Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.djvu/174

Cette page n’a pas encore été corrigée
325
326
CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU)


Nous les retrouverons sur notre route. Notre-Seigneur va d’ailleurs généraliser lui-même et préciser encore.

6° La grande apparition, dans l’octave du Saint-Sacrement (10îô). Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes ; une fête de réparation. Le P. de la Columbière. — Nous arrivons à celle qu’on peut appeler la grande apparition parmi les grandes apparitions. Le P. de la Colombière, qui y était intéressé, en eut connaissance dans les premiers jours qui suivirent l’événement, et en fit écrire le récit par la Bienheureuse. C’est ce récit qui, transcrit par lui dans sa retraite de Londres, février 1677, fut publié avec le journal de ses retraites spirituelles, et livra au public le secret des apparitions, sans désigner d’ailleurs aux non-initiés ni le monastère, ni la voyante. C’est ce même récit qu’on retrouve, avec quelques légères variantes, dans le Mémoire autographe, transcrit, sans doute, par la Bienheureuse sur l’imprimé du P. de la Colombière. Elle eut lieu dans l’octave du Saint-Sacrement. L’année n’est pas indiquée. Maiscomme le P. de la Colombière était à Paray, ce ne peut être qu’en 1675 ou 1676. Tout indique 1675, date donnée par les contemporaines. Vie et œuvres, t. I, p. 94 ; 2e édit., p. 125. Comme d’ailleurs on peut croire, d’après les usages de la Visitation, qu’elle eut lieu le dimanche, on peut la dater, comme on fait souvent, du 16 juin 1675.

Elle était devant le saint-sacrement, et Dieu la comblait « des grâces excessives de son amour » . Comme elle désirait « lui rendre amour pour amour » , pour le payer de « quelque retour » , il lui dit : « Tu ne peux m’en rendre un plus grand qu’en faisant ce que je t’ai déjà tant de fois demandé. » A quoi au juste font allusion ces paroles, rien ne l’indique nettement. On devine qu’il s’agit de répondre aux intentions du Maître, en établissant le culte du Sacré-Cœur ; peut-être est-il question, plus au précis, de s’ouvrir à sa supérieure ou à son directeur des volontés du Sauveur à ce sujet. Notre-Seigneur va, du reste, manifester nettement ce qu’il désire. Lui découvrant son Cœur, il lui dit : & Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner son amour. Et pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, et par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour. Mais ce qui m’est encore le plus sensible, est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés qui en usent ainsi. » Jusqu’à présent, rien de bien nouveau dans cette apparition. Ce qui suit l’est tout à fait. Notre-Seigneur ajoute : « C’est pour cela que je te demande que le premier vendredi d’après l’octave du Saint-Sacrement soit dédié à une fête particulière, pour honorer mon Cœur en communiant ce jour-là, et en lui faisant réparation d’honneur par une amende honorable, pour réparer les indignités qu’il a reçues pendant le temps qu’il a été exposé sur les autels. » Notre-Seigneur demande donc un culte public, qui ait sa fête, et qui ait ses pratiques déterminées. « Je te promets, ajoute-t-il, que mon Cœur sidilatera pour répandre avec abondance les inlluences de son divin amour sur ceux qui lui rendront cet honneiirct qui procurerontqu’il lui soit rendu. » Mémoires, dans Vie et œuvres, t. II, p, 355 ; 2e édit., p. 413. Mais le moyen d’établir cette fête ? C’est la troisième phase de l’apparition. Dans son Mémoire, la Bienheureuse abrège un pi u. Dans le récit écrit pour le P. de la Colombière, la scène est lies ivante : « Mais, mon Seigneur, i qui vous adressez-vous ? » El elle insiste sur son indignité de « chélive créature et pauvre pécheresse » . « Hél pauvre innocente que tu es, lui dit Notre-Seigneur, ne sais-tu pas que je me sers des sujets les plus fdibles pour confondre les forts ? — Donnez-moi donc, lui dit-elle, le moyen de faire ce que vous me commandez. — Adresse-toi à mon serviteur (Jésus nomma le

P. de la Colombière, qui était alors supérieur de la petite résidence des jésuites à Paray) et lui dis de ma part de faire son possible pour établir cette dévotion el donner ce plaisir à mon divin Cœur. » Notre-Seigneur ajouta que les difficultés ne manqueraient pas ; « mais il doit savoir que celui-là est tout-puissant qui se délie de soi-même, pour se confier uniquement en moi. »

Avec cette apparition, la dévotion entre dans une phase nouvelle, et cela de deux laçons. D’abord, Notre-Seigneur demande un culte public, en particulier l’établissemeut d’une fête. Puis, les desseins de Jésus se manifestent. Jusque-là, Marguerite-Marie en disait ou écrivait quelque chose pour sa supérieure et pour ceux que celle-ci voulut consulter, mais très discrètement, comme on le voit par les notes remises à la Mère de Saumaise et conservées par celle-ci. La communication faite au P. de la Colombière fut pleine et nette. Et dès lors, comme nous allons le voir, les desseins de Notre-Seigneur entrèrent en voie d’exécution, la dévotion commença de se propager.

7° Les commencements de la dévotion nouvelle. Apostolat du P. de la Colombière et publication de ses retraites spirituelles. Apostolat de Marguerite-Marie ; ses premières conquêtes, 1012-1688. — Elle commença bien petitement, et parmi combien de difficultés ! Le P. de la Colombière ne se contenta pas de rassurer Marguerite-Marie, et sa supérieure la Mère de Saumaise. Sans tarder il se consacra lui-même au Sacré-Cœur. Les contemporaines nous disent que ce fut le vendredi, 21 juin 1675 : c’était le jour après l’octave du Saint-Sacrement, le jour désigné par Notre-Seigneur pour la fête à établir. Vie et œuvres, t. I, p. 94 ; 2e édit., p. 126. Elles ajoutent que dans le peu de temps qu’il resta à Paray, « il ne laissa pas d’inspirer cette dévotion à toutes ses filles spirituelles. » Loc. cit., p. 95 ; 2e édit., p. 127. Vers la fin de septembre 1676, le P. de la Colombière quittait Paray : il était nommé prédicateur de la duchesse d’York, future reine d’Angleterre, et le 13 octobre, il arrivait à Londres, où l’appelait son emploi. 1 ! y fit connaître et aimer le Sacré-Cœur. Et d’abord de la duchesse elle-même que nous verrons intervenir auprès d’Innocent XII, pour l’établissement de la nouvelle dévotion, ensuite des âmes d’élite qui se mirent sous sa direction. Il en parla même dans quelques-uns de ses sermons de carême. Voir Histoire du V. P. de la Colombière, 1. VIII, c. VII, p. 338 sq. Il écrit lui-même à la fin de sa retraite de Londres, 29 janvier (== 8 février 1677, qu’il l’a déjà inspirée à bien des gens en Angleterre et qu’il en a écrit en Erance et prié un de ses amis de la laire valoir à l’endroit où il est. Œuvres complètes, t. VI, p. 117. Banni d’Angleterre, et déjà malade, il passa par Paray, en allant à Lyon ; il y revit Marguerite-Marie, la rassura, la fortifia ; il rassura également la Mère Greylié, qui avait succédé à la Mère de Saumaise. Histoire du V. P. de la Colombière, 1. X, c. i, p. 459 sq. Il continua cet apostolat, discrètement comme il faisait toute chose, mais de façon lort persuasive. Quelques-unes de ses lettres ont pour suscription : « Ma chère sœur dans le Cœur de Jésus-Christ. » Voir par exemple, la lettre xcvii, Œuvres complètes, t. VI, p. 544. Parfois il termine par une iormule comme celle-ci : « Croyez-moi, dans le Cœur de Jésus, tout à vous. » Lettre cxlv, loc. cit., p. 706. Il ne manquai) pas une occasion de recommander la communion réparatrice pour le vendredi après l’octave du Saint-Sacrement, et il demandait aux supérieures de l’établir dans leurs communautés, et cela de façon stable. Il assure que de grandes bénédictions sont attachées à cette pratique. Quand la discrétion le permet, il dit que cette pratique lui a été « conseillée par une personne d’une sainteté extraordinaire » . Lettre v, à sa saur, loc. cit., p. 261. Voir lettre xi. v à la Mère de Saumaise, loc. cit., p. 397 ; lettre lxxxi à la Mère