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COMMUNION EUCHARISTIQUE (FRÉQUENTE)

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l’oraison mentale et que l’on mortifie ses sens et ses passions. Puis il cite trois textes, l’un de saint François de Sales exigeant que l’on ait dompté la plus grande partie de ses mauvaises inclinations et qu’on soit arrivé à un degré de perfection assez élevé, un autre de saint Thomas demandant qu’on ait appris par expérience que la communion augmente la ferveur de l’amour divin, un troisième d’Innocent XI, dans le décret de 1679, statuant que c’est au directeur spirituel à déterminer si l’on doit communier plus ou inoins fréquemment et que le directeur ne doit lui-même se déterminerque d’après le degré d’utilité qu’en retirent les âmes dont le soin lui est confié. Saint Alphonse termine en recommandant au moins une demi-heure d’oraison mentale comme préparation prochaine à la communion et un long acte d’action de grâces pour retirer un grand fruit de la communion.

Une comparaison attentive de ces textes conduit à cette conclusion que saint Alphonse, tout en recommandant l’oraison mentale, ne l’exige point absolument pour la communion quotidienne, puisqu’il l’omet dans le texte de la Praxis confessarii, et que dans la Pratique de l’amour envers Jésus-Christ, il cite avec éloge les textes de saint François de Sales, de saint Thomas et d’Innocent XI qui n’en parlent point.

c) Enseignement théologique postérieur à saint Alphonse de Liguori. — Les théologiens reproduisent généralement la doctrine et les règles pratiques du saint docteur, avec quelques divergences pratiques plus ou moins restrictives. Scavini, Theologia moralis universa, tr. IX, De eucharislia, disp. IV, c. v, a. 2, 4’édit., Noyare, 1850, t. iii, p. 123 sq. ; Gousset († 1866), Théologie morale, 3e édit., Paris, 1845, t. ii, p. 153 sq. ; Gury († 1866), Tlieologia moralis, t. ii, n. 338 sq., ainsi que toutes les éditions dépendantes de Gury ; Dalgairns, La sainte communion, trad. Godard, c. vi sq., 3e édit., Paris, 1884, t. I, p. 296 sq. ; t. H, p. 5 sq. ; Rosset, lnstitutiones sacrée theologise, De eucharistise sacramento, c. VI, a. 5, Chambéry, 1876, p. 458 sq. ; Mûller, Theologia moralis, 6e édit., Vienne, 1895, t. III, p. 234 sq. ; Marc, Theologia moralis, t. ii, n. 1575 sq. ; Gasparri, Tractatus canonicus de sanctissima eucharislia, c. xi, n. 1137, Paris, 1897, t. ii, p. 367 sq. ; Aertnys, Theologia moralis, 1. VI, tr. IV, c. v, n. 92 sq., 5e édit., Paderborn, 1898, t. il, p. 57 sq. ; Lehmkuhl, Theologia moralis, t. il, p. 156 sq. ; Génicot, Theologise moralis lnstitutiones, t. II, p. 195 sq. ; Lejeune, La pratique de la sainte communion, Paris, 1900, p. 163 sq. ; Tanquerey, Synopsis theologise dogmatiese, De sacramento eucharistise, c. il, n. 148 sq., 5e édit., Paris, 1901, p. 120 sq. ; Noldin, Surnnia theologise moralis, De sacramentis, De eucharistia, n. 163 sq., 4e édit., Inspruck, 1903, t. iii, p. 163 sq.

Cependant, vers la fin du xixe siècle, sous l’impulsion d’un très remarquable courant de vie eucharistique, se produisit un mouvement considérable en faveur de la communion fréquente ou quotidienne, soit parmi les fidèles, soit dans les communautés religieuses, même dans celles qui y avaient été jusque-là moins accessibles. Ce mouvement fut aidé dans les communautés religieuses par le décret Quemadmodum de 1890 et par plusieurs décrets antécédents ou subséquents déjà mentionnés. Parmi les fidèles le mouvement fut puissamment secondé par de nombreuses œuvres eucharistiques, par les congrès eucharistiques partout encouragés et particulièrement par l’encyclique de Léon XIII. Viré caritati » du 28 mai 1902. Cependant ne suivirent point ce mouvement ou ne le suivirent point avec la même allure.

D’une »nrt, l’on insistait sur ce que la communion fréquente, accompagnée d’attache à des fautes vénielles ou faite sans la dévotion et le respect convenables, est

en elleme coupable et reste en très grande partie

Ineffective ou est même plutôt nuisible à l’âme. — Si

DICT. DE TIILOI CATI10L.

toute communion faite avec une affection positive persistante à quelque faute vénielle est légèrement coupable, Dominique Soto, In 1 V Sent., dist. XII, q. i, a. 4 ; Laymann, Theologia moralis, 1. V, tr. IV, c. VI, n. 3, Lyon, 1654, p. 830 ; Gonet, De eucharistise sacramento, disp. VIII, a. 3, n. 59 ; Lugo, De eucharistise sacramento, disp. XIV, n. 22 sq. ; Salmanticenses, Cursus theoiogicus, De eucharistise sacramento, disp. XI, n. 77 ; Id., Cursus theologise moralis, tr. IV, c. vii, n. 20 sq. ; S. Alphonse de Liguori, Theologia moralis, 1. VI, n. 270 ; Praxis confessarii, n. 149, il y a aggravation de cette culpabilité à répéter souvent une telle communion, d’autant plus que la volonté, en y persévérant malgré l’occasion si favorable de la réception du sacrement, manifeste beaucoup plus d’attache positive. — Une telle communion reste en très grande partie ineffective. Il est vrai qu’elle produit quelque augmentation de grâce sanctifiante, mais cette grâce et celles qui l’accompagnent sont très limitées par les dispositions très imparfaites du sujet. Cette limitation des grâces du sacrement, bien qu’elle ne doive nullement empêcher la communion hebdomadaire habituellement nécessaire pour maintenir l’âme en état de grâce, est cependant une raison pour s’abstenir de la communion fréquente dont le but principal est non de préserver du péché mortel, mais d’augmenter dans l’âme la ferveur de la charité actuelle. Dans le premier cas, l’avantage incomparable de la préservation du péché mortel l’emporte de beaucoup sur l’inconvénient résultant des dispositions imparfaites. Dans le second cas, l’avantage très restreint de cette faible augmentation de grâce ne compense point les inconvénients considérables qui sont surtout les péchés véniels commis, la stérilisation presque complète du sacrement et une sorte de confirmation permanente dans la tiédeur dont ce sacrement d’amour ne peut lui-même retirer. — Ufie telle communion est de fait plutôt nuisible à l’âme tiède qui persiste dans l’affection coupable au péché véniel, soit parce que cette âme contracte ainsi une dangereuse habitude de négligente familiarité avec ce sacrement, soit parce que la volonté restant insensible aux grâces si abondantes de ce sacrement d’amour s’immobilise dans la tiédeur, souverain danger des âmes qui devraient tendre à la perfection. Billot, De Ecclesise sacramentis, 2e édit., Rome, 1896, 1. 1, p. 521. Il est vrai que toutes ces raisons ne s’appliquant réellement qu’au péché véniel positivement consenti et auquel on garde quelque affection, c’est lui seul que l’on est tenu d’écarter et que cette disposition absolument nécessaire aux âmes qui veulent vraiment tendre à la perfection chrétienne doit être, en principe, facilement réalisable chez toutes les âmes soucieuses de plaire à Dieu.

Dans cette ardeur à insister sur l’exemption de toute attache au péché véniel, l’on ne tenait point toujours compte de l’enseignement commun des théologiens avec saint Alphonse, qu’à raison de besoins graves et particulièrement pressants la communion fréquente peut être permise à des âmes qui commettent habituellement des péchés véniels délibérés, S. Alphonse de Liguori, Praxis confessarii, n. 149 ; enseignement théologique qui peut aussi s’appliquer, au moins transitoirement, à des habitudinaires sincèrement résolus à se corriger et suffisamment disposés pour retirer un réel profit de cette fréquentation extraordinaire de la communion. Le texte de saint Alphonse, que nous venons de rappeler, affirmant, sans aucune réserve, que cette Iréquentation peut être parfois permise à ceux qui sont en danger de tonilier dans le péché mortel, peut s’entendre aussi des âmes gravement exposées au danger île rechute. D’ailleurs dans sa Réponse apologétique au docteur Cyprien AristasiuS sur la matière de la communion fréquente, 1762, le saint docteur cite avec (doge les témoignages de plusieurs théologiens, particulièrement de Cacciaguerra et de Cuniliati, conseillant, dans certains cas, la

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