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CONGRUISME — CONGRUO (DE ;

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réel des prédestinations individuelles à la gloire. Ces explications sont très diverses dans le détail, mais toutes retiennent, comme fondement nécessaire de toute théorie concernant la prédestination, les principes suivants : 1. Par un décret absolu et entièrement gratuit, Dieu destine à chacun des hommes telle ou telle série de grâces, vraiment suffisantes, pour qu’il puisse réellement atteindre la fin de l’ordre surnaturel, la gloire éternelle. — 2. Par la science moyenne, Dieu prévoit l’attitude ferme que prendra la volonté devant les grâces ainsi accordées ; il voit si le libre arbitre donnera ou ne donnera pas sa coopération. C’est ici que revient le congruisme tout entier, avec l’adaptation des grâces à la personne et aux circonstances qui l’enveloppent, pour expliquer l’adhésion de l’homme aux sollicitations divines, et partant l’efficacité même de la grâce.

— 3. En conséquence de ces prévisions. Dieu achève ses prédestinations. Il destine et prépare la gloire à ceux des hommes qu’il prévoit devoir librement accepter les grâces offertes. Au contraire, ceux qu’il prévoit devoir librement rejeter les secours surnaturels et pleinement suffisants à les sauver, il les condamne d’ores et déjà au châtiment éternel.

Telle est, en substance évidemment, et autant qu’il est nécessaire à notre but, la théorie de la prédestination à la gloire soutenue par Molina, Grégoire de Valence, Vasquez, Lessius, Becan, Amicus, Maldonat, Sf.ipleton. La grande majorité, pour ne pas dire l’unanimité, des théologiens de la Compagnie de Jésus l’a conservée comme une tradition de famille. Un grand nombre d’autres docteurs, préoccupés de sauvegarder la liberté humaine et la justice de Dieu, s’y sont ralliés presque naturellement. L’on trouvera ailleurs, voir Prédestination, avec les noms et les écoles diverses les analyses par lesquelles chacun tente d’exposer, les arguments par lesquels chacun s’efforce de défendre sa conception particulière de la théorie commune.

Pour le congruisme et l’efficacité de la grâce, consulter les articles Grâce, Molinisme, Suarez ; les historiens des congrégations De auxiliis, J. H. Serry, O. P., Historia congregationum De auxiliis, Anvers, 1705 ; Livin de Meyer, S. J., Ilistorix controversiarum De auxiliis vindicatx, passim et surtout 1. II, c. IV sq., Bruxelles, 1715, p. 128 sq. ; fi. Schneemann, Controversiarum de divinse gratix liberique arbitrii concordia initia et progressus, Fribourg-en-Brisgau. 1881 ; Th. de Régnon, Bancs et Molina, 1. I. II, Paris, 1883 ; les théologiens, à leurs traités généraux ou particuliers sur la grâce, notamment L. Molina, Concordia Uberi arbitra, Appendice ad concordiam, Paris, 1876 ; Suarez, Opusc. I, De concursu, molione et auxilio Dei, Paris, 1858, t. XI ; Opuse. II, De scientia Dei futurorum contingentium, ibid. ; Opusc. [Il, De auxilio efficaci, ibid. ; De gratta, 1. III, De auxiliis gratins in generali, jiroat in divina aclione vel motione consistant, 1. V, De auxilio efficaci gratix Dei, Paris, 1K57, t. vin ; Tractatus de vera intelligentia auxilii effteacis ejusque concordia cum libertate voluntarii consensus, Paris, 1858, t. x, Appendix prima ; Bellarmin, De gratia et libero arbitrio ; F. X. Mannhart, De ingenua indole gratix effteacis, dans le Thésaurus de Zacharia, t. v ; H. Tournely, De gratia Christi, q. vii, a. 4, concl. 4°, Paris, 1725, t. ii, p. 4’17 ; q. ix, a. 2, ibid., p. 674 sq. ; C.R. Billuart, De gratia, diss. V, a. 6, Maastricht, 1760, t. VI, p. 356-406 ; H. Kilber, De gratia actuali, c. iv, dans Theologia Wireeburgensis, Paris, 1880, p. 375 sq. ; Perrone, Tractatus de gratia, part. I, c. IV, Paris, 1842, t. i, p. 1320 sq. ; J.-B. Faure, // ; Enchiridion S. Augustini, c. iii, n. 4. Naples, 1847, p. 108-109 ; I>. Palmieri, De gratia actuali divina ; lî. Jungmann, Tractatus de gratia, part. I, c. ii, Ratisbonne, 1896, p. 113 si]. ; (’.. Mazzella, De gratia Christi, disp. III, a. 3 sq., Rome, 18H0, p. : ssi sq. ; C. Pescli, Prœlectiones dogmaticæ, De gratia, part. 1, sect. iv, a. 2, Fribourg-en-Brisgau, 1897, t. v, p. 136sq. ; J. Herrmann, Tractatus de divina gratia, part. I, sect. iv, c. iv, v, Rome, 1904, p. 312 sq.

Pour le congruisme et la prédestination, voir PRÉDESTINATION, et les théologiens, quand ils traitent la question s.iii au traité De Deo, soit en des traités particuliers : Suarez, /’< divina prxdestinatione et reprobatione libri VI, Parle, 1656, 1. 1, p. 236sq. ; Lessius, De pr&destinatione et reprobatione, dans ses Opus cula, Anvers, 1626 : Franzelin. De Deo uno, th. lvii sq., Rome, 1876, p. 607 sq. ; G. Pesch, Prælectiones dogmaticx. De Deo uno-, part. III, sect. iii, a. 3, § 2, Fribourg-en-Brisgau, 1895, t. ii, p. 165 sq.

H. Qlilliet.

    1. CONGRUO (DE)##


CONGRUO (DE), CONDIGNO (DE). Ces deux termes sont corrélatifs et désignent deux espèces du mérite en général, du mérite théologique et surnaturel en particulier. Ils seront étudiés successivement.

I. CONGRUO (DE). Ce terme désigne l’espèce inférieure, ou plutôt l’espèce improprement dite du mérite en général, du mérite théologique et surnaturel en particulier. — I. Xotion générale de la congruité dans le mérite ou du mérite de congruo. II. Notion spécifique de la congruité dans le mérite surnaturel ou du mérite de congruo dans l’ordre ainsi appelé.

I. Xotion générale de la congruité dans le mérite ou du mérite de congruo. — Pour comprendre une espèce inférieure, moins nettement caractérisée et plutôt improprement classée, il va de soi qu’il faut posséder une connaissance exacte de l’espèce principale et caractéristique. C’est pourquoi, afin de bien entendre les conclusions qui vont suivre, le lecteur devra se pénétrer des principes exposés à la seconde partie de cet article.

1° Au point de vue concret, le mérite désigne toute bonne action digne de récompense ; au point de vue abstrait.il marque la qualité spéciale qui rend de bonnes œuvres ainsi dignes de récompense. La condignité, on le verra, est la qualité spécifique du mérite proprement dit, du vrai mérite, comme s’exprime le concile de Trente. Elle apparaît quand il existe, entre une bonne action et sa récompense, un rapport, soit d’égalité, soit de convenable proportion, tel qu’il s’ensuit une obligation de justice ou, à tout le moins, de fidélité. Cette obligation résulte d’un double fait constitutif : de ce que, d’une part, il y a bonne œuvre posée, en condition d’égalité ou de proportion équitable avec la récompense ; de ce que, d’autre part, il y a eu acceptation formelle et préalable de ces œuvres, ou encore promesse ferme de récompense.

Or, il peut arriver et il arrive qu’il y a défaut essentiel, soit des deux chefs, soit au moins de l’un d’eux. Les bonnes œuvres accomplies en l’honneur ou à l’utilité d’autrui peuvent ne pas présenter l’égalité ou la proportion requise avec ia récompense ; ou bien, c’est la promesse ferme de récompense qui n’existe réellement pas. Dans un cas comme dans l’autre, le droit à la récompense n’est pas créé, l’obligation de justice ou de fidélité ne saurait naître, et la récompense peut être librement refusée.

Toutefois, même dans ces conditions, il arrivera souvent que l’estime commune jugera une récompense, non pas légitimement due, mais convenable, de toute décence. On ne peut la réclamer de la justice d’autrui, on peut l’attendre avec plus ou moins de confiance de sa libéralité. Il n’y a pas condignité dans les œuvres ou le mérite ; il y a cependant convenance ou congruité au regard de la récompense : c’est le mérite de congruo. Un brave citoyen s’elforce de dresser un arc de triomphe pour la réception du prince de son pays. Mais, hélas ! les forces lui font défaut ou les moyens lui manquent, pour porter son projet à une exécution parfaite ou convenable. Il apparaîtra cependant de toute décence que la libéralité du prince de passade reconnaisse, de quelque manière, l’effort loyaliste, tout malheureux qu’il soit, tenté en son honneur. C’est la « congruité o du mérite civique. Un soldat se distingue à la guerre. En stricte justice, seule, la iii, Me lui est due, puisque, seule, elle est promise et entre dans les conventions du si rvice : c’est la condignité. Toutefois l’opinion commune ne manquera pas de trouver (mil convient qu’une