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rence spécifique. Cf. Henri de Gand, Quodlib., X, q. vit ; Quodlib., 1. q. 1x ; Aureolus, In IV Sent., 1. II. dist. 1, q. iv, a. 2 ; Gregoire de Rimini, In IV Sent., 1. 11, dist. I. q. VI, tous deux cités et réfutés par Capreolus, In iv Sent., 1. II, dist. 1, q. 11, a. 2, concl. 3ª, édit. Pégues, t. II, p. 1 sq., et Suarez, loc. cit., sect. II. Pour certsins, la conservation demande seulement un influx géneral et comme un moindre effort de la part de Dieu. Opinion illogique, puisqu’elle ne se soutient qu’en admettant la contradictoire même des arguments qui ont établi la thèse : possibilité pour la creature de se maintenir dans l'étre, au moins à quelque degré, par soimême, et possibilité d'étre cause d’elle-même, au moins dans une certaine nesure. Elle est inintelligible, si l’on entend par concours général une influence indéterminée de Dieu que spécifierait la cause seconde. Voir la réfutation dans Lessius, op. cit., c. IV, n. 26 sq. En somme, il convient de parler exactement de même manière de la création et de la conservation, et la meilleure forinule n’est-elle pas celle de saint Jean Damascène : monix El auto úvapis xai i suvEXTIX xxi povonix n ayahn autos noi ; tot… Oiket avviaTaoba : rov xóopov xai ouviotaтx xxi návra Gox bes : YiveTx :. De fide orthodoxa, 1. II, c. XXIX, P. G., t. XCIV, col. 961.

III. AGENT. Où l’action est rigoureusement la même, le même agent est requis. Voir CREATION. Cette question n’offre donc pas de difficulté spéciale : c’est un corollaire de la précédente.

Saint Thomas cependant, Sum. theol., I, q. civ, a. 2, fait remarquer que Dieu conserve toutes choses, sans exclure l’influence des causes secondes, bien qu’il soit toujours cause principale ; et saint Bonaventure, In IV Sent., 1. I, dist. IX, q. iv ; 1. II, dist. XXXVII, q. II. observe aussi que la conservation n’appartient pas à Dieu ut a tota causa. Si l’on veut éviter les confusions, il y a lieu de distinguer dans les choses avec Valentia, In IV Sent., 1. 1. disp. VIII, q. II, p. 11, leur être substantiel (esse simpliciter) et leur nature spécifique (esse specificum) : créatures changeantes, muables, elles peuvent en effet exister, sans exister toujours sous la même forme et dans la même espèce. Il est clair dès lors que l’action et la réaction réciproques des causes secondes expliquent seulement la permanence de leur état spécifique ou accidentel ; ainsi, dans l’appareil d’une voûte, toutes les pierres s’entresoutiennent, Clément d’Alexandrie, Strom., VIII, 9, P. G., t. 1x, col. 597 ; ainsi les affinités chimiques rendent bien raison de la stabilité plus ou moins grande de tels composés définis, non de l’existence même des éléments. Malgré l’influence mutuelle qui fait de l'âme et du corps humain un homme vivant, ni celui-ci, ni celle-là ne se donnent mutuellement l’existence. Il faut en dire autant de tous les composés dans le système aristotélicien de la matière et de la forme. Si ces composants sont, avec Dieu comme cause principale, causes partielles de la conservation, cela doit donc s’entendre dans ce sens précis que, maintenus par Dieu et par Dieu seul dans l’existence (esse simpliciter), ils concourent avec lui au maintien de l'état specifique du composé. Si la conservation n’est qu’une création continuée, elle relève uniquement de celui qui seul peut créer. S. Thomas, Sum. theol., III, q. xIII, a. 2.

IV. OBJECTIONS.

Leurs sources principales sont :

1 L’ignorance de la question. - Puisque la question de la conservation se pose pour expliquer la persévérance des êtres dans l’existence, elle concerne strictement les choses à qui convient proprement le concept d'être et par conséquent les seules substances complètes, ou, dans les systèmes philosophiques qui leur reconnaissent une existence propre, les parties substantielles, matière et forme. Dès lors, en revendiquant pour la cause première seule la conservation des substances, on n’entend exclure ni la coopération des substances à la conservation de certains états accidentels ou spécifiques, ni les modifications des substances les unes par les autres.

1. Ainsi, quand avec le concours de Dieu, l’artiste a terminé sa statue, la forme subsiste dans le marbre par l’action de Dieu qui la conserve seul, c’est-à-dire sans l’artiste, mais non sans l’intermédiaire de la substance : conservation immédiate pour celle-ci, médiate pour celle-là. Voir col. 1187. Les accidents, n’ayant pas de ríalité indépendante de la substance, sont conservés en elle et par son moyen.

2. Mais la conservation contredit les modifications pourtant évidentes et l'évolution de toutes choses ! Nullement. Ce qui la contredirait ce serait l’annihilation ; or on constate partout transformation, non annihilation. S. Thomas, Sum. theol., I. q. civ, a. 4. Bien plus, c’est parce que Dieu conserve les éléments substantiels et par conséquent les énergies et vertus qui ulent de leur nature, que la création 'est pas ligée dans l’immobilité évolution et conservation ne s’opposent pas. Dieu maintient toute la quantité d'être qu’il a tirée du néant, et l’on ne voit pas pourquoi il l’annihilerait jamais, mais il se contredirait, en empèchant des substances qu’il a faites actives de réagir les unes sur les autres, ou d'évoluer dans la mesure de la plasticité qu’il leur a donnée : les éléments chimiques s’attaquent, s’altèrent, se dissocient, se combinent à nouveau ; les causes raisonnables, sans créer ni annihiler jamais, modifient, façonnent, agencent les matériaux existants. Les choses ne sont donc stables qu’en proportion de leurs qualités ou énergies naturelles, et des vues trés sages de Dieu.

2⁰ L’illusion du concept vulgaire. C’est là une cause plus profonde des objections ordinaires. Nous n’avons pas de notion plus abstraite que le concept d'être ; c’est donc par elle que nous concevons toutes choses, c’est notre unité de pensée. devient tout naturel que nous la regardions comme représentant quelque chose d’absolu et de subsistant. Rien de plus tolérable dans le commerce ordinaire ; dans une recherche philosophique, au contraire, il y a lieu de remarquer que la créature n’existe que par participation ; dès lors, il ne peut y avoir qu’une pure analogie entre l'être contingent et l’absolu véritable, entre l’analogatum princeps, dirait l’Ecole et ses inférieurs. Il convient donc de ne pas partir d une conception de l'étre fini a priori, pour obvie et sûre qu’elle paraisse, mais, après avoir posé comme l'Être en qui se vérifie la notion parfaite de subsistance, la cause première, il faut rechercher sans parti pris ce que peut être la subsistance des êtres créés. Ils semblent, il est vrai, se soutenir par eux-mêmes ; la raison montre et la foi prévient que ce ne peut être qu’une apparence. « C’est donc une erreur, écrit Lessius, d’imaginer la créature comme je ne sais quel solide réellement distinct de l’influx de Dieu, capable de subsister après soustraction ou partielle ou totale de sou influence. Ce n’est pas ainsi qu’il faut la concevoir à l'égard de Dieu. mais comme le terme intrinsèque de l’action divine, tout comme la lumière est le terme intrinsèque de l’action du soleil. » Op. cit., 1. X, c. iv, n. 39. Dieu remplit sa créature de l'être qu’il lui donne sans discontinuer ; il la retient pour l’approcher de la source de vie ; il la soutient, pour qu’elle ne tombe dans le neant ; il la contient, pour qu’elle ne se désagrége pas. Cf. S. Grégoire le Grand, Moral., 1. II. c. xII, P. L., t. 1.XXV, col. 565 ; Lessius, op. cit., n. 25, 61. Au fait, n’est-ce pas par cette voie seule que peut se résoudre ou s’atténuer le problème si ardu, même la création une fois prouvée, de la coexistence du fini et de l’infini ? En rigueur, on n’a plus devant soi étre et