Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.djvu/607

Cette page n’a pas encore été corrigée

CONSERVATION 1191

seul qui possède : Tv v nemoirxev olxovouíav re xa ! GUVTýprav, ibid., n. 11, col. 117, et il insiste, a mainte reprise, sur cette idée bien platonicienne, que Dieu est, puisque seul il est sans changement. Etre, c’est donc le nom qui lui convient le mieux. Cf. col. 125, 317, 477, 629. Saint Grégoire de Nysse écrit, établissant que tous les attributs sont en Dieu une seule et cominune essence : a mpóvoz xai xčepovia xai rob mavrog iniaragia… te din Tv Tv… pía lal xai ouyi rpeic. Quod non sint tres dii, P. G., t. XLV, col. 128. Saint Chrysostome, à leur suite, insiste avec grande éloquence, sur l’absolue dépendance de la créature : 09 yap mapyaye povov Tiv xrigiv, ax xai auyxporci… xiv prua yévrta : s vepyetaç ixeivne tappei xxi anóndurat. Cont. anom., homil. XII, n. 4, P. G., t. XLVIII, col. 810-811. Sur le texte, Heb., 1, 3 : OUTEST : xubepvv xai rà dianinrovia vyzparov, et c’est auvre plus merveilleuse encore, dit-il, de conserver tous les êtres que de les tirer du néant. In Epist. ad Heb., homil. II, n. 3. P. G., t. LXIII, col. 23. Cf. In Gen., homil. XI, n. 8, P. G., t. LIII, col. 89.

Ce sont les écrits de Chrysostome que Théophylacte utilisera de préférence. Tandis que Procope ne nous transmet presque rien sur la conservation, il reproduira et amplifiera les assertions de saint Jean. In Joa., P. G., t. CXXIII, col. 1266 ; In Act., t. cxxv, col. 748. Commentant Heb., 1, 3, il note qu’en un sens conserver est plus que créer : Mazov de peitov To napaya yeiva návta, To Eixotassátovra xai eic tò un sivat μéhova apoyphozt guyxpareiv. P. G., t. cxxv, col. 193. On reconnaitra son inodèle : Chrysostome, In Epist. ad Heb., homil. II, P. G., t. LXIII, col. 23. Et Théophylacte, en passant, prend occasion de cette grande pensée, si analogue à Rom., II, 36, et à Col., 1, 16, pour revendiquer l’attribution paulinienne de la lettre aux Hébreux. P. G., t. cxxv, col. 193. Expliquant un peu plus loin, lleb., 1, 7 z eine, remarque-t-il, motý, a TOLOV, TOUTÉOTI GUYApoy to hoyw zab' ûvéyévovTo. P. G., 1. cxxv, col. 197. La conservation est un acte toujours présent. Cf. In Epist. ad Rom., P. G., t. CXXIV, col. 495 ; ad Col., col. 1222.

2. Pères latins.

Si nous revenons aux Pères latins, nous nous étonnerons peu de ne rien voir chez Tertullien qui réponde à un problème aussi abstrait. Saint Jérôme observe sans doute que Dieu seul est dans toute la force du terme : Cætera quæ creata sunt, etiamsi videntur esse, non sunt ; mais voici la raison qu’il en donne : quia aliquando non fuerunt et potest rursum non esse quod non fuit. Epist. ad Damas., 4. P. L., t. XXII, col. 357. L’insuffisance de la créature à subsister par ses propres forces semble hors de sa pensée ; l’eut-il comprise, qu’il n’eut pas refusé à Dieu la connaissance des plus minimes détails, par exemple, du nombre de tous ces pucerons qu’il doit soutenir par lui-même dans l’existence, tout autant que les êtres raisonnables. Cf. In Habac., 1, 1, P. L., t. xxv, col. 1286. On notera, pour la rapprocher de celle d’Augustin, son exégèse de Gen., 11, 2 : Complevitque Deus…, Dieu, ce jour-là, parachève son œuvre. P. L., t. xxIII, col. 910. Saint Augustin, au contraire, a traité de la contingence de l'ètre avec une netteté et une profondeur singulières. Il écrit, commentant Gen.. 11, 2 : Potest etiam intelligi Deum quievisse a condendis generibus creaturæ, quia ultra jam non condidit aliqua genera nova ; mais Dieu travaille toujours à conserver ce qu’il a créé : Creatoris namque potentia causa est subsistendi omni creaturæ. Quæ ab eis quæ creata sunt regendis, si aliquando cessaret, simul et eorum cessarent species, omnisque natura concideret, car il n’en va pas de Dieu comme d’un architecte qui peut se retirer, sa maison construite. De Genesi ad litteram, 1. IV, c. XII, P. L., t. XXXIV, col. 304 ; 1. V, c. xx, n. 40, col. 333 ; 1. VIII. c. XXVI, col. 391. Les démons mème ne subsistent que parce qu’il leur donne la vie, que subministratio si auferatur continuo interibunt. Enchiridion, c. XXVII, P. L., t. 1, col. 245. On sait l’admiration du grand évéque pour Plotin ; on comparera donc volontiers ces deux passages : « Toutes choses, dit Plotin, ont besoin d’etre édifiées sur Dieu, » xivnbeians yapixelvre : Upac] zweto av atá anchouévre autov Tic Bages : X2 : 05 armpitovros aura, Enneades, VI, 5, 9, édit. Didot, p. 453 ; et saint Augustin : Quid peto ut venias in me, qui non essem nisi esses in me ? An polius non essem, nisi essem in te ex quo omnia, per quem omnia, in quo omnia. Confes., 1. I, c. 1, P. L., t. xxxII, col. GGI. Cf. Grandgeorge, Saint Augustin et le néo-platonisme, c. 11, p. 70 sq. On remarquera de plus que les Confessions et les premiers livres du De Genesi ad litteram ayant été écrits avant l'étude attentive de saint Jean Chrysostome, qu’Augustin dut entreprendre pour repondre à Julien d’Eclane, ses vues sur la conservation doivent être attribuées à la lecture de l’Ecriture sainte et des philosophes, plutôt qu'à celle de Chrysostome. L’influence de saint Augustin en Occident semble considérable. Son explication du texte, Gen., 11. 2, ultra non condidit aliqua genera nova, etc., est souvent reprise. Cf. S. Prosper, Sent., 278, P. L., t. LI, col. 467 ; S. Grégoire le Grand. eorum essentia rursum ad nihilum tenderet, nisi eam auctor omnium regiminis manu retineret, Moral., 1. II, c. xII, n. 20, P. L., t. LXXV, col. 565 ; cf. ibid., 1. VI, c. xxxvII, n. 45, col. 1143 ; Raban Maur, In Gen., 1. I, c. Ix, P. L., t. CVII, col. 465, 466 ; Alcuin, In Joa., I. III. c. ix, P. L., t. c, col. 808 ; V. Bede, In Hexæm., 1. I, P. L., t. XCI, col. 34. Elle est notaminent vulgarisée par la Glose ordinaire et, par elle, elle influe sur tous les Sententiaires. Cf. Walafrid Strabon, In Gen., P. L., 1. CXIII, col. 82. Le fait de la conservation est d’ailleurs ordinairement noté par Strabon, quand l’Ecriture en offre l’occasion. In Gen., P. L., t. CXIII, col. 82 ; In Sap., col. 1168 ; In Act., t. CXIV, col. 460 ; In Joa., col. 377 ; In Epist. ad Heb., col. 641. Cf. De civ. Dei, I. X, t. xv, P. L., t. XLI. col. 293.

4° Les scolastiques.

On reconnaîtra la même dépendance de saint Augustin dans l’exégèse d’Abélard, In Hexæm., P. L., t. CLXXVII, col. 769, 770 : Dieu conserve les espèces anciennes sans créer de types nouveaux ; et ailleurs, In Epist. ad Rom., ibid., col. 937, il explique comment sont conservées même les âmes des bêtes après la mort : non tamen desinunt esse substantiæ.

Plus profond est l’enseignement de saint Anselme : Dubiuni nonnisi irrationali menti esse potest, quod cuncta quæ facta sunt, eodem ipso sustinente vigent et perseverant in esse quamdiu sunt, quo faciente de nihilo habent esse quod sunt, Monol., c. xIII. P. L., t. CLVIII, col. 161 ; et saint Bernard aime à revenir sur cette pensée : Quid item Deus ? sine quo nihil est. Tant nihil esse sine ipso, quani nec ipse sine se potest. Ipse sibi, ipse omnibus est, ac per hoc quodammodo solus est, qui suum ipsius est et omnium esse. De consideratione, 1. V. c. vi, n. 13, 14, P. L., t. CLXXXII, col. 796 ; Serm., IV, in dedicatione, n. 2, P. L., t. CLXXXIII, col. 536 ; In Ps. Qui habitat, n. 1, ibid., col. 185.

On notera cette disposition bien naturelle des grands mystiques, après Augustin, Gregoire le Grand et le pseudo-Denys. De dir. nom., 10, P. G., t. 111, col. 936, à méditer avec amour le néant de la créature, sans en venir pourtant aux exagérations de maitre Ekkard : Omnes creaturæ sunt purum nihil. Denzinger, Enchiridion, n. 453.

C’est encore Augustin et Abélard à la fois que l’on retrouve dans tout ce groupe de Sententiaires apparentés, Roland Bandinelli et Ognibene. Cf. Gietl, Die Sentenzen Rolands, p. 107-108 ; disciple de Hugues de Saint-