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CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU)


buts, des hypothèses de la science —ce n’étaient que des hypothèses d’ailleurs peu exactes elles-mêmes, aux temps de Galliffet et de Lambertini — qu’elle n’a voulu se prononcer pour le culte que quand elle a bien vu qu’elle pouvait le faire sans s’inféoder à des opinions variables et incertaines. Que les premiers théologiens de la dévotion — et encore plusieurs d’entre eux, comme le P. Croiset, sont-ils fort réservés sur ce point — aient trop donné au cœur, soit ; mais ils l’ont fait beaucoup plus dans leurs développements sur l’excellence de la dévotion que dans leurs explications sur l’objet propre de la dévotion.

Il reste que la dévotion au Sacré-Cœur est suffisamment fondée, si le cœur est vraiment l’emblème de l’amour. Et qui peut nier qu’il le soit ?

J’ai peur cependant que quelques-uns ne soient amenés par cette idée d’emblème ou à sacrifier le rapport réel du cœur de chair à l’amour, fondement du symbolisme, ou à ne plus donner à la dévotion toute son ampleur et toute sa portée, en restreignant par trop le champ du symbolisme et la valeur représentative du cœur. N’oublions jamais que la dévotion au Sacré-Cœur ne serait plus ce qu’elle est, si elle perdait contact avec le cœur réel, et si le cœur de Jésus n’était pas conçu comme en rapport réel avec la vie effective de Jésus, et par là avec tout l’intime de Jésus.

Voici donc, si je ne me trompe, comment à peu près on peut formuler les rapports de la dévotion au Sacré-Cœur avec la science du cœur.

Le cœur de Jésus est un cœur humain parfait ; le cœur est chez lui ce qu’il est normalement chez nous. Or nous sentons notre cœur intéressé dans nos états affectifs et jusque dans nos dispositions inorales ; nous sentons nos étals affectifs et jusqu’à nos dispositions morales reliés avec certains états et certains mouvements de notre cœur. Ce n’est pas seulement par métaphore que nous disons : Le cœur me battait fort ; j’avais le cœur gros ; j’en ai encore le cœur serré ; mon cœur se dilatait ; il était comme liquéfié ; il a le cœur chaud. Ces expressions traduisent pour nous une réalité physiologique en même temps qu’une réalité psychique. En quoi consiste cette réalité physiologique, nous ne saurions le dire, et nous laissons aux physiologistes le soin de l’expliquer. Mais cette correspondance est pour nous un fait d’expérience, et c’est sur ce fait d’expérience que repose le symbolisme du cœur, que repose toute la dévotion au Sacré-Cœur.

l’our nous rendre compte des choses en elles-mêmes, nous recourons aux philosophes et aux savants. Les philosophes nous disent que le cœur ne saurait être l’organe d’un amour spirituel ; ils ajoutent qu’un amour vraiment humain a naturellement quelque chose de sensible en même temps que de spirituel, l’homme étant un animal raisonnable, el qu’un amour sensible doit être en rapport avec un organe corporel. Ici le physiologie intervient, et tout en nous disant que l’organe propre de nos émotions sensibles n’est pas le cœur, mais que « le cœur, organe principal de la circulation du sang, est encore un centre où viennent retentir toutes les impressions nerveuses sensitives » . Claude Bernard, cité- par Terrien, p. 137. Voir Riche, Les fonctions cardiaques, c. iv, p. 08 sq. Et certes, il est intéressant d’entendre les savants nous expliquer ce que nous éprouvons, et nous redire, ce que nous sa vions bien, que « l’amour qui fait palpiter le ri

n’est… pas seulement une formule poétique, c’est aussi une réalité physiologique » . Claude Bernard, cité par

Riche, op. cit., p. 105. Nous les (’coulerons de mè

intérêt, quand ils nous diront que la vie végétative

miment la circulation du sang, dont le cœur est

l’organe principal, est en rapport étroil de cause et

d’effet avec la vie affective, Mais nous n’oublierons pas

que noire dévotion repose sur des expériences i é diates antérieures à la science ; qu’elle n’est donc pas solidaire des découvertes de la science, moins encore de ses tâtonnements et de ses hypothèses changeantes. Elle se meut dans un autre domaine, quelques faits d’expérience quotidienne suffisent pour fonder le symbolisme du cœur et pour établir qu’il est en rapport réel avec notre vie affective. Avec cela la dévotion au Sacré-Cœur est suffisamment fondée en physiologie. La science vient après et vient à côté. Les théologiens du Sacré-Cœur l’ont oublié parfois. Espérons qu’ils ne l’oublieront plus.

/II. l’acte propre de la dévotion au SACRÉ-CŒVn.

— Une dévotion se spécifie surtout par son objet ; mais elle est, en elle-même, un ensemble d’idées, de sentiments, de pratiques, en rapport avec cet objet. Pour achever de la connaître, il faut donc l’étudier aussi de ce côté, en nous demandant quel est l’acte propre de la dévotion au Sacré-Cœur.

La réponse peut se déduire de l’objet et de la fin de la dévotion, cette fin étant elle-même déterminée par la nature de l’objet. Mais pour ne pas procéder uniquement a priori, nous devrons examiner aussi les textes et les faits.

La question de l’acte propre pourrait tout aussi bien s’exprimer ainsi : Quel est l’esprit et le caractère propre de la dévotion au Sacré-Cœur, quelles en sont les pratiques spéciales suivant cet esprit et ce caractère ? On peut tout ramener à ces deux chefs : fin et acte propre de la dévotion, en expliquant l’esprit, les pratiques, le caractère.

1° Fin de la dévotion au Sacré-Cœur. — Quand Jésus montrait à la IL Marguerite-Marie son cœur brûlant d’amour pour les hommes, et ne pouvant plus contenir les flammes qui le dévoraient, voulant faire part à tous des richesses infinies de son Cœur, que voulait-il ? Attirer l’attention des hommes sur cet amour, les amener à lui rendre hommage, les inviter à puiser dans ce Cœur infiniment riche. Si, suivant les paroles de la Bienheureuse, « il prend un singulier plaisir à être honoré sous la figure de son Cœur de chair, » quel but veut-il que nous nous proposions en lui rendant cet honneur ? Il s’agit de la fin précise et prochaine de la dévotion, non pas de la fin dernière et générale, qui est évidemment la gloire de Dieu et la sanctilication des âmes. Il veut que nous nous proposions d’honorer son amour, et d’y répondre en lui rendant amour pour amour. La manifestation du Sacré-Ca’iir à la lî. Marguerite-Marie est la manifestation de l’amour. La réponse qu’elle demande est évidemment une réponse d’amour. On peut donc ramener toute la dévotion à ceci. D’un côté, un amour qui appelle l’amour, un amour tendre et débordant qui appelle un amour proportionné ; de l’autre côlé, l’amour qui répond à l’appel de l’amour, l’amour soucieux de n’être pas trop en reste avec l’amour immense qui l’a prévenu et qui le provoque. Si la dévotion au Sacré-Cœur se ramène, suivant le mot de Pie VI, à vénérer l’immense charité et l’amour prodigue [effusum) de Notre-Seigneur pour nous, il est clair que c’est pour allumer notre amour à ce foyer d’amour. La chose va de soi. Quelques textes seulement pour montrer qu’il en est bien ainsi. La Bienheureuse écrit au P. Croiset : « Il m’était montré un Cœur toujours présent, jetant des flammes de toute part avec ces paroles : Si tu savais combien je suis altéré de me faire aimer des hommes, lu ne négligerais rien pour cela… J’ai soif, je brûle d’être aimé. » Lettres inédites, lettre vi, p. Iso. Elle avait écrit précédemment à la Mère de Saumaise : « Il régnera malgré ses ennemis, et se rendra le maître et le possesseur de nos cœurs ; car c’est sa principale fin dans cette dévotion que de convertir les âmes à son amour. » Lettre l vu. lit’cl œuvres, t. II, p. 115 ; 2- (’(lit., lettre i.viii, p. 152.

Et encore au P. Croiset : « Il me lit voir que l’ardent