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CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE)

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l’Église roumaine de Sibiou-Hermanstadt, l’Église serboroumaine de Tchernovitz, l’Église serbe de Serbie, l’Église serbe « lu Monténégro, l’Eglise serbe de Carlovitz. 1° La première Église orthodoxe, qui réussite secouer la tutelle plus ou moins pesante du patriarcat œcuménique, est la liussie. J’ai déjà mentionné la tentative infructueuse d’Ivan IV en 1561, pour obtenir l’autonomie de son Église ; moins de trente ans plus tard, on fut plus heureux. Lorsque le patriarche Jérémie II se rendit à Moscou pour des questions financières, il fut contraint, le 23 janvier 1589, de reconnaître le métropolite de cette ville, Job, comme patriarche de toutes les lïussies et, trois jours après, de le sacrer solennellement. Cet acte n’était pas encore de nature à satisfaire les Moscovites ; très défiants des patriarches œcuméniques et de leurs pouvoirs, ils réclamèrent l’approbation officielle de toute l’Église orthodoxe, qui devait leur être donnée dans un synode. Ce concile se réunit à Constantinople en mai 1590 et assigna la cinquième place dans la hiérarchie orthodoxe au primat de Russie. Le tsar était toujours mécontent ; il aurait voulu la troisième place pour son patriarche, de plus il ne tenait pas la décision du synode pour valable, tant qu’il y manquerait la signature du patriarche d’Alexandrie. Un second concile, tenu en février 1593, lui donna gain de cause sur le second point, mais non sur le premier. Créé en 1589, le patriarcat de Moscou vit son dernier titulaire mourir le 15 octobre 1700. Pierre le Grand nomma pour le remplacer un bureau provisoire et tout à sa dévotion, qui gérerait les affaires.ecclésiastiques. Celte organisation provisoire prit fin en 1721, où elle fit place au saint-synode dirigeant, sur le modèle duquel se sont formées depuis toutes les Églises orthodoxes. Le 30 septembre de la même année, Pierre écrivit lui-même au patriarche de Constantinople, et Jérémie III, ainsi que ses conseillers, fut très heureux de lui envoyer, décembre 1723, l’approbation qu’il avait sollicitée. C’est aussi à partir du règne de Pierre I er que la Russie exerça une sorte de protectorat religieux sur les communautés orthodoxes de Turquie. Elle espérait ainsi provoquer des séditions et des soulèvements qui motiveraient son intervention armée, tout en lui permettant de créer des principautés indépendantes placées sous sa suzeraineté. De là, la fameuse proclamation de 1770, qui invitait tous les chrétiens de Turquie à se soulever pour la défense de leur foi ; de là, les traités de Kaïnardji en 1774, de Iassi en 1792, de Bucarest en 1809 et d’Andrinople en 1827, qui concédèrent à la Russie la protection des chrétiens orthodoxes, privilèges anéantis d’ailleurs par les désastres de la guerre de Crimée. S’il est certain que les convoitises politiques furent la cause première et directe de cette intervention, il n’en est pas moins vrai qu’elles agirent efficacement sur l’esprit des Turcs et rendirent la situation des chrétiens en Orient moins intolérable. La crainte d’une persécution, même d’une extermination générale, n’avait en effet cessé de planer sur la tête des Grecs. Déjà, oubliant les promesses solennelles de Mahomet II, Sélim I er (1512-1520) s’était proposé de massacrer tous les chrétiens de son empire. Le patriarche Théolepte, encouragé par le mufti Djémali, osa lui rappeler que les chrétiens avaient droit, de par les anciens traités, à la vie et au libre exercice de leur culte. Le sultan, touché par cette démarche, se contenta de convertir toutes les églises en mosquées et de permettre seulement d’en construire de nouvelles en bois. Comme l’ordre de Sélim I er n’avait pas reçu toute son application, Mourad III le renouvela en 1577. De nouvelles sommes furent dépensées pour arrêter cet ordre et, sur les instances de l’ambassadeur français, le sultan consentit à revenir sur sa décision. Vers l’année 1600, les Ottomans reprirent les plus belles églises, et ils n’autorisèrent les chrétiens à bâtir que des sanctuaires étroits

ot fort peu élevés. En 1730. on leur interdit de construire des églises et. en 1775, on ne leur permit du les réparer qu’en donnant des gratifications exorbitantes. La même prohibition s’étendait, du reste, aux maisons des clercs qui avoisinaient les églises.

2° Dans la période précédente, xiir-xvie siècles, nous avons vu disparaître en 1393, en même temps que le second empire bulgare, le patriarcat national de Tirnovo, dont les diocèses furent annexés au patriarcat œcuménique. Il restait encore une Église bulgare, plus ancienne que la précédente et dont l’autonomie avait été ratifiée par le basileus Basile II. au mois de mars 1020. Cet archevêché ou ce patriarcat gréco-buL dit d’Ochrida, se maintint jusqu’en 1707. bien que, des le xviie siècle, le Phanar y ait poussé ses créatures, qui l’endettèrent à qui mieux mieux et rendirent son état financier inextricable. J’ai raconté ailleurs, BULGARIE, t. ii, col. 1196-1201, à la suite de quelles intrigues nouées à Constantinople, le parti national s’était vu contraint de demander grâce et de consentir à la suppression du patriarcat, 16 janvier 1767. Cette suppression accrut la juridiction du patriarche œcuménique de treize diocèses ; mais une acquisition aussi injuste devait être compromise au cours du xixsiècle, grâce au réveil des nationalités qui se manifesta dans toute la presqu’île balkanique. Après des luttes héroïques par la plume et par la parole, après la propagande par le fait, dans laquelle ont toujours excellé les Bulgares, des faveurs politiques leur étaient consenties par les Turcs, accompagnées, comme il convient en Orient, de privilèges religieux. Le Phanar ne s’y prêta qu’avec la plus mauvaise grâce et il finit par excommunier les fils rebelles, 1872. Censure inutile qui n’arrêta aucunement les révoltés et produisit un schisme déplorable ! L’Église bulgare se constitua sous forme d’exarchat, plus ou moins reconnu par les autres Églises orthodoxes, qui vivent avec elle en assez bonne intelligence. Depuis, la question macédonienne est venue encore envenimer les rapports avec le patriarcat œcuménique. Quelle que soit la solution définitive, qui sera donnée par le Phanar à la question de l’Église bulgare pendante pour lui depuis 1872, deux points restent bien établis : c’est que jamais les Bulgares ne consentiront à se remettre sous le joug religieux des Grecs et que, parle fait de ce schisme, le patriarche de Constantinople a perdu en trente ans 2842000 fidèles en Bulgarie et 900000 environ en Thrace et en Macédoine. Avec une vue plus nette de la situation, avec moins de rogue et de fierté dans les négociations, on aurait pu éviter des conséquences aussi désastreuses. Voir Bulgarie, t. ii, col. 12001219, 1224-1228.

3° Bien qu’on ait eu recours à des mesures moins radicales, la situation ecclésiastique en Serbie s’est dénouée à peu près de la même manière qu’en Bulgarie. Créé en 1219 et rendu tout à fait autonome vers 1346, le patriarcat serbe avait disparu, entre les années 1 157 et 1 103, pour être englobé jusqu’en 1557 dans le patriarcat bulgare d’Ochrida. Cette année-là, Macaire Sokolovitch, frère du grand-vizir apostat de même nom. réussit à faire restaurer à son profit le patriarcat serbe d’Ipek, et celui-ci se maintint jusqu’au Il septembre 1766, où il fut supprimé par le Phanar et annexé au patriarcat œcuménique. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Privés d’indépendance politique, dépouillés, comme les Bulgares, de leur autonomie religieuse, les Serbes ne tardèrent pas à revendiquer l’une et l’autre. La lutte s’ouvrit avec le xixe siècle. Dès 1815, l’autonomie politique de la principauté était à peu près assurée. Cependant, comme elle ne fut reconnue et garantie qu’en 1830 par les conventions diplomatiques, on dut jusque-là subir les évoques grecs, qui s’étaient compromis dans les guerres de l’indépendance et n’étaient, en somme, que des espions déguises du gouvernement turc.