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CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU)

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On voit que l’Église continue d’admettre l’image du Cœur séparé. Mais elle a expliqué en 1891, que cette image, permise à la dévotion privée, ne doit pas être exposée à la vénération publique sur les autels. Il va de soi, d’ailleurs, et ce point aussi a été expliqué, qu’il n’y a pas image du Sacré-Cœur, si le cœur n’est pas visible. Le Sacré-Cœur offert par l’Église au culte public, c’est donc Jésus montrant son cœur.

2. Le Cœur de Jésus pénitent ou le Cœur pénitent de Jésus ; le Cœur miséricordieux. — L’Église a approuvé et enrichi d’indulgences l’Archiconfrérie de prière et de pénitence en union au Cœur de Jésus ; mais elle a condamné le titre : Cœur pénitent de Jésus ; Cœur de Jésus pénitent pour nous ; Jésus pénitent ; Jésus pénitent pour nous. Décret du Saint-Oflice, 15 juillet 1893. Ce décret se rattache à un ensemble d’actes du saint-siège contre un petit groupe d’obstinés établis à Loigny, qui malgré des condamnations multiples continuaient d’imaginer et de publier des révélations du Cœur de Jésus pénitent. Voir l’ensemble des actes depuis 1888 jusqu’à 1894, dans les Analecta ecclesiastica, 1894, t. il, p. 291-301. On peut sans doute donner à ce titre un sens juste et vrai, et il a été employé quelquefois ; mais, en soi, il est équivoque ou inexact, car la pénitence emporte le regret et la détestation de ses propres fautes.

Le titre de Cœur miséricordieux n’a pas le même inconvénient. Il a pourtant été désapprouvé en 1875, parce qu’on prétendait le substituer à celui de Sacré-Cœur. Voir Acta S. sedis, t. XII, p. 531.

3. Le Cœur eucharistique de Jésus. — Depuis quelques années, l’Église approuve et enrichit d’indulgences des prières et pratiques en l’honneur du Cœur eucharistique. Il y a même à Rome une archiconfrérie sous ce litre. Mais il y a eu d’abord des résistances, et il a fallu des explications. En 1891, un décret du Saint-Office désapprouvait les emblèmes du Sacré-Cœur dans l’eucharistie, c’est-à-dire, en pratique, les hosties avec image du Sacré-Cœur. C’est assez, disait le décret, des images du Sacré-Cœur reçues et approuvéesdans l’Eglise ; et il expliquait que le culte du Sacré-Cœur dans l’eucharistie n’est pas plus parfait que le culte de l’eucharistie, ni différent du culte du Sacré-Cœur. A ce décret, comme à celui sur le Cœur pénitent, comme à beaucoup d’autres, la S. C. joint l’avis du 13 janvier 1873, contre la manie d’innover et d’inventer des dévotions nouvelles : il y a là un danger pour la foi, et cela donne aux incrédules occasion décrier.

4. Culte et image de Notre-Dame du Sacré-Cœur.

— On sait l’extension qu’à prise le culte de Notre-Dame du Sacré-Cœur d’Issoudun. L’Église est intervenue deux ou trois fois pour le régler. En 1875, un décret du Saint-Office expliquait qu’on ne peut attribuer à la Sainte-Vierge aucun empire proprement dit, aucune autorité sur le Cœur de Jésus. Sous bénéfice de cette explication, le titre est admis ; mais on désapprouve l’image où Jésus est debout devant Marie ; on veut que l’enfant soit aux bras de sa Mère. On tolère la statue même d’Issoudun, mais pas le « reproductions. Décret du Saint-Office, 3 avril 1895.

5° Vie et rayonnement social de la dévotion : Recours et hommage. Les peuples et le Sacré-Cœur. La France et le Sacré-Cœur. — La fi. Marguerite-Marie avait demandé, au nom du Sacré-Cœur, un hommage solennel du roi et de la cour. Cet hommage ne fut pas rendu alors. Mais les catholiques français ont repris l’idée depuis 1870 et ils gardent l’espoir que la nation fera un jour ce que le roi n’a pas fait. A cette idée d’hommage, la Bienheureuse en joignait une autre, celle du Sacré-Cœur comme refuge et salut dans les calamités publiques. Celle-ci entra vite en circulation. Nous avons vu Marseille en 1720 et 1722 recourir ainsi à ce Cauur miséricordieux ; d’autres villes en firent autant.

Plus tard, nous voyons d’autres groupes agir de même.

L’élite des catholiques de France le faisait pendant la Révolution. Ils recouraient instamment au Sacré-Cœur, et l’idée s’était répandue parmi eux qu’il n’y avait de salut que là. On a dit que Louis XVI, déjà prisonnier, aurait, le 10 février 1792, obtenu d’entrer à Notre-Dame de Paris, avec sa famille, et se serait consacré au Sacré-Cœur, lui, sa famille et son royaume. Voir Messager du Sacré-Cœur, avril 1881, t. xxxix ; Letierce, Le Sacré-Cœur, p. 387. En 1815, l’Ami de la religion publiait une belle prière, et un vœu que le roi captif aurait fait en 1792, où il promettait, entre autres choses, s’il redevenait le maître, d’aller à Notre-Dame de Paris, « sous trois mois à compter du jour de sa délivrance… et d’y prononcer…, entre les mains du célébrant, un acte solennel de consécration au Sacré-Cœur, avec promesse de donnera tous ses sujets l’exemple du culte et de la dévotion qui sont dus à ce Cœur adorable. »

On donnait des détails précis sur la provenance des deux pièces, prière et vœu : elles venaient de M. Hébert, général des eudistes, confesseur du roi ; l’abbé qui les avait remises au journal était désigné par des initiales transparentes, et assurait les tenir de M. Hébert lui-même ; le journal ajoutait que ces pièces avaient déjà été publiées « dans un recueil de prières imprimé sans nom d’année » . Ami de la religion, t. iii, p. 77-80. Depuis, on a beaucoup écrit sur ce sujet ; je n’oserais pas dire que la question soit élucidée. Cf. Messager du Sacré-Cœur, t. xxxix ; Letierce, loc. cit., p. 389.

Il est sûr au moins que, dans le temps même, on croyait « que le roi, pour obtenir de Dieu sa délivrance et celle de sa famille, avait fait vœu de demander au pape… qu’il voulût bien instituer en fête solennelle pour tout son royaume la fête des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie » . Relation inédite de l’abbé Boulangier, citée par H. Fouqueray, Études, 20 octobre 1905, t. cv, p. 163.

Il est sûr aussi qu’il était question, parmi les captifs du Temple, du Sacré-Cœur et de la consécration de la France au Sacré-Cœurde Jésus. Un inventaire des objets trouvés parles délégués de la Convention l’indique clairement ; il signale une image du Ca’iir de Jésus et du Cœur de Marie, une feuille imprimée de 4 pages intitulée : Consécration de la France au Sacré-Cantr de Jésus, et il donne un extrait très beau de l’acte de consécration. Voir Reauchesne, Vie de Madame Elisabeth, t. il, p. 122. Cf. Letierce, loc. cit., p. 410.

Les témoignages abondent de ce recours général au Sacré-Cœur pendant la Révolution. On sait que les soldats vendéens portaient ostensiblement une petite image brodée du Sacré-Cœur. Victoire de Saint-Luc, une des dernières victimes de la Terreur, fut guillotinée à Quimper, pour avoir confectionné de ces petites images.

Le P. Lanfant, une des victimes de septembre, parle, dans une de ses lettres, avril 1791, de miracles attribués à l’image. Il dit ailleurs, qu’un seul couvent de Paris en a distribué’cent vingt-cinq mille, et que « les têtes les plus illustres, les télés même couronnées, sont munies de ce pieux bouclier » . Il écrit encore : « La dévotion au Cœur fait de grands progrès… Elle est regardée comme devant être le salut de l’empire. Ce n’est pas sans doute une vérité de foi, mais la piété se nourrit de cette idée. » Des détails semblables abondent sous sa plume. Voir II. Fouqueray, Le Père Lanfant, dans les Études, 20 octobre 1905, t. cv, p. 162-163. Ces images excitèrent la fureur des jacobins, qui voyaient là un signe de ralliement contre la République. Voir des renseignements curieux à ce sujet, dans les Etudes, loc. cit., p. 162-llit.

Le xix c siècle nous montre maint exemple semblable de recours au Sacré-Cœur dans les calamités publiques. Que de consécrations, que de vœux au Sacré-Cœur durant la guerre de 1870-1871 !