Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.djvu/56

Cette page n’a pas encore été corrigée

89

CLEMENT IX

00

de mariage quoad sponsalia. Il s’agissait d’appliquer cette laculté à un mariage, à des princes étrangers, et à une tête couronnée. Vendôme, en vrai prélat de cour, eut la faiblesse de se prêter à cette comédie ; il envoya la dispense demandée, et le second mariage se fit à Lisbonne (mars 1668). La reine, cependant, ne se sentait pas en sûreté de conscience ; elle envoya à Rome son confesseur, le jésuite de Villes, porteur d’une copie du procès, suppliant le pape de ratifier tout ce qui s’était fait. Louis XIV exigeait que Clément IX confirmât sans nouvel examen les actes des chanoines de Lisbonne et du cardinal de Vendôme, et le menaçait, en cas de refus, « de soulever contre lui beaucoup de plumes, et d’entrer peut-être plus avant que la cour de Rome ne le voudroit sur la matière des dispenses. » Le pape, malgré son désir d’éviter tout froissement, refusa d’obéir à ces injonctions, et constitua une congrégation pour examiner l’affaire ; elle déclara tout d’abord que le cardinal de Vendôme avait excédé ses pouvoirs, et le blâma énergiquement. Puis, après un nouvel examen de la cause, le pape, bien instruit de l’état du roi Alphonse VI, donna en décembre 1668 une double dispense « du mariage ratum et non consummatum, et de l’empêchement de publique honnêteté in radiée matrimonii, c’est-à-dire comme si la dispense eût précédé le mariage, qui est tout ce que l’on pouvoit demander au pape pour rendre le second mariage incontestable » . Lettre de Rourlémontau roi et à Lionne, 1 er et 2 janvier 1669, Gérin, op. cit., p. 301. Malgré les railleries de Voltaire, Siècle de Louis XIV, c. x, on ne trouve rien dans cette triste affaire qui puisse porter préjudice à l’honneur de Clément IX, et il put se féliciter, en écrivant à Louis XIV, d’avoir accordé aux souverains du Portugal les dispenses requises « sans léser en rien la justice » , ordine justitise servato. Gérin, Louis XIV, p. 251 sq., 295 sq.

III. Clément IX et le jansénisme.

Le même esprit dirigea la cour de France dans les négociations qui aboutirent à l’acte si connu dans l’histoire du jansénisme sous le nom de « paix de Clément IX » . Quand mourut Alexandre VII, l’affaire des quatre évêques d’Alet, Angers, Reauvais et Pamiers, qui refusaient de signer sans conditions le formulaire imposé en 1665, était introduite en cour de Rome, et le pape venait de nommer une commission de neuf évêques français pour juger les récalcitrants. Voir Alexandre VII, t. i, col. 728. Les trois principaux ministres de Louis XIV, Lionne, Le Tellier el Colbert, étaient alors, pour diverses raisons, favorables aux jansénistes. Rapin, Mémoires, t. iii, p. 415. Ils conçurent l’espoir de profiter des dispositions conciliantes du nouveau pape pour éviter à leurs amis le procès dont ils étaient menacés.

Plusieurs prélats français vinrent à leur aide. Gondrin, archevêque de Sens, et Vialart, évêque de Chàlons, rédigèrent une lettre au pape dans laquelle ils justifiaient les évêques incriminés et se portaient garants de leur doctrine ; dix-sept de leurs collègues la signèrent après eux (1" décembre 1667). Relation, t. i, p. 388-389. Clément IX répondit par deux nouveaux brefs commettant des prélats français agréés par le roi pour faire signer le formulaire par les quatre évêques et les inviter à retirer les mandements qu’ils avaient donnés contre cet acte pontifical ; en cas de refus les peines canoniques seraient portées contre eus (23 décembre [1667). Gérin, Louis XIV, p. 244 sq. Pour faciliter les négociations, le pape fit passer comme nonce, de Turin à Paris, Bargellini, archevêque de Thèbes, prélat estimable, connu surtout pour sa douceur et son amour de la paix. Les [ues médiateurs, d’Estrées, évéque de Laon, Gondrin, archevêque de Sens, Vialart, evéque de Chalons, étaient favorables aux quatre accusés. D’accord avec Lionne, ils s’arrêtèrent à l’idée d’une lettre de soumission que ceux-ci enverraient au pape ; ils y annonce raient leur projet de signer eux-mêmes le formulaire sans restriction, et de le taire signer en synode par leur clergé ; moyennant cette soumission, ils ne seraient pas forcés de rétracter leurs mandements, et le procès serait arrêté. La lettre fut dressée à l’hôtel de Longueville par Arnauld et Nicole, soumise aux évêques médiateurs, à Lionne, Colbert et Le Tellier, au roi lui-même, enfin au nonce, qui l’approuva après avoir obtenu quelques modifications. Sainte-Reuve, Port-Royal, t. iv, p. 389 sq. ; Dubois, Gondrin, p. 204 sq. Après avoir protesté de leur amour de la paix et de leur respect pour le Siège apostolique, les évêques déclaraient qu’ayant appris que la forme d’adhésion au formulaire d’Alexandre VII adoptée par plusieurs de leurs collègues était la plus agréable au saintsiège, ils avaient voulu les imiter. « Ayant donc réuni comme eux nos synodes diocésains, nous avons commandé une nouvelle signature du formulaire, et nous l’avons donnée les premiers ; ce que nos collègues ont exposé à leurs clercs nous l’avons exposé aux nôtres, l’obéissance qu’ils ont ordonnée envers les constitutions apostoliques, nous l’avons ordonnée, et nous sommes entièrement joints à eux pour la discipline, comme nous l’étions déjà pour la doctrine. » Ils attestaient enfin avoir toujours eu à l’égard de l’Église de Rome « la même disposition d’esprit et de cœur qu’ont eue les évêques de l’Eglise gallicane dans les premiers siècles de l’Église, et qui a toujours été fort agréable au saint-siège » . Relation, t. i, p. 158. Cf. Dubois, Gondrin, p. 222 sq. ; du Mas, Histoire, t. H, p. 178. Restait à obtenir les signatures des quatre accusés. Henri Arnauld, évêque d’Angers, et Choartde Ruzenval, évêque de Reauvais, promirent les leurs sans difficulté ; Caulet, évêque de Pamiers, suivait en tout les exemples de son collègue Pavillon d’Alet ; tout dépendait donc de celui-ci. Or Pavillon, homme d’une grande austérité de vie et d’un zèle pastoral incontesté, répugnait à tout accommodement « qui tendroit à obscurcir, disait-il, par des expressions ambiguës les choses que je me suis cru obligé d’exposer nettement dans mon mandement, ou qui sembleroit blesser la dignité de notre caractère » . Lettre à l’archevêque de Sens, 18 juin 1668, Relation, t.’ii, p. 10. Et plus tard (22 août 1608), il écrivait au même archevêque : « L’essentiel pour nous, dans cette affaire, est que la doctrine de nos mandemens ne reçoive pas d’atteinte, et que nous ne donnions pas sujet de croire que nous y aions renoncé par raccommodement. Pour cela il faut nécessairement en parler dans la lettre au pape, et marquer que le changement que l’on fait dans la forme et dans la manière de souscrire ne touche point au fond et à la substance des mandemens. » lbid., p. 188. Gondrin eut l’audace de lui répondre, en l’engageant à signer la lettre sans changements : « Il n’est venu dans l’esprit de qui que ce soit qu’il y ait un seul mot, dans la lettre qu’on vous propose d’écrire au pape, qui puisse faire penser, ou que vous avez rétracté vos mandemens, ou que la doctrine dans laquelle vous dites que vous êtes uni avec vos confrères soit autre que celle de la distinction du fait et du droit, de la différente soumission que l’on doit à l’un et à l’autre, et de la faillibilité de l’Eglise sur les faits non révélés. » Lettre du 1 er septembre 1668, Relation, t. ii, p. 205. Les évoques d’Angers et de Reauvais, le grand Arnauld lui-même, joignirent leurs supplications à celles de Gondrin ; le 10 septembre 1668, Pavillon, convaincu par leurs arguments, donna sa signature au projet de lettre, et Caulet signa comme lui. Sainte-Beuve, Port-Royal, t. iv. p. 390 ; Relation, t. ii, p. 216-238. La lettre, signée des quatre évêques, partit aussitôt pour Rome.

Cependant Pavillon et ses collègues réunissaient, comme ils l’avaient promis, leurs synodes diocésains pour la signature du formulaire. Le 18 septembre 1668, l’évéque d’Alet donna à ses préires les explications suivantes en leur demandant une nouvelle signature