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CLICHTOVE


Mais plus tard, lorsque son maître et les protestants français de Meaux eurent attiré les soupçons et les colères des théologiens, surtout lorsque Luther fut condamné par la Sorbonne et par Léon X, il abandonna ses premiers guides et ses premières tendances rénovatrices par peur et par scrupule, et de concert avec le syndic de la faculté, Noël Beda, se tourna tout entier contre les erreurs luthériennes et mérita d’être appelé le maillet de Luther. — I. Vie. IL Œuvres. III. Inlluence.

I. Vie.

Il naquit à Niewport, en 1472 ou 1473, d’une famille noble et riche et fit ses premières études à Louvain, au collège du Lys, puis à Paris au collège de Boncourt, où il eut pour maître de latin Charles Frenand. De là, il passa (vers 1490) au collège du cardinal Lemoine, pour y entendre Le Fèvre d’Étaples, son compatriote, qui, revenu naguère d’Italie, était considéré comme le chef des humanistes en France. C’est sous Sa direction, et en collaborant à ses ouvrages, qu’il prit ses grades de maître es arts en 1492, et de bachelier en théologie en 1498. A partir de 1499, il fut socitts Sorbonnicus, tout en demeurant au collège de Navarre, avec le célèbre Guillaume Briçonnet, alors évêque de Lodève, dont il était précepteur. C’est là que jusqu’en 1506 il conquit ses grades théologiques. Comme bachelier biblique, il expliqua un livre de l’Ancien Testament et un livre du Nouveau de 1498 à 1501 ; comme bachelier sententiaire, il commenta les Sentences de Pierre Lombard, pendant toute l’année 1501 ; de 1502 à 1506, il soutint ses différents actes théologiques (Tentativse, Magna, Ordinavia, etc., dont les manuscrits furent vus par Chevillier et Launoy au xviie siècle) et fut admis le sixième à la licence en mars 1506. Le 3 décembre de la même année, il passa son doctorat de théologie, en Sorbonne, sous la présidence de Pierre de Valle, proviseur du collège de Navarre, et en présence de ses compagnons d’études, dont plusieurs devinrent célèbres, tels que Jean Lemaire, Martial Mazurier, Jacques Merlin, Jacques Almain, Nicolas Raulin, etc. Le Fèvre d’Étaples, son maître, et Guillaume Briçonnet, son ancien élève, n’étaient pas là, parce qu’ils avaient suivi le roi à Bourges ; mais dans son discours à Notre-Dame de Paris et dans son premier cours magistral, il les remercia de leurs encouragements. Il remercia de même Jacques d’Amboise, évêque de Clermont, qui, disait-il, lui avait confié l’éducation de ses deux neveux, Georges et Godefroy d’Amboise. Ils avaient remplacé près de lui Guillaume Briçonnet, qui s’était retiré avec Le Fèvre d’Étaples, dans sa riche abbaye de Saint-Germain-des-Prés.

Dans cette même période, Clichtove s’était conquis une grande place parmi ceux qui enseignaient les arts libéraux. A côté de Georges Hermonyme, d’Érasme, de Fauste Andrelin, on le citait avec Le Fèvre d’Étaples pour les leçons de dialectique et de physique qu’il donnait au collège du cardinal Lemoine. Elles attiraient des élèves de tout pays, tels que Jean Solidus, de Cracovîe, Volgatius Pratensis, les deux Amerbach, fils de l’imprimeur de Bâle, Beatus Rhenanus, d’Alsace, Aventin dit Turmaïr, de Bavière, Michel Suther d’Allemagne, Alvarus d’Espagne. Elles lui valaient la faveur de Germain de Gansy, évêque de Cahors, d’Etienne Poncher, chancelier du roi, d’Etienne Ferrerius, évêque de Verceil, de Jean Molinari et de Philippe Prévost d’Arras.

De 1506 à 1512, l’activité de Clichtove ne se ralentit pas. Au lieu des arts, il professa la théologie en Sorbonne, où il fonda en 1510 un office de saint Josse et de sainte Cécile, et, toujours sous la direction de Le Fèvre, publia des ouvrages de philosophie, de théologie et d’Ecriture sainte.

Il en composa aussi de spéciaux pour ses deux élèves, Godefroy et Georges d’Amboise, dont il poursuivait l’éducation ascétique et théologique, soit au collège de

Navarre, soit à l’abbaye de Cluny, qui était destinée au premier d’entre eux. C’était l’époque où le cardinal d’Amboise avait la charge de réformer les ordres religieux, et Clichtove l’aidait en éditant des Pères à l’usage soit des clarisses, soit du monastère de Lérins, soit d’autres encore. Il était, en ce même temps, en relations avec G. Petit, dominicain, et Grimaldi, évêque de Grasse, avec Boville, qui lui dédiait son De mathematica rosa (1510), avec le vieux Wimpheling, qui lui adressait son De integritate (1506) et son Dogma mirabilium philosophorum (1512), avec Beatus Rhenanus, qui lui soumettait ses lettres de Grégoire de Nysse et son édition de Marsile Ficin, et le rangeait avec les Italiens Pic de la Mirandole, Baptiste de Mantoue, Zenobius Acciolus, et les Français, Jacques Le Fèvre d’Étaples, Boville et Fortunat, parmi les gloires littéraires de ce temps (1507).

De 1512 à 1515, ayant achevé l’éducation des d’Amboise, il professa de préférence au collège du cardinal Lemoine. Là se trouvaient alors autour de Briçonnet et de Le Fèvre, qui en 1510 avait fait un voyage en Allemagne, un groupe de théologiens, dont plusieurs comptèrent parmi les premiers réformateurs français, dont les autres se jetèrent dans le luthéranisme : c’était Gérard Roussel, Guillaume Farel, Vatable et Jérôme Clichtove. Ce groupe excitait déjà l’animosité et les soupçons des docteurs de Sorbonne. Clichtove jusqu’alors ne leur avait pas trop donné prise malgré sa constante collaboration avec Le Fèvre ; sans doute dans un journal resté inédit (de 1512 à 1518), il élaborait des apologies soit de son maître, soit de Reuchlin ; il prouvait même qu’il était permis de corriger la Vulgate ; mais il ne publiait que des œuvres orthodoxes de Pères, tels que saint Cyrille et Denys l’Aréopagite. Guillaume Petit lui confiait la revision du traité de Cl. Seyssel, évêque de Marseille, De triplici statu viatovis (1514), Boville lui dédiait son De invasionibus barbarorum (1514), G. Steenstrati lui adressait des vers, dans son Arithmetices praclica.

Louis Guillard, évêque de Tournay, le demanda comme précepteur en 1515, et se retira avec lui au collège de Navarre. En 1517, Charles V pensa un moment le prendre pour confesseur et le fit venir à sa cour ; mais Clichtove n’accepta pas plus cette lourde charge que l’honneur d’être chanoine de Thérouanneet pénitencier d’Albi. Il resta près de son élève, soit dans son cher collège de Navarre, soit à Tournay où il fut quelque temps curé de Saint-Jacques, 1519-1520. Mais la publication de son Elucidatorium en 1516, où il avait supprimé des versets de i’Eocultet et embrassé l’opinion de Le Fèvre d’Étaples sur les trois Madeleine, lui valut de vives attaques des théologiens, de Marc de Grandval, de Fisher, évêque de Rochester, el de Noèl Beda. Il dut composer son apologie et défendre aussi son maître Le Fèvre d’Étaples. Cette querelle qui dura jusqu’en 1520, et fut envenimée par les progrès du luthéranisme, impressionna beaucoup Clichtove, qui, par crainte soit de s’être trompé, soit d’être condamné avec Le Fèvre d’Étaples, soit d’être taxé de sympathies pour l’hérésie, se rétracta, se rapprocha de la Sorbonne et se détermina désormais à rejeter ses principes novateurs pour combattre presque exclusivement Luther. A ce moment, il se sépara de son maître qui, à la fin de 1520, suivit Guillaume Briçonnet à Meaux avec Gérard Roussel, Farel et Vatable, tandis que lui s’installait de nouveau au collège de Navarre avec Louis Guillard.

Jusqu’en 1526, il demeura à Paris et prit part à la plupart des actes de la Sorbonne contre Luther. Il poussa la faculté à condamner ses erreurs et rédigea lui-même la fameuse Determinatio facultalis théologies, qui devait susciter la colère des hérétiques allemands. En 1523, il fut nommé’de la commission qui conféra pendant 5 heures avec Berquin. Le 17 août, il fiil le seul à faire des réserves en laveur des traductions de