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CONCORDAT DE 1801


poser le choix des vicaires et desservants parmi les ecclésiastiques pensionnés (art. 68) ; « le montant de cette pension et le produit des oblations, » que devaient fixer les évêques sous la réserve de l’approbation du gouvernement (art. 5, C8, 69), devaient former leur traitement. « Les grandes communes » étaient autorisées à accorder à leurs curés « une augmentation de traitement » . D’autre part, l’Etat décrétait la restitution aux curés et même aux desservants des presbytères et jardins attenants, non aliénés. A défaut de ces biens, il autorisait les communes — et par le décret du 1 er pluviôse an XI (21 janvier 1803) il les obligera — à fournir à leur curé un logement et un jardin (art. 72). Enfin, conformément à l’art. 15 du concordat, les fondations étaient autorisées, à la condition de « ne consister qu’en rentes constituées sur l’Etat » , pas en immeubles, sauf s’il s’agit d’un presbytère et d’un jardin. Quant aux archevêques, leur traitement était de 15000 francs ; les évêques recevaient 10000 francs (art. 64, 65) ; les départements étaient autorisés à leur procurer un logement convenable (art. 71). Le budget des cultes en l’an X semble ainsi n’avoir pas dépassé 1200000 francs ; le chiffre des pensions s’élevait, il est vrai, pour les prêtres à 10 millions et pour les religieux à 13. — La section iv parle des édifices destinés au culte. L’art. 75, restreignant l’art. 12 du concordat, ne mettait à la disposition des évêques « qu’un édifice par cure ou succursale » , et en vertu « d’arrêtés du préfet » . Enfin l’art. 76 décrétait l’établissement des fabriques auxquelles le décret du 30 décembre 1809, rédigé comme les articles organiques, en dehors de toute intervention de l’Église, devait seulement donner une organisation ferme sous l’étroit contrôle de l’Etat.

Les articles organiques du culte catholique se résument donc bien, comme le dit M. E. Ollivier, dans ces deux mots : « usurpation et abus de pouvoir. » Dominée, surveillée, réglementée, pauvre, l’Église apparaissait peu redoutable. Suivaient les articles organiques des cultes protestants concernant « les protestants connus sous le nom de réformés (calvinistes) et les luthériens de la confession d’Augsbourg » , qui organisaient de même la tutelle de l’Etat.

Ainsi conçus et encadrés, les articles organiques pouvaient servir « de passeport au concordat » (Sorel) auprès des assemblées, si hostiles qu’elles fussent à Rome. Mais, dès janvier 1802, Bonaparte avait pris contre elles une autre précaution : profitant de l’imprécision de l’art. 38 de la Constitution de l’an VIII sur le mode de renouvellement du Tribunat et du Corps législatif, il les avait fait « épurer par le Sénat » . Enfin, la paix d’Amiens était signée (25 mars 1802) : il pensa pouvoir présenter « aux républicains la paix religieuse ce cadre magnifique : la paix européenne dans les limites de César » (Sorel). Le 2 avril, il présentait donc au Conseil d’État ce projet de loi : « La convention passée le 26 messidor an IX entre le pape et le gouvernement français et dont les ratifications ont été échangées à Paris le 23 fructidor an 1 (10 septembre 1801), ensemble les articles organiques de ladite convention et les articles organiques des cultes protestants dont la teneur suit, seront promulgués et exécutés comme des lois de la République. » Le Conseil d’État adopta sans discussion le concordat, que le premier consul lui avait lu dès le 8 août 1801, ii qui, présenté comme un traité, ne comportait de sa part aucune discussion ; les articles organiques du culte catholique et, après d’importantes modifications, les nrl ides organiques des cultes protestants (4 avril). Le Tribunat, sur le rapport de Siméon, adopta l’ensemble de la loi par 78 voix contre 7 sur 11* 1 m mil. 17 germinal, 7 avril). Au Corps législatif, la loi | par les trois conseillers d’État, Portalis,

.nul (de Saint-Jean d’Angélj) et Régnier, et parles ilcux tribuns, Lucien Bonaparte et Jaucourt, un pro tant, fut adopté lu 18 germinal an (8 avril 1802) par

228 voix contre 27 sur 3C0 membres. La loi était votée, il restait à la promulguer deux jours après suivant l’art., 37 de la Constitution. Dans l’intervalle avaient lieu la réception du légat, les nominations épiscopales, l’installation à Notre-Dame du nouvel archevêque de Paris, de Belloy (Il avril), etc. Enfin, une proclamation des consuls datée du 27 germinal ayant annoncé à la France le grand bienfait de la paix religieuse, le 28 germinal (18 avril), jour de Pâques, en même temps qu’étaient échangées les ratifications de la paix d’Amiens, la loi du 18 germinal paraissait au Bulletin des lois et était solennellement promulguée dans les quartiers de Paris. A Notre-Dame ensuite se célébrait une grande cérémonie d’actions de grâces pour la paix extérieure et la paix religieuse recouvrées ensemble : discours de I Boisgelin, ancien archevêque d’Aix, archevêque nommé I de Tours ; messe du légat ; à l’Évangile prestation du serment concordataire par les 27 évêques présents sur les 45 alors nommés ; enfin Te Deum. Le jour même de la publication du concordat devaient paraître au Bulletin des lois, d’après une note du Premier Consul en date du 18 germinal : 1° la bulle de la ratification solennelle Ecclesia Christi ; 2° la bulle de circonscription Qui Christi Domini ; 3° le décret exécutoire du légat, rédigé depuis décembre ; 4° le bref Quoniam favente Deo donnant au légat le pouvoir d’instituer les évêques ; 5° un décret rendant exécutoire en France l’induit du 9 avril 1802 par lequel le légat avait réduit à 1 le nombre des jours de fête chômés en dehors du dimanche. En réalité, ces 5 pièces complémentaires ne furent insérées au Bulletin qu’en thermidor an X ; mais dès le 20 germinal la bulle Ecclesia Christi, dès le 21 la bulle Qui Christi Domini avaient paru au Moniteur, et le 21, les deux bulles avaient été affichées dans les églises de Paris, le légat faisant ce jour même usage de son pouvoir d’institution en installant à Notre-Dam - le nouvel archevêque de Paris, de Belloy.

C’est seulement à partir du 28 germinal an X que le régime concordataire fut mis en vigueur. Les lois qui constituaient le régime dit de la séparation furent appliquées jusque-là par Fouché aux catholiques, avec une rigueur sans défaillance et qui redoublait si les négociateurs romains étaient moins traitables. Alors aussi prirent fin le culte constitutionnel obstinément maintenu par les évêques, le culte décadaire toujours imposé aux fonctionnaires. Quant aux théophilanthropes, leur culte avait été mortellement frappé par un arrêté consulaire du 12 vendémiaire an X (4 octobre 1801) leur étant la jouissance des édifices nationaux. La masse de la nation qui connaissait seulement le détail de la réorganisation religieuse se montra heureuse et reconnaissante. Le Génie du christianisme qui paraissait à ce moment (24 germinal), comme l’avait désiré Bonaparte, aida encore à la réaction religieuse. Cependant il y eut au régime concordataire une opposition de droite et une opposition de gauche. Celle de gauche ne se fit guère que dans l’armée : « arracheurs de prêtres, chasseurs de moines, metteurs à sac de couvents et grands liquidateurs » (Sorel), les généraux assistèrent de mauvaise grâce à la cérémonie de Notre-Dame ; il y eut même des complots. Cf. les Mémoires de Thibaubeau, de Pasquier, etc. A droite, ce fut le schisme anticoncordataire. Voir Anticoncordat aires, 1. 1, col. 1872-1875. Ce schisme ne devait pas s’éteindre facilement, bien que Louis XVIII ail eu la sagesse de ne point faire paraître la protestation qu’il avait préparée, Au dehors, l’impression fut excellente ; la Révolution parut seulement terminée et le prestige de lionaparlc grandit singulièrement à la suite de ce « grand acte de force et de sagesse » .

V. Ll> DESTINÉES DE LA LOI DU 18 GERMINAL AN X.

— En dehors des articles organiques concernant les cultes protestants, cette loi comprend donc deux parties :