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COMMUNION EUCHARISTIQUE (SOUS LES DEUX ESPÈCES ;

à sucer son doigt préalablement trempé dans le précieux sang ou présentait une cuiller contenant quelques gouttes du précieux sang, dom Martène, op. cit., 1. I, c. xiv, t. i, p. 430 ; Gasparri, op. cit., t. il, n. 1121, usage encore suivi aujourd’hui dans plusieurs riles orientaux avec l’agrément du saint-siège, comme le prouve la réponse du Saint-Ofiice du 14 juin 1741. Colleclanea S. C. de Propaganda fide, n. 713, Rome, 1893, p. 280. Parmi les usages reprochés aux Arméniens au xive siècle, figurait celui de donner l’eucharistie aux enfants après le baptême, a. 58. Les Arméniens expliquèrent cet usage en disant qu’ils ne leur donnaient qu’une petite bouchée de pain consacré, et qu’ils ne tenaient pas cette pratique pour nécessaire, ad 58"™. Raynaldi, an. 1341.

Conclusion. — Deux faits sont hors de doute : l’existence plus ou moins restreinte, pendant toute cette période, d’une coutume de communier sous une seule espèce, plus habituellement celle du pain, soit en dehors des églises, soit même dans l’intérieur des églises, et l’approbation au moins tacite donnée par l’Église à cette même coutume, approbation qui plus tard devint absolument préceptive. En face d’une telle coutume même restreinte, l’inexistence du précepte divin est évidente, car l’Église n’a aucun pouvoir de supprimer ni même de modifier un précepte divin. Elle est d’ailleurs incapable d’erreur doctrinale dans la discipline qu’elle commande ou qu’elle autorise.

2e période, depuis le xiw siècle jusqu’au commencement du xv c. — Deux faits se produisent au xiiie siècle. L’usage de communier sous l’espèce du vin disparait entièrement pour les laïques, et l’Église, en approuvant cette universelle désuétude, la veut obligatoire, ainsi que le montre sa constante manière de faire. La désuétude du calice, surtout après l’entière suppression de Yintinctio, se généralise de plus en plus dans le courant du xme siècle. Saint Thomas constate que provide in quibusdam Ecclesiis observatur ut populo sanguis sumendus non detur, sed solum a sacerdole sumatur. Suni. theol., III » , q. lxxx, a. 12. Selon saint Bonaventure, In IV Sent., dist. XI, punct. ii, a.l, q. n.Quaracchi, 1889, t. iv, p. 257, les fidèles, bien qu’ils ne reçoivent Jésus-Christ que sous l’espèce du pain, perfeclum sacramentum recipiunt quia ad efficaciam recipiunt. La nouvelle coutume s’établit progressivement, sans le secours d’aucune législation formelle pour toute l’Eglise ; ce qui explique en certains endroits la persistance plus prolongée des anciens usages. Le synode de Lambeth (1281) décide que le vin consacré doit être pris par les prêtres seuls et qu’il faut donner aux fidèles du vin non consacré. Can. 1, Mansi, t. xxiv, col. 405. A quelle époque précise l’universelle désuétude dut-elle être considérée comme approuvée par l’Église et devenue même strictement préceptive ? Aucun document ne permet de l’affirmer exactement. Mais il est certain que l’obligation rappelée par le concile de Constance en lilô et par le concile de Trente, au xvie siècle, était déjà ancienne. L’Église ne pouvant imposer un précepte ecclésiastique contraire au droit divin, il est donc certain qu’il n’y a aucun précepte divin obligeant à communier sub utraque. Quant à l’Orient, nous avons déjà prouvé que la coutume de Vintinctio se maintint pendant toute cette période, et que cette coutume, loin de prouver l’existence d’un précepte divin de communier sous les deux espèces, démontre plutôt son inexistence,

3’période, depuis le commencement du xv siècle jusqu’à l’époque actuelle. — a) Documents ecclésiastiques. — a. Condamnation de l’erreur des calixtins du xv siècle. — Concile de Constance, sess. XIII, Hefele, Histoire des conciles, Paris, 1874, t. xi. p. 477 sq. Celle condamnation portée par les Pères de Constance

15 juin 1415 fut approuvée par Martin V confirmant ce qu’avait décidé le concile in maleriis fidei et conci liariter ou in favorem fidei et salutem animarum, approuvée surtout par Eugène IV recevant en 1446 tous les décrets de Constance, absque tamen præjudicio juris, dignitatis et præeminenlise sedis aposlolicæ. D’ailleurs Martin V, dans la bulle Inter cunctas du 22 février 1418, réprouva directement les erreurs de Jean Hus et mentionna distinctement cet article parmi ceux sur lesquels on devait interroger ceux qui étaient suspectés de suivre les nouvelles doctrines : Utrum credat quod consuetudo communicandi personas laicales sub specie panis tantum ab Ecclesia univcrsali observata et per sacrum concilium Constantin approbata sit servunda sic quod non liceat eam reprobare aut sine Ecclesise auctoritate pro libito immulare. Et quod dicentes perlinaciter oppositum prsemissorum lanquam Itœretici vel sapientes hseresim, sint arcendi et puniendi. Denzinger, Enchiridion, n. 562. Des termes mêmes de la condamnation, il est manifeste que la coutume universelle alors suivie dans l’Église de communier sous la seule espèce du pain avait force de loi et qu’on ne pouvait désormais s’en écarter sans la permission de l’Église.

b. Privilège accordé aux calixtins de Bohême, parle concile de Baie, mais sans l’agrément d’Eugène IV qui avait déjà désavoué le concile. Ce privilège avait été concédé sous les deux réserves formellement stipulées dans l’accord de Prague en 1433, sous le nom de compactata. Voir Calixtins, t. ii, col. 1366. Cette concession qu’aucun pape n’avait approuvée fut positivement révoquée sur l’ordre de Pie II par le nonce Fantini le 13 août 1462. Pastor, Histoire des papes, trad. Raynaud, Paris, 1892, t. iii, col. 221 sq.

c. Intervention du concile de Trente dans la question des utraquistes protestants. — Au point de vue doctrinal, le concile définit trois vérités dogmatiques : l’inexistence d’un précepte divin de communier sous les deux espèces, l’existence du pouvoir disciplinaire de l’Église dans la dispensation des sacrements et la réalité du sacrement eucharistique même dans la communion sous une seule espèce. Au point de vue disciplinaire, le concile, après avoir affirmé la loi ecclésiastique interdisant désormais aux laïques pour de justes et graves raisons l’usage du calice, fut d’avis de laisser entièrement au pape toute décision sur l’opportunité de concéder l’usage du calice, aux instantes sollicitations de l’empereur d’Allemagne. Decretum super pelitione concessionis calicis, à la fin de la session XXIIe ; Theiner, op. cit., t. il, p. 127 sq.

En 1564, Pie IV, sur les instances de l’empereur Ferdinand et pour empêcher de très grands maux, jugea utile d’autoriser quelques évêques d’Allemagne à permettre l’usage du calice là où seraient réalisées les causes très graves exposées dans la demande. Le pape exigeait d’ailleurs des conditions sauvegardant l’intégrité du dogme catholique et la légitimité de la loi générale de l’Eglise. Pallavicini, Histoire du concile de Trente, 1. XXIV, c. xii, édit. Migne, Paris, 1864, t. iii, col. 700. Les graves inconvénients qui résultèrent de cette concession la firent supprimer par le pape l’année suivante. Depuis cette époque, ce privilège existe rarement pour les laïques. Benoit XIV affirme qu’à son époque les rois de France avaient encore le privilège de communier sous les deux espèces au jour de leur couronnement et à l’article de la mort. De sacrosancto missæ sacrificio, 1. II, c. XXII, n. 32. Quant aux clercs non célébrants, le seul privilège encore existant est celui du diacre ou du sous-diacre officiant à la messe solennelle du pape et qui reçoivent la communion sub utraque. Au xviiie siècle, ce privilège était partagé par le diacre et le sous-diacre officiant à la messe solennelle à Saint-Denis prés de Paris, les dimanches et fêtes solennelles, et à Cluny à toutes les fêtes de précepte. Benoit XIV, loc. cit.