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CONGRUISME


des sujets situés en des conditions déplorables, et nullement disposés à l’accueillir. Alors même pourtant, elle obtient quelquefois son effet, comme il est arrivé en saint Paul. Il faut donc recourir à autre cbose pour compléter l’explication.

3. Sans abandonner la congruité précédente comme moyen possible et souvent réel de l’action divine, des théologiens ont plutôt placé la solution du problème dans le rapport objectif, ontologique, qu’il faut bien admettre entre la grâce et le consentement de la volonté, puisqu’il s’agit de grâce efficace. Dans l’ordre réel ou ontologique des choses, il est très vrai que la grâce eflicace ne contient pas en soi une force particulière, un moyen spécial d’atteindre infailliblement son effet. Mais il est tout aussi vrai qu’en réalité elle l’obtiendra, et que, par conséquent, il y a entre elle et l’adhésion de la volonté un rapport réel, ontologique, inévitable, en vertu duquel la grâce coopérera certainement avec le libre arbitre ; et celui-ci, très certainement et très librement avec la grâce. Ce rapport consiste simplement en ce que telle grâce objective atteindra infailliblement son but réel, parce qu’en fait, la volonté qui aurait pu la rejeter, se déterminera librement à l’accepter. C’est là une vérité de fait, qui explique l’infaillible eflicacité de la grâce par l’infaillible réalité du consentement donné librement à ses appels. Cette réalité ainsi fixée, bien qu’elle ait pu être tout opposée, se trouve immanquable dans l’ordre objectif comme elle est infailliblement prévue de Dieu. Remarquons-le : c’est là encore ce qu’il y a de plus congru, pour l’homme, puisque de la sorte il atteint sa fin, laquelle est bien ce qu’il y a de meilleur et de plus convenable pour lui.

L’on a voulu, sur ce point, séparer Suarez de Molina, comme si le premier eût embrassé seulement le congruisme des circonstances et des dispositions. Il n’en est rien. Parlant de la grâce destinée à emporter la conversion d’un pécheur, Suarez s’exprime en ces termes qui ne laissent place à aucun doute : Deus… quando vult hominem convertere, vult etiam illum vocare Mo tempore et modo quo novit illum consensurum, et talis vocatio appellatur efficax, quia, licet ex se non

    1. BABEAT INFALLIBILEM EFFECTVM##


BABEAT INFALLIBILEM EFFECTVM, TAMEN UT SUBEST TAU SCIENTI.E DIVINE, INFALLIBILITER EST ILLUM 11A BiTUBA : quod interdum polerït accidere cum speciali congruitate et ef/icacia moral i talis vocationis, interdum sine Ma coopérante libero arbilrio cum generali influxii gratiæ Dei, et ulroque modo gratia eril efficax, quamvis una s’il copiosior et major quam alia. De auxiliis, opusc. I, 1. III, c. xiv, n. 9, Paris, 1858, t. xi, p. 225. Suarez ajoute cette observation qui confirme sa pensée sur le congruisme : Juxta hune efficacilalis modum intelligenda est doclrina Augustini. Non enim consideravit tantum congruitatem quant vocatio secundnm se habet cum ingénia vel natura hominis, quse est congruitas quasi in actu primo, sed etiam ac prsecipue proportionem illam consideravit (objectivam) quse in hoc consistit quod vocatio tune datur quando operatura est, quse proprie consistit in actu secundo (de facto) et maxime congrva nia ro JBST, QUIA MAXIME CONGRUIT IIOMINI, CUI MELIUS EST VOCARI QUANDO RESPONSURUS EST, ETIAMS1 REMISSE VOCETUR, Ql l « / FORTITER VOCARI, ri M CONSENStJBUS

EST. Ibid. Ailleurs, et de façon plus nette encore, Suarez précise son sentiment : Prsescientia Dei circa futur a conlingenlia est infallibilis, quamvis objection non habeal in sua causa, determinationem ; et ideo dicimus necessarium esse ut talis scientia includat BABITUDIXEM 10 IPSAM DETERMINATIOZEM CAUS.B, UT M a TEMPORE II II II IV, NOS QUIA ALITER BSSB NON POSSIT, SED QUIA SON ALITER FUTURA EST. Sic igitur

hme gratia gun : antecedenter infunditur, infallibiliter habebit consequenlem operalionem voluntatis, non

quia aliter esse non potest, etiam stante Ma gratia, sed quia aliter futura non est. De gratia, 1. V, c. xxi, n. 4, Paris, 1857, t. viii, p. 498-499.

De toute évidence, quand Suarez et les congruistes avec lui tirent l’efficacité de la grâce de la libre détermination de la volonté, l’affirmation doit s’entendre de la volonté surnaturellement préparée, élevée déjà et fortifiée par cette même grâce.

6° Se retournant maintenant vers Dieu, si le congruiste se demande : Mais comment Dieu connait-il infailliblement la liaison entre telle ou telle grâce et la détermination du libre arbitre, Suarez comme Molina répond en recourant à la science moyenne. Il s’agit, en effet, dans l’espèce, de la connaissance des futurs libres contingents, de ce que tel ou tel homme, dans telles et telles circonstances données, décidera librement sous l’inlluence de telle ou telle grâce. Le consentement ou le refus de l’homme, dans ces conditions, est une vérité objective, non existante encore, mais futurible, comme disent les théologiens, vérité que l’intelligence divine ne peut manquer de connaître, puisque son infinie capacité embrasse pleinement toute vérité. On trouvera à l’article Science moyenne les arguments invoqués pour établir son existence, et aussi les conditions essentielles de cette divine connaissance.

7° Si enfin le problème se pose au regard de la volonté de Dieu, il faut bien admettre que la grâce efficace n’échappe point à sa compréhension, qu’elle est voulue et destinée dans les décrets éternels comme toutes les œuvres extérieures de sa toute-puissance. Cela ne saurait faire doute pour personne. C’est Vinfallibilitas connexionis affectiva, que nous avons déjà mentionnée. Mais dans quel ordre et en quelle manière la grâce efficace se trouve-t-elle immanquablement liée à la volonté ? C’est le problème de la prédéfinition, comme on s’est plu à le nommer. La prédéfinition se distingue de la prédestination en ce que celle-ci implique toujours, immédiatement ou médiatement, un rapport final à la gloire éternelle, tandis que la prédéfinition embrasse purement et simplement un acte salutaire, comme tel, et en ce qu’il est voulu de Dieu. Elle est dite formelle, si la volonté divine se porte sur l’acte surnaturel lui-même, directement et immédiatement ; on l’appelle virtuelle, si la volonté divine se porte directement sur un moyen quelconque infailliblement lié avec l’acte surnaturel en question : en voulant le moyen, Dieu veut virtuellement l’acte qui s’ensuit, à titre d’effet ou de conséquence quelconque. A ce point de la discussion, les congruistes se divisent.

1. Suarez rappelle le grand principe qui domine sa théorie : qui veut la fin, veut les moyens. Or, Dieu axant prédestiné les élus à la gloire, ne peut manquer de leur préparer et prédéfinir les moyens d’y atteindre ; ces moyens sont les actes surnaturels, qui ne peuvent être accomplis sans les grâces opportunes ou congrues. Et donc Dieu prédéfinit les grâces convenables pour chacun des actes surnaturels des prédestinés ou des élus. Censeo prsedefinire Deum in individuo et in particulari, et cum omnibus circumstuntiis, omnes actus baiins et supemalurales, quibus prtedestinali salutem comequuntur. De auxiliis, opusc. 1, 1. III, c. xvii.n. 11. Concludimus Deum prædefinire omnia supernaturalia opéra, quse sunt média ut electi consequantur gloriam ad quam electi sunt… Ralio generalis est quia qui efficaciter inlendit fincm, eligit ci déterminât média per quse vult et statuit illum finem comparare, et Ha prsedefinit Ma, prwscriim si talia sint, et quse in ejus voluntatem cadere possint, et ce ijisms peculiari cura cl providentia ef/icienda sint. Ibid., n. 13, Paris, 1858. t. xi. p. 254-255. Quelques théologiens, disciples fidèles de Suarez. soutiennent donc que Dieu veut tout d’abord la production de tel ou tel acie surnaturel par te] ou tel homme. Cette détermination absolue une fois prise,