concernant les réformes qu’ils réclamaient (Avisamenta gentis germanicm).
Le 20 février, le souverain pontife communiqua aux
DICT. DE TIIÉOL. CMIIOL.
nations un projet de réforme correspondant à peu pies aux dix-huit points stipulés dans la XL session (sauf le 7e : de appellationibus ad romanam curiam, et le 13 u : propter quse et quomodo papa possil corrigi et deponi). Ce projet, dit justement Jager, tenait le milieu entre le relâchement qu’on voulait faire disparaître et la rigueur des canons interprétés à la lettre. Chaque nation examina ce projet en particulier ; et quelques amendements furent proposés, mais cela n’aboutit pas, parce que le pape traita séparément avec les diverses nations.
Le concordat germanique est consigné sur les registres de la chancellerie pontificale à la date du 15 avril 1418. Ce concordat qui était conclu pour cinq ans renferme le décret célèbre Insuper ad vilanda scandula, qui permet aux fidèles de communiquer avec les excommuniés non dénoncés, excepté ceux qui sont notoirement coupables de sacrilège et de violence à l’égard des clercs, en sorte que leur crime ne puisse être couvert par aucune interprétation ou par quelque défense. Ce décret fut inséré dans les règles de chancellerie publiées par Martin V. Ma’Hefele a prouvé que c’était là un induit pontifical et que, bien qu’inséré dans un concordat ad quinquennium, il était valable in perpetuum et applicable à toute la chrétienté.
Le concordat anglais était perpétuel, mais il tomba vite en désuétude. C’est celui qui donnait le plus aux tendances nationales.
Le concordat [français était commun aux trois nations latines et s’étendait par conséquent aux Italiens et aux Espagnols.il fut aussi enregistré le lûavrilet promulgué le 3 mai. Il comprenait des règlements sur le nombre des cardinaux, les réserves, les annales, les jugements en cour de Rome, les commendes, les indulgences et les dispenses ; tout cela, comme dans les autres. Il n’y avait que deux points particuliers à la France. Le l" réduisait pour cinq ans les annates à la moitié, en considération des guerres que ce pays avait à soutenir, et l’autre était un privilège accordé à l’université de Paris, pour précéder une fois seulement, dans la distribution des bénéfices, tous les autres ecclésiastiques ayant des grâces expectatives ; et encore ce privilège était soumis à des exceptions très étendues. Ce concordat fut présenté au parlement de Paris par l’évêque d’Arras, le 10 juin 1418. Le parlement refusa l’enregistrement ; par des arrêts de mars et d’avril, il avait d’avance dénié au pape les droits que le concordat lui reconnaissait. Le 9 septembre 1418, le concordat de Constance fut mis en vigueur dans la partie du royaume qui obéissait au duc de Bourgogne. Après le traité de Troyes, le duc de Bedford, régent des deux royaumes, conclut avec.Martin V un concordat beaucoup plus favorable à la papauté (pue ne l’était celui de Constance [Rotulus Betfordianus, 1425). Dans la partie du royaume qui reconnaissait Charles VII, ce prince voulut d’abord s’en tenir aux dispositions de mars et d’avril 1418. Plus tard désirant l’appui du pape (Martin V le reconnut à la mort de Charles VI), Charles VII rendit au souverain pontife, 10 lévrier I 125, tous les droits que le pape avait possédés jusqu’en 1398.
Tous ces concordats diminuaient les abus sans les supprimer. Quand il était dit par exemple que « la curie ne jugerait plus que ce qu’il lui est permis de juger d’après le droit canon et la nature des causes ii, il est évident que les abus en matière judiciaire pouvaient renaître d’une formule aussi vague. Voir col. ", ’.^~ : V1.
Ces concordats avaient été acceptés par le concile dans sa X.LIII* session, le 20 mars 1418. Dans la même séance, Guillaume Pilastre avail lu sepi décrets de réformation générale. Ces sept articles roulent sur les exemptions accordées depuis Grégoire XI ; elles sont révoquées, mais les exemptions ne sont pas interdites pour l’avenir ; sur les unions de bénéfices faites depuis le même temps, elles sonl révoquées en principe, en promellant d’observer pour chacune en particulier les lois de
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