Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.djvu/438

Cette page n’a pas encore été corrigée
853
854
CONFESSION DU I or AU XIIIe SIÈCLE


sée sur le traitement de ces péchés. D’une façon générale, il enseigne que tout homme ou même tout fidèle baptisé commet des fautes. De oratione dominica, c. XXII, P. L., t. iv, col. 534. Mais il s’élève énergiquement contre la théorie des stoïciens qui prétendent que toutes les fautes sont égales. Episl., lv, ad Antonianum, c. xvi, P. L., t. iii, col. 792. Il y a donc une échelle des péchés ; au plus bas degré sont les péchés quotidiens auxquels la fragilité humaine ne saurait échapper ; pour ceux-ci le remède que saint Cyprien indique est tout simplement la prière de chaque jour. De oratione dominica, loc. cit.

Nous avons vu que saint Augustin citait à plusieurs reprises « les péchés véniels, sans lesquels cette vie n’est pas possible » . Enchiridion, c. i.xxi, P. L., t. XL, col. 265. Cf. Sermo de symbolo ad catechumenos, c. vii, n. 15, ibid., col. 636. Nulle part il ne recommande le recours au prêtre et la confession pour les péchés de cette sorte. Ils sont remis ou expiés, dit-il, par la vertu de l’aumône, par les œuvres de miséricorde, misericordiæ sacrificiis, ou simplement par la récitation de l’oraison dominicale. Serm., IX, n. 17, P. L., t. xxxviii, col. 88 ; Epist., cliii, n. 15, P. L., t. xxxiii, col. 659 ; Serm., xvii, n. 5, P. L., t. xxxviii, col. 127 ; lvi, n. 11, col. 382. Voir Augustin, t. i, col. 2426-2427.

En Espagne, saint Pacien classait une « forêt de délits » , silva delictorum, Parœnesis ad pœnitentiam, c. ii, P. L., t. xiii, col. 1083, parmi les péchés légers. De ceux-ci, quelques-uns étaient sans doute soumis au pouvoir des clefs, comme nous l’avons dit plus haut, niais les péchés vraiment légers étaient guéris simplement par la compensation des bonnes œuvres. Ainsi, dit-il, « la ténacité sera expiée par l’humanité, l’injure sera compensée par une réparation, la tristesse par l’aménité, la dureté par la douceur, la légèreté par la gravité, la perversité par l’honnêteté, bref les contraires par les contraires. » Parœnesis ad pœnitentiam, loc. cit., col. 1084.

Saint Ambroise enseignait, comme saint Augustin, que les péchés légers sont expiés par la pénitence de chaque jour, par la prière, l’aumône et d’autres œuvres pies. De pœnitentia, 1. IV, c. xx, loc. cit.

Les documents romains ne nous fournissent guère de renseignements sur le traitement des péchés véniels. A l’approche" du carême et du temps pascal, saint Léon (440-461) invite les fidèles à la pénitence. Tous ont besoin de pardon. Sans doute chacun d’eux n’a pas le même motif de l’implorer : « Le péché diffère du péché et le crime diffère du crime en maintes manières. » Serm., i, c. i, P. L., t. liv, col. 306. Mais « il n’y a personne qui soit sans péché » , ncmo non peccat. Ibid., c. ni. Il faut enlever du miroir de l’âme jusqu’au moindre grain de poussière qui la salit, jusqu’à la plus légère fumée qui la ternit. Serm., xliii, c. iii, col. 283. Par quels moyens ? Par la largesse des aumônes et par le pardon des injures, par le jeûne et par l’abstinence. Serm., i, loc. cit. Le recours à la confession pénitentielle n’est pas indiqué.

En Orient, on voit poindre dès l’origine une autre discipline. Le directeur, xv6epvT|TY|î, dont parle Clément d’Alexandrie, recevait l’aveu de tous les péchés, notamment des péchés légers. C’était le seul moyen qu il eût de pénétrer à fond l’âme de celui pour qui il était comme 1’« ange de Dieu » , comme « l’ange de la pénitence » . Quia dives salve tur, c. xi.i, xlii, P. G., t. îx. col. 61â-618. Le médecin auquel Origène recommande pareillement il< s’adresser et qui avait la mission de guérir les moindres maladies de l’âme, aussi bien que les plus graves, devait nécessairement connaître par la confession toutes ces fautes vénielles sans lesquelles la vie n’est pas concevable. HomiU, ii, in Ps. xxxvii, c. vi, P. G., t. xii, col. 1386.

En résumé, la confession des péchés vraiment >< légers » ou « véniels » , qui ne paraît pas avoir été pratiquée d’abord en Occident, ne fut que de conseil dans les Églises d’Orient, où nous en trouvons la trace au iie et au iue siècle. Et encore il semble que « le directeur » ou « médecin » de l’àme, à qui se faisait cet aveu n’était pas nécessairement revêtu du caractère sacerdotal. Quant aux péchés énormes dits « mortels » , ad nwrtem, tous étaient matière de la pénitence et, par suite, de la confession faite à l’évêque ou au prêtre. Les autres péchés « moindres » , minora, leviora (que nous classons aujourd’hui parmi les péchés graves, voire mortels), publics ou secrets, étaient pareillement matière de la confession. Pour le ive siècle, les textes le prouvent à l’évidence et en abondance. Dès le début du ine siècle, nous en avons la preuve dans le De pœnitentia de Tertullien. Néanmoins il est bon d’observer que tous les docteurs ou Pères de l’Église ne s’entendirent pas dès l’origine sur la nature et le nombre des péchés qui devaient être considérés comme graves ou relativement graves. La liste qu’ils en auraient dressée, chacun à part ou même tous ensemble, ne serait sans doute pas superposable à celle que les théologiens et les casuistes ont composée depuis. Mais ils avaient tous le même principe pour juger de la gravité des péchés ; tous (et cela est digne de remarque) en appelaient à l’Écriture pour déterminer les péchés mortels : tels par exemple Tertullien, saint Cyprien, saint Augustin, saint Pacien, saint Basile, saint Grégoire de Nysse ; tous, par conséquent, considéraient la confession des péchés mortels comme obligatoire de droit divin.

Mode de la confession.

1. Exomologîse, confession

publique et confession secrète. — Dans l’antiquité chrétienne, chez les Pères latins aussi bien que chez les Pères grecs, la confession s’appelle assez communément « exomologèse » , è^ojj.oÀôi’rja-tç, exomologesis. Mais ce mot a un triple sens, qu’il importe de bien déterminer pour ne pas tomber dans la confusion : il signifie tantôt a) la confession préparatoire à la pénitence, b) l’ensemble des exercices extérieurs auxquels était soumis le pénitent, tantôt enfin, c) l’aveu public de culpabilité, préparatoire à la réconciliation ou absolution.

Le premier sens se reconnaît dans ce texte de saint Cyprien : Hoc ipsum apud sacerdotes Dei dolenter et simpliciter confitentes, exomologesim consciexti.e faciunt, animæ suæ pondus exponunl, salutarem medelam parvis licet et modicis vulneribus exposcunt. De lapsis, c. XXVIII, P. L., t. iv, col. 488. C’est aussi ce sens que Socrate avait en vue quand il raconte qu’une femme de qualité vint trouver à Constantinople le prêtre pénitencier pour lui faire Vexomologrse des péchés qu’elle avait commis depuis le baptême : 7rpo5r/9£ tû lia rrj ; (jLETavoi’a ; 71p£<Têvrlp< ; >, xai xaTa (xépoç èlioj/.o/.GiYEÏ’Tai rà ; ànapTia ;, aç èTC£7rpâ/£ : [AETa tô j3âimi|j.a. II. E., 1. V, c. xix, /’. G., t. lxvii, col. 616.

Tertullien décrit l’exomologrse dans le second sens. « Par l’exomologèse, dit-il, nous confessons nos fautes au Seigneur, non sans doute pour lui apprendre ce qu’il n’ignore pas, mais pour commencer notre satisfaction, faire pénitence et apaiser sa colère ; par cette discipline de prosternements et d’humiliation, l’exomologèse attire la miséricorde d’en haut. Le pénitent doit exprimer, par son genre de vie, le repentir dont il fait profession, coucher sur le sol et la cendre, ne plus se laver, livrer son âme à la tristesse, compenser ses égarements à force d’austérités, vivre de pain et d’eau, unir au jeûne la prière et les larmes, mugir nuit et jour vers le Seigneur, se prosterner devant les prêtres, s’agenouiller devant les amis de Dieu, caris Dei adgeniculari, supplier tous les frères d’intercéder pour lui. Ainsi l’on affirme son repentir, ainsi l’on venge l’honneur de Dieu, ainsi le pécheur prononce contre lui-même au nom de Dieu irrité et, par des souffrances