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CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE)


l’Angevin contre Constantinople, imposant une nouvelle trêve d’un an aux deux adversaires et s’efforçantde garder entre eux la balance égale. Tout cela au point de vue politique ; dans le domaine religieux, ses exigences paraissent avoir été excessives. S’il n’est pas prouvé qu’il ait, le premier, imposé aux Grecs l’insertion du Filioque au symbole et le chant de cette formule dans la liturgie

— V. Norden, op. cit., p. 576, note 1, pense en effet qu’Innocent V et Jean XXI avaient déjà fait cette réclamation — du moins, il froissa le sentiment des Byzantins sur un grand nombre de points. L’empereur et son fils devaient dresser de nouveaux procès-verbaux de leurs serments au concile de Lyon ; le patriarche et lesévêques y adhéreraient sous la foi du serment ; on ne conserverait des rites grecs que ceux qui étaient conformes à la foi ; un cardinal-légat résiderait à Constantinople pour recevoir les serments du clergé, pendant que des nonces visiteraient les principales villes de l’empire, pour y faire respecter les volontés pontificales, etc., etc. Ces demandes dépassaient les engagements conclus à Lyon et risquaient de mettre en péril l’œuvre accomplie dans ce concile. Pourtant, lorsque les délégués pontificaux furent rendus à Constantinople et que Veccos, brouillé avec le basileus, eût été solennellement réintégré, G août 1279, l’empereur et le clergé grec n’opposèrent aucune entrave à ces réclamations. On inséra le Filioque au symbole, on rédigea même une lettre d’excuse au pape, qui était pleine d’artifices et surtout de fausses signatures, et Michel VIII n’épargna rien pour contenter les légats et afficher un zèle qui était loin de l’animer, mais aussi il ne répondit à aucune des demandes pontificales. Cependant, les ennemis de l’union affirmaient que le patriarche était un apostat, depuis qu’on avait reconnu le pape de Rome. Veccos, qui avait d’abord gardé le silence, démontra que l’union était utile et bonne et que l’addition du Filioque au symbole était parfaitement orthodoxe d’après les témoignages des Pères grecs et des écrivains du XIIe siècle. L’empereur, à qui on s’en plaignit plusieurs fois, donna des réponses évasives, tandis que le patriarche célébrait toute une série de synodes pour agir sur les prélats qui n’avaient pas encore adhéré de cœur à l’union. Sur ces entrelaites, Nicolas III mourut, 22 août 1280, et le 22 février 1281 on lui donna pour successeur le cardinal français Simon de Brie, qui prit le nom de Martin IV. Entièrement dévoué à la cause de Charles d’Anjou, à qui il devait la tiare, Martin IV ne prit pas au sérieux la conversion de Paléologue ; il reçut fort mal les ambassadeurs, les métropolites de Nicée et d’Héraclée, que l’empereur lui avait envoyés à l’occasion de son avènement et rompant avec la politique de ses prédécesseurs, sans que Michel VIII eût contrevenu en rien à ses engagements, le 18 novembre 1281, il le déclara excommunié comme hérétique et schismatique, défendit, sous peine d’anathème, à tous les princes chrétiens de lui porter secours et délia de leurs serments tous ceux qui en avaient contracté envers lui. La cause de cerevirement subit doit être attribuée surtout à des motifs politiques. Martin IV devait tout à la maison d’Anjou ; il savait, de plus, que Michel VIII s’était entendu avec Pierre d’Aragon et Procida pour prononcer la déchéance de Charles et expulser les Français de l’Italie méridionale ; lui-même, par un traité secret passé avec Charles d’Anjou, Philippe, héritier de Baudouin II, et les Vénitiens, avait combiné une double expédition qui reprendrait Constantinople aux Grecs et rétablirait Philippe de Courtenay sur le trône latin de ses pères. On juge de la colère qui s’empara du basileus à la nouvelle de son excommunication. Il songea un instant à rompre avec Rome et à remettre les choses dans leur ancien état ; mais agir de la sorte c’eût été se condamner lui-même et condamner la ligne de conduite suivie jusquelà, c’eût été avouer à ses sujets que le besoin d’arrêter

Charles d’Anjou avait seul inspiré sa politique religieuse. Il ne changea donc rien aux dispositions qu’il avait prises à Lyon, afin de ne pas se dédire publiquement, mais il défendit qu’on nommât lu pape dans les prières liturgiques, pour lui montrer que, s’il ne brisait pas avec la papauté, il entendait du moins briser avec le pape qui s’était déclaré l’ennemi des Grecs. Le Il décembre 1281, les troupes de Michel VIII mettaient en pleine déroute l’armée de Charles d’Anjou près de Dérat d’Albanie ; en mars 1282, la révolte des Siciliens, le massacre des Français aux vêpres siciliennes, 30 mars 1282, la proclamation de Pierre d’Aragon comme roi de Sicile, toutes entreprises que Paléologue avait connues, favorisées et probablement payées de son argent, le tranquillisèrent pour de longues années du coté de l’Angevin. Excommunié une seconde fois le 7 mai 1282, puis une troisième fois, le 18 novembre 1282, déclaré déchu et privé de ses biens, il n’en tint aucun compte et mourut le Il décembre de la même année, après avoir refusé jusqu’au dernier moment de déchirer le pacte d’union qu’il avait conclu à Lyon.

A peine proclamé empereur, Andronic II désavoua la conduite de son père et la sienne propre. S’il avait jadis adhéré à l’union, écrit au pape, signé des formulaires de foi romains, la faute en incombait à la peur que lui inspirait son père et à sa propre faiblesse. Aussi, se mit-il aussitôt en devoir de rappeler de l’exil tous les clercs bannis par Michel VIII, de les réunir et de s’humilier devant eux en leur demandant pardon. Il obtint sa grâce, à condition de ne pas rendre les honneurs de la sépulture ecclésiastique à son père, mort dans la communion latine ; ce à quoi il consentit aisément. Puis, il força Veccos à se retirer, 26 décembre 1282, et, quelques jours après, 30 décembre, on réinstalla le vieux Joseph sur le siège patriarcal. On réconcilia alors les églises, on priva pour trois mois de l’exercice de leurs fonctions les prêtres et les clercs ; quant aux évoques, malgré leur retour au schisme, ils furent chassés de leurs sièges au synode tenu le lundi de Pâques, 1283. Il y eut alors toute une série de conciles pour réconcilier le clergé réfractaire ou pour l’anathématiser. Jean Veccos dut plusieurs fois comparaître et, après avoir justifié ses écrits, honni de toute son Eglise, emprisonné, maltraité, il mourut en 1298. terme dans sa foi. Nous voyons ainsi qu’autant il ici ici VIII s’était montré empereur catholique, autant son fils suivit une direction tout opposée. A toutes les avances des papes il répondit par le silence ou même par des refus, comme en 1290, où Nicolas IV sollicita vainement de lui l’envoi d’une ambassade. La crainte des représailles, la menace des croisades qui s’organisaient contre lui ne le firent pas dévier un instant de sa résolution. En vain Charles de Valois, frère de Philippe le Bel, héritier depuis 1301 des prétentions latines sur l’empire de Constantinople, négociait une alliance avec Venise, 19 décembre 1306, faisait excommunier le basileus par Clément V, juin 1307, et préparait une expédition contre Byzance, de concert avec le roi de Serbie, Miloutine, et avec le roi de Naples, 1308 ; en vain soudoyait-il sous main les fonctionnaires byzantins, las de l’imbécillité de leur empereur ; en vain concédait-il en 1313 ses droits à son gendre, Philippe de Tarente, qui possédait déjà une bonne partie de l’Épire et de l’Albanie, Andronic 11 restait plus que jamais attaché à l’orthodoxie. Ce n’< Si qu’en 1323, lorsque le danger devint tout à fait pressant, qu’il se décida à user de diplomatie avec les cours occidentales. Sur son ordre, des religieux latins et l’évéque de Capha en Crimée se rendirent en France, pour convaincre Charles IV le Bel et ensuite la curie romaine de ses bonnes dispositions. En même temps, un auxiliaire inattendu se présentait, le célèbre vénitien Marina Sanudo, qui se lit l’ardent propagateur de cette réconciliation. Dans son ouvrage, Sécréta fidulium crucis,