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COMMUNISME

Comme une récréation. Enfin, la dévotion populaire et les préceptes des rabbins consacrent ces mœurs au bénéfice des rabbins voyageurs. Édersheim, op. cit., c. v, p. 57-00 ; Stapler, 1. I, c. xir, p. 226, 230. Et donc, Jésus, le rabbi de Nazaretb qui enseigne, guérit, pardonne les péchés et fait des miracles comme personne, trouvera bien facilement des bûtes pour lui et pour les siens. De là, ces traits d’hospitalité, ces silhouettes accueillantes dont sa vie est remplie : Simon et sa belle-mère, Matthieu-Lévi, des pharisiens, Zacbée le publicain, le maitre de la chambre haute, Lazare et ses sœurs, le propriétaire de Gethsémani, celui de l’ànesse et de î’ànon, Joseph d’Arimathie. Le communisme évangélique est solidaire d’un régime social de vie large et hospitalière, bien caractéristique de l’Orient.

Il présuppose donc, au point de vue économique, le régime soit familial, soit individuel de la propriété chez les amis de l’Évangile qui accueillent Jésus. Ce n’est paÇ un communisme exclusif, et qui se suffit par lui-même ; il dépend au contraire des subventions de la propriété privée, dans son propre milieu.

3° Dans la pratique de son enseignement, Jésus approuve cette dépendance : soit qu’il propose son communisme à des âmes choisies, soit qu’il prêche sur le salut des riches, il reconnaît l’état de propriétaire comme pleinement légitime.

1. Il propose son communisme aux seuls amis de l’Évangile qui veulent le suivre, qui veulent observer quelque chose de plus que les commandements, qui veulent être parfaits : l’histoire du jeune homme riche le démontre amplement. Matth., xix, 10, 22 ; Marc, x, 17, 22 ; Luc, xviii, 18, 24. C’est aux disciples, non aux foules que s’adressent les recommandations de ne plus se soucier du vêtement et de la nourriture, de ne plus épargner, de ne plus travailler matériellement : ils vivent de leur travail apostolique, sous la garde spéciale du l’ère céleste. Luc, xii, 22, Mi.

Jésus, sans doute, n’appelle pas que les douze à ce communisme détaché : saint Luc nous montre 70 ou 72 disciples associés à cette vie. Luc, x, 1, 7. Les douze eux-mêmes sont choisis dans une masse préexistante de disciples qui suivent Jésus. Marc, iii, 13, 14 ; Luc, vi, 13. Mais, ces disciples de second rang sont, eux aussi, des séparés et des dépouillés, comme les douze, et l’objet de spéciaux appels. Luc, ix. 57, 02. Leur communisme demeure un régime d’exception, que ne partagent I m les bienfaitrices accompagnant la caravane, car elles demeurent libres de leur- ; biens. Luc, viii, 2, 3.

2. Quant au salut des riches, Jésus le reconnaît impossible aux seules forces humaines, mais possible avec le

. us de Dieu. Matth., xix, 23, 20 ; Marc, ix, 23, 27 ; Luc, xviii, 24, 27. Pourvu que le propriétaire se regarde

ie l’intendanl des biens de Dieu, l’économe îles

pauvres, il sera sauvé. Luc. xvi, 3. Ce n’est pas d’avoir voulu amasser des récoltes et agrandir ses greniers que tel riche est blâmé’, mais de l’avoir lait eu oubliant Dieu. Luc, xii, 20, 21. C’est le jouisseur qui n’a pas secouru La/aie.ai hospitalisé les disciples, qui sera damné’; mais Zachée le riche publicain, est reconnu pour vrai lils d’Abraham. Luc. XIX, 10. Les holes des apôtres méritent le ciel pour les avoir bien reçus dans leurs voyacourus dans la persécution. Matth., xxv, 3’t, i< » . I imandations de l’aumône, de l’hospitalité,

ilu bon emploi des richesses incluent, nécessairement la reconnaissance de la propriété individuelle : si toul devait se melti mun, Jésus blâmerait ces libé ralités de propriétaires comme de vains palliatifs dans un étal de ne foncièrement condamnable ; Jésus présenterait le communisme évangélique à titre obligatoire,

nie la loi du salut, el non comme la charte facultative deaspirants a l’apostolat et à la perfection. I

ingile selon S. Luc, Paris, 1904, p. 150, 151. Ci. I

l’Église, 2e édit., Bellevue, 1903, p. 57-04.

D1CT. DE TlILoL. CAT1IOL.

On ne peut donc pas dire, avecEm. de Laveleye, que « dans tout chrétien qui comprend les enseignements de son maitre et les prend au sérieux, il y a un fonds de socialisme » , et que le christianisme a a formulé, dans les termes les plus nets, les principes du socialisme » . E. de Laveleye, Le socialisme contemporain, Paris, 1891, Introduction, p. XVII, xix. La distinction historique des enseignements de Jésus sur le salut des riches et de sis appels spéciaux au communisme évangéliquo réfute cette conclusion.

Il est vrai, néanmoins, d’ajouter, avec M. Em. de Laveleye : « Tout ce que l’on fait pour relever les humbles et adoucir le sort des indigents est conforme aux enseignements du Christ ; et ainsi, le socialisme, dans sa tendance générale, et en tant qu’il n’aspire, suivant la formule saint-simonienne, qu’à « améliorer la condition morale, intellectuelle et matérielle du plus grand « nombre » , procède évidemment de l’inspiration chrétienne. » P. 137, 138. Mais cette inspiration est chrétienne, et les programmes de communisme ou de collectivisme qui prétendent la réaliser ne se déduisent pas de l’Évangile, s’ils n’en démentent même, à certains égards, l’esprit de justice, comme on le verra plus loin.

Somme toute, le communisme évangélique est un régime spécial de noviciat apostolique et de perfection religieuse, imposé par Jésus aux compagnons de sa vie et de son ministère, mais à eux seuls. Ce n’est pas un essai de révolution sociale au bénéfice des « prolétaires » palestiniens. C’est néanmoins un régime à part et tout à fait nouveau dans Israël : les rabbins, pères de famille, exercent des métiers et ne vivent pas en commun ; les esséniens, qui vivent en commun, cultivant les palmeraies de l’oasis d’Engaddi, ne reçoivent pas le salaire de la prédication.. L’hospitalité que, dans leurs voyages, ils demandent à leurs affidés séculiers, n’est qu’un moyen transitoire d’existence pour eux ; ils sont essentiellement une communauté agricole qui se suffit par l’exploitation de son domaine. Ainsi, bien qu’adapté aux conditions sociales de son milieu, le régime du communisme évangélique est une création originale de Jésus. Stapler,

1. II, C. XIV.

IV. L’essai communiste de Jérusalem et l’enseignement des apôtres. — 1° Caractères de l’essai. — C’est une œuvre de [’initiative privée, et non de l’autorité ecclésiastique : les nouveaux convertis vendent champs et maisons, en remettent le prix aux apôtres ; et ceux-ci distribuent ou font distribuer à chacun les secours dont il a besoin. C’est le communisme le plus strict. Act., ii, 44, 45 ; iv, 32, 35. Deux innovations distinguent ce communisme d’avec celui du Sauveur et des disciples : 1. Ce n’est plus le régime particulier d’une caravane prêcheuse, que des propriétaires hospitalisent, subventionnent et salarient ; c’est l’état de vie général, ou peu s’en faut, dune population sédentaire dans une Église locale. 2. Ce groupe mange son fonds au jour le jour et se réserve naturellement un avenir de famine et de mendicité. Act., XI, 28 ; XXIV, 17 ; Gal., Il, 10. IL P. Rose, Les Actes des apôtres, Paris. 1905, p. il ; Mb 1 Le Camus, L’œuvre des apôtres, 2° édit., Paris, 1905, t. i, p. 45.

2° La cause de cet étrange régime n’est pas seulement l’union des cœurs tant admirée par saint Lue, et si louchante en réalité, v, 32 ; mais encore la perspective de la fin prochaine du monde et du jugement général, la perspective eschatologique. Elle domine visiblement la prédication des douze, et par suite, la religion de leurs néophytes. Ad., ii, 17, 20, 21, io, 42, 45. « Ils persévèrent dans la doctrine des apôtreset mettent tout en commun s (45). La t crainte o du juge tout proche explique cette folie de dépouillement, mêlée de grandeur et d’imprévoyance.

L’attitude des apôtres et leur tradition.

Les

apôtres se réservent : ils acceptent le régime que s’imposent les néophytes, mais en stipulant bien qu’il na

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