Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.2.djvu/72

Cette page n’a pas encore été corrigée

1411

CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE)

1412

Le reproche adressé au sujet de la procession du Saint-Esprit comprenait deux choses bien distinctes : d’abord l’addition du Filioque au symbole, ensuite l’affirmation que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils. Sur le premier point, il n’y avait pas lieu d’accuser l’Eglise romaine, puisque la nouveauté provenait de l’Espagne au vi° siècle, qu’elle avait été adoptée par les Églises des Gaules et de Germanie, et que le pape saint Léon venait encore, tout récemment, de protester contre cette insertion, lors de la querelle des religieux bénédictins avec les moines grecs de Saint-Sabas, en 808. Du reste, l’addition en soi n’avait rien de contraire à la foi ni aux canons ecclésiastiques. Le symbole dit de Nicée n’est pas l’œuvre de ce concile, il a subi des retouches et des additions au cours du ive siècle : le concile d’Éphèse, en 431, ne l’adopte pas ; il s’en tient au vieux texte de Nicée. Dès lors, la prohibition émanée du concile d’Éphèse, que les Grecs nous jettent à la face, s’applique à eux aussi bien qu’à nous, et s’il leur a été loisible d’introduire dans le texte primitif toute une série de dogmes, pourquoi les Latins n’auraient-ils pu y ajouter le Filioque ? Quanta la théorie grecque de la procession du Saint-Esprit, elle n’était pas nouvelle ; saint Jean Damascène et saint Maxime l’avaient exposée bien avant Photius, sans encourir le moindre reproche d’hérésie. Dès lors, si, au lieu de déchaîner un schisme lamentable entre les deux grandes fractions de la chrétienté, on avait cherché un terrain d’entente, nul doute qu’on fût arrivé à une formule qui aurait sauvegardé la doctrine, tout en tenant compte de l’explication des deux écofes. C’est pourtant là le grief principal des Grecs contre les Latins, celui que, après Photius, ils n’ont cessé de ressasser dans toutes leurs polémiques. Si nous quittons Photius pour aborder les arguments de Cérulaire, nous ne voyons guère qu’un reproche nouveau et d’espèce liturgique, l’emploi des azymes. Il est prouvé en elïet que le Ilept rôiv « frpâyvojv, attribué à Photius, n’est pas de lui, mais du milieu du XIe siècle. Le nouveau débat était insoluble, puisque l’usage du pain fermenté est très ancien dans l’Église grecque, celui du pain azyme non moins ancien dans l’Église latine, et qu’on n’a pas encore réussi à déterminer quelle sorte de pain Notre-Seigneur avait employé le jour de la cène. A ce titre, il était appelé à prendre place dans l’arsenal des divergences entre les deux Églises, d’où les Grecs le retirent à chaque polémique. Nous voyons ensuite surgir de nouvelles différences : d’abord i’épiclèse, que Théodore d’Andida met en avant au XIIe siècle et qui devait jouir d’une fortune inespérée. Vient ensuite le purgatoire, que l’on ne veut pas admettre, bien qu’on prie et qu’on se sacrifie pour les morts, et cela de toute antiquité. Étrange contradiction, qui n’a pas lieu de trop nous étonner chez des gens brouillés avec la logique. Enfin, l’on condamne la doctrine de l’entière récompense des justes avant la commune résurrection et le dernier jugement, comme certains théologiens du moyen âge, sans doute pour protester contre la définition dogmatique du pape Benoit XII, 29 janvier 1336. N’oublions pas la communion laïque sous une seule espèce et le baptême par infusion, auxquels viendront s’ajouter dans notre siècle la définition de l’immaculée conception et celle de l’infaillibilité du pape, et nous aurons énuméré tous les griefs de l’Église oecuménique contre nous, ceux que, malgré des réfutations répétées et péremptoires, elle nous opposait encore en 1895.

Un point sur lequel les deux Églises n’ont jamais accusé de divergences est celui qui concerne le nombre des sacrements. De part et d’autre, la même évolution s’est produite. Avant Photius, nos sept sacrements figurent dans les sources grecques. Même l’extréme-onction, pour laquelle on possède si peu de témoignages anciens, parait être d’un usage régulier en Orient. Saint Théo dore Studite la reçoit avant de mourir, le Il novembre 826, « suivant la coulum> irquent deux de ses

contemporains. Xaucrace, P. G., t. xcix, col. 1815 ; Michel, Vita S. Theodori Studitæ, n. G7, P. G., t. xcix, col. 325 ; voir aussi S. Jean Damascène, P. G., t. xcv, col. 264. Cela ne veut pas dire toutefois qu’on se fût déjà arrêté au nombre de sept sacrements et à nos sept sacrements ; une telle précision à cette époque fait défaut aussi bien dans l’Église grecque que dans l’Eglise latine. Et, de fait, nous voyons saint Théodore Studite ranger la profession religieuse et les funérailles parmi les sacrements. Si l’on ne rencontre en Occident qu’au xiie siècle, sous la plume d’Otton de Bamberg (-J-1125), l’énumération de nos sept sacrements, il faut en Orient descendre jusqu’au xiiie siècle pour en avoir l’attestation formelle. L’empereur Michel Paléologue confesse, au mois d’avril 1277, qu’il y a sept sacrements, les sept de l’Église romaine, A. Theiner et F. Miklosich, Monumenta speclanlia ad unionem Ecclesiarum, Vienne, 1872, p. 10, mais on peut ne voir dans cette profession de foi qu’un emprunt fait à l’Église latine. Par contre, un de ses contemporains, le moine Job. qui ne déguisa pas son hostilité envers l’Église catholique, énumère sept sacrements : « le baptême, la confirmation, la communion, le sacerdoce, le mariage, le saint habit, l’extrême-onction, c’est-à-dire la pénitence. » P. Arcudius, De concordia Ecclesise occidentalis et orientalis, Paris, 1672, p. 6. Le patriarche de Jérusalem, Chrysanthe, qui a publié le traité de Job, encore inédit du temps d’Arcudius, a retouché le texte de Job pour le metlre en conformité avec la doctrine grecque de son temps et, après avoir énuméré les cinq premiers sacrements, il passe sous silence « le saint habit » ou profession monastique, et divise ledernier en deux : extrêmeonction et pénitence, de façon à conserver le même nombre. Suvra-yivdmov, Tergevitz, 1715, p. 123. Dans les premières années du XVe siècle, Syméon de Thessalonique, qui consacra tout un traité aux sacrements, n’en indique que sept et les sept que nous avons aujourd’hui. De sacramentis, P. G., t. clv, col. 177. La doctrine s’était donc précisée et avait été entre le xiiie et le xve siècle admise de tous. Au concile de Florence, en 1439, les évêques grecs ne tirent aucune difficulté de confesser sept sacrement-.

Il est, au contraire, un point de discipline, sur lequel les deux Églises se séparent de plus en plus. Déjà, depuis quelques siècles, l’Église latine jeûnait le vendredi et le samedi de chaque semaine, tandis que l’Église grecque jeûnait le mercredi et le vendredi. De même, l’observance du carême manifeste des tendances très opposées. Tandis que, de fort bonne heure, on s’est arrêté en Occident à 40 jours de jeûne, en Orient régnent deux coutumes différentes. Dans les milieux catholiques, le grand carême dure sept semaines, ce qui donne seulement 36 jours, puisqu’on ne jeûne jamais le dimanche ni le samedi, sauf le samedi-saint. Ainsi en était-il à Jérusalem en 544, du temps du patriarche Pierre, P. G., t. xcv, col. 76 ; à Antioche, vers la fin du vie siècle, sous le patriarche Anastase, ibid. ; à Athènes, vers 681, sous le métropolite Jean, ibid. ; peut-être à Constantinople, en 732, sous le patriarche Anastase. P. G., t. xcv, col. 73. Par contre, les monophysites observaient un carême de huit semaines et de 40 jours, comme nous le voyons par les écrits de Sévère, patriarche d’Antioche (512-518), P. G., t. xcv, col. 76. et de Benjamin, patriarche copte d’Alexandrie (621-660). P. G., t. xcv. col. 77. Dans la première moitié du VIIIe siècle, le jeûne de 40 jours était encore fort mal noté- parmi les orthodoxes ; saint Jean Damascène du ! donner des explications à ce sujet dans sa célèbre lettre sur les jeûnes, P. G., t. xcv. col. 6 ; i-78. et il s’exprima de telle manière que les deux pratiques pouvaient.gaiement voir en lui un défenseur. Peu à peu, à une date qui n’a pas été déterminée, l’Église