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CLEMENT VIII

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parmi les plus féconds de ceux qui réparèrent les maux causés par la réforme. Très pieux, se confessant chaque jour au cardinal Baronius, jeûnant deux fois par semaine et portant le cilice, il aimait à remplir lui-même à Saint-Pierre l’office de grand-pénitencier pendant la semaine sainte. Il donna une preuve touchante de son humilité dans les réponses qu’il fit au célèbre mémoire que, sur sa demande, lui adressa Bellarmin, au sujet des principaux abus de la cour romaine. Couderc, Bellarmin, t. i, p.’293 sq. Voir Bellarmin, t. ii, col. 566. Clément VIII a fait beaucoup pour le bien matériel et moral du peuple de Borne. Protection accordée aux cultivateurs de la campagne romaine contre des impots excessifs, Bullarium, t. x, p. 622 ; institution de monts de piété et de refuges, ibkl., p. 848, 219 ; établissement d’une congrégation spéciale « pour les grâces et pardons à accorder aux criminels bannis de l’Etat ecclésiastique, à leurs complices et fauteurs » , ibid., p. 626 ; restrictions apportées aux usures des juifs qui n’eurent permission de séjourner que dans les villes de Borne, Ancône et Avignon, et durent s’y borner à certains commerces, Bullarium, t. IX, p. 520 ; t. x, p. 22, 25 ; érection du collège Clémentin confié aux religieux somasques pour l’éducation de la jeune noblesse, t. XI, p. 90 ; renouvellement des constitutions de Pie V et d’Innocent IX qui défendaient d’aliéner et d’inféoder les biens de l’Église, t. ix, p. 520 ; inspection des biens et propriétés des communautés religieuses de l’État romain confiée à plusieurs cardinaux, ibkl., p. 591 ; visite générale des églises et chapelles de Borne, ibid., p. 542 ; règlements nouveaux donnés à la Bibliothèque vaticane, t. x, p. 80 ; toutes ces mesures prouvent abondamment que les négociations diplomatiques et les controverses théologiques dont fut rempli le pontificat de Clément VIII ne le détournèrent pas de ses devoirs de prince temporel. On lui a reproché d’avoir trop favorise ses parents, et spécialement son neveu le cardinal Aldobrandini ; les talents de celui-ci justifièrent du moins la confiance qu’avait en lui son oncle. Beurnont, Geschichte, p. 003, 604, 712, 704 ; Brosch, Geschichte, p. 305 sq.

Malgré sa douceur bien connue, Clément ordonna le supplice de Giordano Bruno, dominicain apostat, passé au calvinisme, et pendant de longues années pensionné par la reine Elisabeth. Voir t. ii, col. 1148 sq.

II. Affaires politiques et diplomatiques.

1° Absolution de Henri IV, roi de France. — Le plus grand fait religieux du règne de Clément VIII fut la pacification de la France par la conversion au catholicisme et l’absolution de Henri IV. Quand Aldobrandini monta sur le trône pontifical, Henri commençait à penser sérieusement à un retour vers Hume ; bien convaincu que, i s victoires, il n’imposerait jamais à la I rince un prince hérétique, en même temps ébranlé dans ses principes calvinistes par ses longues discussions avec Jacques Davj du Perron dont la faveur reite au printemps de 1592, entendant ses conseillers protestants eux-mêmes lui affirmer qu’il pouvait faire son salut dans la religion romaine, il se décida à la démarche du dimanche 25 juillet 1593. Ce jour-là, sous le porche de la basilique de Saint-Denis, Renaud di Beaune, archevêque de Bourges, reçut l’abjuration du roi, et sous rcs< rve des droits du souverain ponlife, lui donna l’absolution des fautes d’apostasie et d’hérésie, le réintégra dans l’Église, et l’admit aux sacrements. it à obtenir pour ces actes la confirmation du pape, seul capable de lever définitivement l’excommunication portée en 1585 par Sixte V contre l’hérétique relaps. Henri ne perdit pas de temps, el envoya à Rome aussitôt après son abjuration une brillante ambassade conduis par un grand r catholique, Italien de nais et di k’enu duc de Nevers par son mariage avec Henriette de Cli vi. Louis de Gonzague, troisième Gis du due de Manloue. Nevers se figurai ! être reçu avec

transport ; il en alla tout autrement. Clément VIII ne désespérait pas encore du succès final de la Ligue ; l’ambassadeur espagnol à Rome, le duc de Sessa, lui représentait que son maître regarderait comme un sanglant affront la réconciliation avec l’Eglise de celui qui tant de fois avait mené à la victoire les huguenots français ; d’ailleurs, cruelle sûreté offrait la parole de ce prince qu’on avait vu quelques années auparavant abjurer si facilement la foi qu’il avait recouvrée ? Le pape fit donc répondre à l’ambassadeur qu’il lui permettait de venir à Rome à titre personnel, mais non comme envoyé du roi de France ; le 21 novembre 1593, Nevers fit son entrée sans aucune cérémonie ; il eut cinq audiences, pendant lesquelles, malgré ses efforts, il ne put rien obtenir ; non seulement le pape refusait de ratifier l’absolution de Saint-Denis, mais il déclarait que les ecclésiastiques de la suile du duc qui avaient pris part à la cérémonie avaient encouru les censures pontificales, et qu’il ne pouvait les admettre en sa présence. Nevers, découragé, quitta Rome le 14 janvier 1594.

Cette rigueur produisit en France un très mauvais effet ; les catholiques adhéraient en foule à la cause du roi converti ; Henri était sacré à Chartres le 27 février et entrait dans Paris le 22 mars. Autour du roi il ne manquait pas de parlementaires gallicans qui lui conseillaient de se passer du pape tout livré à l’Espagne, et de faire régler par ses seuls évêques les affaires religieuses du royaume. Un arrêt du grand conseil interdit à cette époque de s’adresser à Borne pour obtenir des bulles ou des expédilions de bénéfices. Le légat, cardinal de Plaisance, jadis fougueux ligueur, rentra à Borne en déclarant bien haut qu’il fallait se hâter d’absoudre Henri IV, « faute de quoi le schisme estoit tout fait en France, sans qu’il y eust aucun remède. »

Ces nouvelles, de même que les preuves répétées que le roi donnait de la sincérité de sa conversion, firent réfléchir Clément VIII. En mai 1594, il consentit à recevoir le cardinal de Gondi, évêque de Paris, qui plaida chaudement la cause de son prince ; il laissa même entrevoir qu’il accueillerait une seconde ambassade. Henri, plus sage que ses conseillers gallicans, se résolut à l’envoyer, et en confia la direction à celui qui l’avait éclairé, Jacques Davy du Perron, évêque nommé d’Évreux, Pour être sûr de ne pas éprouver un second échec, le roi chargea l’ecclésiastique gascon Arnaud d’Ossat, qui se trouvait à Borne, avec une mission de Louise de Vaudémont, veuve de Henri III, de savoir sur quelles bases pourraient s’engager les négociations. La plus grande difficulté qui se présentait alors était celle de la « réhabilitation » du roi. En 1585, Sixte V, en excommuniant Henri de Navarre, l’avait en même temps déclaré « inhabile de plein droit à la succession de toute seigneurie et domaine, et particulièrement du royaume de France » . Aux yeux du pape, Henri n’avait donc pas seulement besoin d’une absolution qui le fil rentrer dans l’Eglise, mais d’une < réhabilitation » qui le rendit capable d’être proclamé légitime souverain. Celle réhabilitation impliquait la reconnaissance du pouvoir du pape sur les couronnes ; ni Henri ni ses conseillers ne voulaient céder sur ce point. Après de longues discussions, le cardinal Aldobrandini laissa entendre qu’on pourrai ! trouver « mille tempéramens » qui permettraient de tourner la difficulté ; et le voyage de du Perron fut décidé. L’expulsion des jésuites, à la suile de l’attenta ! de Chatel (janvier 1595), vint encore apporter un obstacle nouveau au succès désiré ; il fut levé par l’abnégation des jésuites français qui furent les premiers à supplier le pape dîne pas retarder, en exigeant leur rappel, la pacification religieuse de la France. Prat, Recherches, i. v, p. 67.

Le 12 juillet 1595, du Perron cuire à Rome, el a le jour même sa première audience. Le 30 juillet, de concert avec d < Issat, il présente au pape une requête en vue do l’absolution du roi. Le 2 août, fis cardinaux sont