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CLAUDE DE TURIN


saint Paul. Louis le Débonnaire étant devenu empereur par la mort de Charlemagne (814), Claude le suit à Aixla-Chapelle, où il explique l’Écriture aux clercs de l’école palatine. Il y rencontre Juste, abbé du monastère de Charroux (diocèse de Poitiers), qui lui demande, pour ses moines, une exposition de l’Évangile de saint Matthieu ; Claude la compose en 815 ou 816. De tous ses écrits c’est celui qui nous a été conservé par le plus grand nombre de manuscrits ; E. Dùmmler, dans Sitzungsberichte der K. preus. Akademie der WUsenschaften, Berlin, 1895, p. 430, mentionne neuf manuscrits. Vers la même date Claude dédie à Dructeran son commentaire de la lettre aux Calâtes. Louis le Débonnaire le nomme évêque de Turin, vers la fin de 817 ou en 818. Cf. F. Savio, Gli anticlii vescovi di Torino, Turin, 1889, p. 38-40 ; E. Comba, 1 nostri protestante, t. i, Avanti la Rifortua, Florence, 1895, p. 121-123.

C’est le temps où avait éclaté la révolte de Bernard, roi d’Italie, contre l’empereur, son oncle. F. Savio regarde comme probable que Louis le Débonnaire préposa Claude à l’Église de Turin pour avoir, dans ce poste important, un homme énergique et dévoué, ce qui était d’autant plus utile que Bernard avait compté des partisans dans le clergé italien ; il explique, op. cit., p. 42, 50-51, 55, par les services rendus, la faveur dont Claude jouit à la cour impériale et l’indulgence qu’il y trouva jusqu’à la fin de sa vie. Claude fut-il promu malgré lui, comme il l’affirme ? C’est là, observe.lonas d’Orléans, P. L., t. cvi, col. 315, une chose qu’il faut laisser au jugement de Dieu. Du reste, Jonas, ibid., col. 310, dit qu’il fut choisi par l’empereur ut aliornm utilitatt, doctrina prœdicationis cvangelicse, quse illi admodnm inesse videbatur, consulerct, et que, de fait, Claude s’appliqua au ministère de la prédication pro viribus. Tout absorbé qu’il fût par les soucis de la charge pastorale et par des préoccupations d’ordre profane (il dut combattre les Sarrasins), Claude n’abandonna pas ses études sur l’Écriture. Après les commentaires sur les lettres aux Éphésiens et aux Philippiens, dédiés à Louis le Débonnaire et qui sont à peu prés de la même date que la nomination au siège de Turin, il rédigea des commentaires sur les autres Epitres de saint Paul, sur le reste du Pentateuque, sur Josué, les Juges, Buth, les Bois. Un de ses compatriotes, Théodemir, abbé du monastère de Psalinody (diocèse de Nimes), était son meilleur ami et le principal excitateur de ses travaux ; la plupart lui furent dédiés.

Or, le commentaire sur la lettre aux Corinthiens (vers 820) ayant effarouché l’orthodoxie de Théodemir, celui-ci envoya ce commentaire à la cour d’Aix-la-Chapelle, pour en obtenir la condamnation. Claude l’apprit (vers 822) par une lettre venue de l’entourage de l’empereur. Il composait alors, pour Théodemir, son commentaire sur les Rois ; il le continua, non sans ouvrir une parenthèse dans laquelle il adressait dos reproches à Théodemir et lui disait qu’à Aix-la-Chapelle, loin de condamner son ouvrage, on lui avait fait un accueil flatteur. Cf. /’. L., t. civ, col. 811. Théodemir répliqua par inir lettre où il pressait Claude d’abandonner ses

opinions hétérodoxes..Nous savons par ailleurs, cf. P. L., t. cv, col. iflO, 165 ; t. cvi, col. 311, que, dés son arrivée dans son diocèse, Claude avait combattu absolument le culte des images, et ordonné de détruire toutes celles

— et elles étaient nombreuses — qu’il y avait dans les églises ; < ! < là beaucoup d’agitation parmi les fidèles. Le pape Pascal I" 1 infligea à Claude un blâme, demeuré platonique. La lettre de Théodemir n’eul pas plus de succès. Cl. mile répondit (vers 825) par V Apologeticum ati/ue rescriplum Claudii epwcopi adrersus Theodemiruni abbatem ; il reprenail ses idées favorites, s’il ne lis accentuait encore.’n 825 se tint, à Paris, un s

ode qui, d’une pari, protesta contre le culte des images, mais, ii, mire part, défendit de les détruire et

déclara que c’est une injustice de comparer les images à la croix. Cf. Hefele, Histoire des conciles, trad. Delarc, Paris, 1870, t. v, p. 23C-2’12. Ces deux derniers points contredisent l’enseignement de Claude, et il semble que Dungal ait en vue ce svnode quand il dit, 7’. L., t. cv, col. 529-530, cf. col. 468^ que Claude refusa de s’y rendre, l’appelant une « assemblée d’ânes » , et que les évêques trop patients eurent le tort de l’épargner. Cf. Savio, op. cit., p. 47-48. En tout cas, les doctrines de Claude furent condamnées par l’empereur et « les hommes très prudents de son palais » . Cf. Jonas, P. L., t. evi, col. 306. Louis le Débonnaire envoya des extraits de V Apologeticum à Jonas d’Orléans, qu’il invita à en écrire la réfutation. Peut-cire fit-il la même demande à d’autres personnages. L’hypothèse est vraisemblable en ce qui concerne Dungal le reclus, lequel, dans ses Responsa contre Claude (vers 827), reproduit et réfute ces fragments. Ouanl à Éginhard, a-t-il écrit à la demande de l’empereur son traité De adoranda cruce, et même ce traité, qui est des environs de 830, fut-il dirigé contre Claude ? Le peu que nous savons de cet ouvrage, par Servat Loup de Ferrières, Epist., iv, P. L., t. exix, col. 415, ne permet pas de répondre à ces questions. Claude, d’humeur combative et d’une grande ténacité de caractère, ne se laissa pas amener à d’autres idées que celles qu’il avait soutenues. D’ailleurs, Louis le Débonnaire et son fils Lothaire, roi d’Italie, ne le troublèrent pas dans la libre possession de son évêché, en dépit des exhortations de Dungal, P. L., t. cv, col. 466-467, à le châtier rigoureusement. Claude demeura fidèle jusqu’au bout aux doctrines qui lui avaient valu la contradiction ; Walafrid Slrabon, De rébus ecclesiast., c. viii, P. L., t. exiv, col. 929, dit que sico judicio damnatus inleriit, ce qui est la formule usitée par les auteurs ecclésiastiques pour indiquer l’obstination finale dans l’erreur. Cf. Savio, op. cit., p. 50. Sur des légendes ultérieures relatives à sa mort, cf. E. Comba, / nostri protestanli, t. i, p. 148. Il mourut certainement avant le 22 janvier 832, date où son successeur Vitgaire figure dans un acte de partage de biens de l’abbaye de Saint-Denis, cf. Mabillon, De re diplomatica, 2e édit., Paris, 1799, p. 519, et p. 450, table 53 — et probablement vers 827, car, si Dungal acheva vers cette date, et du vivant de Claude, ses Responsa, Jonas d’Orléans, qui avait entrepris, vers le même temps que Dungal, de réfuter l’évêque de Turin, arrêta la rédaction de son traité’en apprenant la mort de Claude. Plus tard, après la mort de Louis le Débonnaire (810), donc entre 810 et 843, année où il mourut lui-même, Jonas reprit la plume et termina l’œuvre interrompue, car ilavaii été avisé que les erreurs de Claude revivaient dans ses disciples, /’. L., t. CVI, col. 307 ; il offrit son traité à Charles le Chauve.

IL Doctrines. — 1° Doctrines certaine* de Claude de Turin. — 1. Claude comprenait les exigences de la foi catholique. Dans la préface de son commentaire sur les Hois, P. L., t. civ, col. 634, il dit qu’il n’y a qu’une chose qu’on doive examiner dans celui qui s’occupe de l’Ecriture, utrumne vera et catholica an falsa et Itssretica sini (/ ! < « ’scribit. Dans son Apologeticum, P. L., I. CV, col. 459, il déclare tenir à l’unité : ego enini non sectam doceoqui unitatem teneoei veritatem proclama. Il est vrai qu’il ajoute qu’il a toujours combattu et qu’il ne cesse pas de combattre de son mieux o les séries, les schismes et les superstitions » , c’est-à-dire le culte des images. On sait — qu’il suffise de se rappeler les livres carolins, voir t. ii, col. 1792-1799, le concile de Francfort (794), le synode de Paris (825), cf. Mabillon, Acta sanctorum ont. S. Benedicti, sœc. iv, part. II. Paris. 1677, p. xi-xxix — les idées assez généralement admises dans l’Église franque sur les images ; si l’on protestai ! qu’il ne faut pas les détruire, on leur déniait toute espèce de culte, même de dulie, même relatif. L’adversaire do