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CLARKE — CLAUDE

de matière en matière suivant les loix de la nature et le bel ordre préétabli, » p 587. « Je ne dis point que le monde corporel est une machine, ou une montre qui va sans l’intervention de Dieu, et je presse assés que les créatures ont besoin de son influence continuelle, mais je soutiens que c’est une montre qui va sans avoir besoin de sa correction ; autrement il faudroit dire que Dieu se ravise ; Dieu a tout prévu ; il a remédié à tout par avance ; il y a dans une harmonie, une beauté déjà préétablie, » p. 595. « Ceux qui soutiennent, répond Clarke, que l’univers n’a pas besoin que Dieu le dirige et gouverne continuellement, avancent une doctrine qui tend à le bannir du monde… L’idée que le monde est une grande machine, qui se meut sans que Dieu y intervienne, comme une horloge continue à se mouvoir sans le secours de son horloger, cette idée introduit le matérialisme et la fatalité ; elle tend effectivement à bannir du monde la providence et le gouvernement de Dieu, » p. 590, 591. « Le mot de correction ou de réforme, ne doit pas être entendu par rapport à Dieu, mais uniquement par rapport à nous… L’état présent du monde, le désordre où il tombera, et le renouvellement dont ce désordre sera suivi, entrent également dans le dessein que Dieu a formé… La sagesse et la prescience de Dieu consistent, comme on la dit ci-dessus, à former dès le commencement un dessein que sa puissance met continuellement en exécution, » p. 599.

Pour Leibnitz, l’espace « est quelque chose de purement relatif comme le temps, un ordre des coexistences comme le temps est un ordre des successions… Tout espace vuide est une chose imaginaire ; l’espace doit être la propriété de quelque substance ; l’espace vuide borné que ses patrons supposent entre deux corps, de quelle substance sera-t-il la propriété et l’affection ? » p. 613 ; cf. p. 644 sq. Clarke au contraire nie que l’espace soit seulement « l’ordre des choses qui coexistent, pas plus que le temps n’est l’ordre des successions dans les créatures » , p. 608. « L’espace destitué de corps est une propriété d’une substance immatérielle ; l’espace n est pas borné par les corps, mais il existe également dans les corps et hors des corps, » p. 623. « L’espace vuide n’est pas un attribut sans sujet, car par cet espace nous n’entendons pas un espace où il n’y a rien, mais un espace sans corps ; Dieu est certainement présent dans l’espace vuide : et peut-être qu’il y a aussi dans cet espace plusieurs autres substances, qui ne sont pas matérielles, et qui par conséquent ne peuvent être tangibles ni apperçues par aucun de nos sens… L’espace et la durée ne sont pas hors de Dieu ; ce sont des suites immédiates et nécessaires de son existence, sans lesquelles il ne serait point éternel et présent partout, » p. 623. 624.

Enfin Leibnitz déclarait, au sujet de la volonté humaine, « que les raisons font dans l’esprit du sage, et les motifs dans quelque esprit que ce soit, ce qui répond à l’effect que les poids font dans une balance… Vouloir que l’esprit préfère quelques fois les motifs foibles aux plus forts, et même l’indifférent aux motifs, c’est séparer l’esprit des motifs, comme s’ils étaient hors de lui comme le poids est distingué de la balance, et comme si, dans l’esprit, il y avoit d’autres dispositions pour agir que les motifs, » p. 631, 635. Clarke critiqua vivement ces comparaisons qui lui semblaient détruire l’idée même de liberté. « Une balance poussée des deux côtez par une force égale, ou pressée des deux côtez, par des poids égaux, ne peut avoir aucun mouvement ; et supposé que cette balance reçoive la faculté d’appercevoir, en sorte qu’elle sçache qu’il lui est impossible de se mouvoir… elle se trouveroit précisément dans le même état où le sçavant auteur suppose que se trouve un agent libre, dans tous les cas dune indifférence absolue… Mais un agent libre, lorsqu’il se présente deux ou plusieurs manières d’agir également raisonnables, et parfaitement semblables, conserve encore en lui-même le pouvoir d’agir, parce qu’il a la faculté de se mouvoir. » p. 672

Clarke ne perdit pas cette occasion de railler une des idées les plus chères de son adversaire. « L’harmonie préétablie n’est qu’un mot ou un terme d’art ; et elle n’est d’aucun usage pour expliquer la cause d’un effet aussi miraculeux (les rapports de l’âme et du corps). » p. 628. « C’est une hypothèse étrange que celle de l’harmonie préétablie, selon laquelle l’âme et le corps d’un homme n’ont pas plus d’influence l’un sur l’autre que deux horloges, qui vont également bien quelque éloignées qu’elles soient l’une de l’autre, et sans qu’il y ait entre elles aucune action réciproque, » p. 696.

Cette controverse, dont les plus savants compatriotes de Clarke suivaient avec passion les péripéties, augmenta encore sa réputation de philosophe. Elle eut pour suite diverses correspondances avec les philosophes anglais, surtout Antome Collins, pour la défense de la liberté humaine. Works, t. iv. p. 701 sq.

Ces travaux ne lui faisaient pas négliger son ministère à Saint-James ; un premier volume des sermons prêchés à ses fidèles parut en 1724 ; puis, en 1729 Exposition of the Church catechism, résumé de son enseignement ; ce catéchisme est fort intéressant pour qui veut connaître les doctrines de l’Église établie, à cette époque. Works, t. iii, p. 639 sq.

Clarke mourut, des suites d’un refroidissement pris en prêchant, le 17 mai 1720. Après sa mort. Benjamin Hoadly publia en 1731 dix volumes de ses sermons avec une bonne notice ; enfin le même Hoadlvy fit paraître en 1738 les Œuvres complètes de son ami, en 4 in-fol.

The Works of Samuel Clarke. Londres, 1738 sq. ; cette édition dédiée à la reine par la veuve de Clarke, est précédée de la notice d’Hoadly ; Whiston, Historical memoirs of the life of Dr  Clarke, Londres. 1748. A la suite de l’ouvrage de Whiston sont imprimés les deux opuscules suivants : Sykes, Elogium of Dr  Clarke ; Emlyn, Memoirs of the life and sentiments of Dr  Clarke ; Voltaire, Lettres sur les Anglais, Œuvres complètes, Paris, 1827, t. xxxv : Zimmermann, Samuel Clarke’s Leben und Lehre, Vienne, 1870 ; notices par Hausle dans le Kirchenlexikon, par Lestie Stephen dans le Dict. of nat. biography.

J. de la Servière.

1. CLAUDE Jean, célèbre ministre de l’Église réformée de France au xvii siècle, connu surtout pou : controverses avec Bossuet et Port-Royal et pour la défi qu’il prit de son parti. Né à la Sauvent du Drot. dans leBas-Agenois en 161’.), il mourut à La Haye le 13 janvier 1687. l’.ls d’un pasteur, il devint, après de fortes études à Montauban. pasteur lui-même a La 1 reine, 1645, a Saint-Affrique, 1646, et à Nimes, 1654. Ses corehoionaires apprécient déjà la solidité de sa doctrine et l’habileté de ses conseils, puisqu’ils l’appellent a professer a l’Académie de théologie de Nimes et. des lbo.l. ils le désignent comme modérateur-adjoint au synode provincial de Montpellier et comme délégué-suppléant au svnode national qui devait s’ouvrir a Loudun. Pasteur et professeur 1res influent malgré une contre en faveur du cartésianisme avec son célèbre coll Derodon, il fut bientôt suspect au pouvoir. Survint -, Nimes le svnode provincial de 1661. Claude en fut élu modérateur. Ce svnode eut à discuter un projet de reunion au catholicisme, présenté par le gouverneur du Languedoc, le due de Conti. Claude s’éleva contre ce projet avec une vigueur qui triompha, mais qui lui valut du roi l’interdiction d’exercer ses fonctions même de séjourner dans le Languedoc. Venu à I en octobre 1661 pour solliciter son pardon, il j séjourna ., ns l’obtenir jusqu’en mai 166* ; mais c’est s’ébauchèrent ses controverses avec Nicole, la pnn de Turenne l’ayant appelé, sur sa réputation. défendre | a foi protestante auprès du maréchal que IVrt-lïoy.d s’efforçait de convertir, sur ces entrefaites. 1 1 gtise de