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COLOMBAN (SAINT)

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et pourtant il ne fut pas négligé, comme sur l’école qui fut prospère et très fréquentée. Il n’y est rien dit de la probation, du noviciat, de la distinction entre les religieux prêtres et leurs confrères laïques. Les vœux eux-mêmes, cette essence de la vie claustrale, se pressentent, plutôt qu’ils apparaissent, à certaines prescriptions, et la stabilité dans le monastère, article important à cette époque, où pullulaient tant de moines « gyrovagues » , est donnée, moins comme une conséquence du vœu d’obéissance que comme un degré de perfection. Bref, on devine un coutumier ; mais le texte ne fut point arrêté. Saint Colomban était de ces supérieurs qui acceptent difficilement d’être gênés par des textes écrits.

Cette règle de Luxeuil exigeait trop de l’humaine faiblesse. De plus, appliquée sans intelligence par un chef imprudent ou inexpérimenté, elle pouvait aboutir à la ruine de l’activité, entraîner la perte de toute initiative individuelle. Enfin, elle n’assurait aux monastères, ni coutumier précis, ni organisation stable. Autant de causes qui la mettaient en infériorité notoire vis-à-vis de la règle de saint Benoît, si positive et si pratique, si prudente et si pondérée.

La règle de saint Colomban a été éditée par Fleming, Collectanea sacra…, Augsbourg, 1C21, et, après lui, entre autres, dans la Bibliotheca maxima Patrum, t. xii, p. 3, et P. L., t. i.xxx, col. 209-224. La Régula cœnobialis a été publiée séparément par O. Seebass, dans Zeitschrift fur Kirchengeschichte, t. xvii, p. 215. — Voir suf la règle de Luxeuil, 0. Seebass, Ueber Columban von Luxcuils Klosterregel und Bussbuch, Dresde, 1883 ; Malnory, Quid Luxovienses monachi ad régulant monasteriorum contulerint…, Paris, 1894 ; E. Martin, Saint Colomban, p. 40 sq. —Sur la liturgie des moines cettes, lire W. C. Bishop, The Antiphonary of Bangor, dans Church Quarterltj Rewiew, 1894 ; dom Morin, Explication d’un passage de la règle de saint Colomban relatif à l’office des moines celtiques, dans la Revue bénédictine de Maredsous, 1895.

Influence et déclin.

Par sa haute personnalité,

l’ardeur de ses disciples (Eustase, Athala, Walbert, Gall, Aile, Sigisbert, etc.) et le zèle de ses admirateurs (Wandrille, Philibert, Fara, Éloi, Ouen, etc.), plus peut-être que par les qualités de sa règle, saint Colomban fut dans la Gaule septentrionale et dans la Suisse allemande, durant les deux premiers tiers du vif siècle, le patriarche de la vie monastique. Nombreux furent les cloîtres que bâtirent ou peuplèrent ses moines ou des religieuses qui suivaient des statuts analogues. Tels Grandval, Pfermund et Saint-Ursanne, au diocèse de Bàle, les seules fondations directes de Luxeuil ; Lure, Saint-Paul de Besançon et Jussanum au diocèse de Besançon ; Notre-Dame, à Nevers ; Jouet, Notre-Dame de Sales et Charen(on, au diocèse de Bourges ; Quinay et Noirmoutier, au diocèse de Poitiers ; Coutances (’?) ; Fontenelle, Jumièges, Fécamp, Pavilly, Montévilliers, Pentale, au diocèse de Rouen ; SaintValéry et Saint-Riquier, au diocèse d’Amiens ; Sithiu, au diocèse de Thérouanne ; Elnone, au diocèse de Tournay ; Stavelot et Malmédy, au diocèse de Maêstricht ; Saint-Jean et Barisy, au diocèse de Laon ; Hautevilliers, au diocèse de Beims ; Montiérender, au diocèse de Chàlons ; Farernoutiers, Rebais et Jouarre, au diocèse de Meaux ; Bèze, au diocèse de Langres ; Bonmoutier, Saint-Dié, Senones, Moyenmoutier et Remiremont, au diocèse de Toul ; Ebersmunster et Munster, en Alsace ; Saint-Gai) et Dissentis, en Suisse, elc.

Ces monastères suivaient des constitutions qui, de près ou de loin, tenaient à celles de Luxeuil ; à cette époque, en effet, tout fondateur d’abbaye se faisait sa règle lui-même, en butinant par tous les codes qu’il voyait en usage autour de lui. La règle, à laquelle on fit les plus larges emprunts, fut la règle de saint Benoit. On commença, selon toute apparence, par lui prendre ses dispositions organiques et par tempérer, d’après son esprit, les trop rudes austérités des constitutions de saint Colomban. S’il faut en croire un diplôme de saint Faron. évéque de Meaux, pour Bebais (030), Pardessus, Diplo mate/., t. ii, p. 40, où se trouve la mention Régula S. Benedicti, ad modum Luxoviensis monasterii, saint Walbert, troisième abbé de Luxeuil. a dû procéder de cette façon, pour son abbaye, et Babolène, son confrère de Bobbio, semble avoir agi pareillement. Les monastères qui s’ouvrirent, surtout à partir de 640, dans le courant du viie siècle, par toutes les contrées de la domination mérovingienne — nous en pouvons juger par les chartes royales — furent établis « conformément aux institutions de saint Benoît et de saint Colomban » , et cette formule se rencontre alors si fréquemment qu’elle se trouve insérée dans le Fomudaire de Marcoulf et sert vraiment de caractéristique aux documents de cette époque.

Mais ses qualités mêmes de prudence et de modération assurèrent le triomphe complet et définitif de la règle du Mont-Cassin. En 817, sur la motion de Louis-le-Débonnaire, pour assurer l’unité de vie et de pratiques, le concile d’Aix-la-Chapelle prescrivit, dans tous les monastères de l’empire carolingien, l’adoption de la règle de saint Benoît. Luxeuil et Bobbio renoncèrent alors, s’ils ne l’avaient déjà fait, à leurs observances si rigoureuses et aux traditions importées d’Irlande. Malgré leur importance et leur renom, ces cloîtres ne furent plus que de simples unités dans l’ordre bénédictin et plus tard dans les congrégations de Saint-Vanne et du Mont-Cassin. Puis, Colomban, en dépit de l’histoire, passa, jusque dans sa chère maison de la Trébie, pour un disciple de saint Benoit, le grand patriarche des moines d’Occident. Il se perdit dans l’innombrable phalange de saints et de bienheureux qui sèment, brillantes étoiles, le chemin par lequel Subiaco monta aux célestes parvis.

Sur l’influence de Luxeuil, voir Malnory, Quid Luxovienses monachi, déjà cité ; Hauck, Kircliengeschichle Dejitschlands, 1887, t. i, p. 267 sq. — Bobbio eut surtout un rôle littéraire, et sa bibliothèque, réunie surtout entre le vin* et le X’siècles, fut l’une des plus riches collections monastiques. Cf. Muratori, Antiq. liai., diss. XLIII, t. m ; Bossetti, Bobbio illustrato, Turin, 1795 ; A. Peyron, M. Tullii Ciceronis orationum fragmenta itiedita. Prsefatio : De bibliotheca bobbiensi, Stuttgart et Tubingue, 1824 ; O. von Gebhart, Ein Bùcherfund in Bubbio ; 0. Seebass, Handschriften von Bobbio, dans Centralblatt fur Bibliothekenwesen, Leipzig, t. v, xiii.

III. Pénitentiel.

On a prétendu que moins avancée sur ce point que l’Italie, l’Afrique et les Iles-Britanniques, l’Eglise des Gaules maintenait encore à la fin du vie siècle pour les péchés graves, même cachés, le système primitif de la pénitence publique, ce qui n’allait point sans inconvénients sérieux. Saint Colomban transplanta dans sa nouvelle patrie la pratique de la confession auriculaire, depuis longtemps en vigueur dans l’Erin. Cf. E. Lœnini ;, Geechichte des deutschen Kirchenrechts, Strasbourg, 1878, t. ii, p. 408 sq. ; Malnory, Quid Luxovienses ntoitaclii, etc., p. OU sq. Mais l’institution du ministère sacerdotal et secret de la pénitence en Gaule n’est pas l’œuvre de saint Colomban ni celle de ses disciples. L’épiscopat franc, si peu favorable au fondateur de Luxeuil et aux moines irlandais, n’eut pas facilement accepte d’eux un changement de discipline grave et imprévu. Cf. L. Duchesne, Bulletin critique, 1883, t. IV, p. 300-307. Ce changement, d’ailleurs, s’était déjà elfectué dans des régions totalement fermées à l’influence de Luxeuil, telles que Rome et Tolède. II était, en outre, le terme d’une longue évolution qui avait rendu la pénitence secrète et privée de solennelle et publique qu’elle était. P. Batiffol, Études d’histoire et de théologie positive, l" 1 série, 3e (’dit., Paris, 1904, p. 193-194. Colomban et ses disciples furent seulement en Gaule les apôtres de la confession privée, peu pratiquée ; et pour en faciliter la pratique, le fondateur de Luxeuil remplaça la pénitence par l’imposition des mains et la réconciliation publique par la pénitence privée, usitée dans les monastères. Et, pour guider le juge à ce tribunal des consciences, pour déterminer les